Kaboullywood

A Kaboul en Afghanistan, quatre étudiants assoiffés de vie décident d’accomplir un projet audacieux : rénover un cinéma abandonné, qui a miraculeusement survécu à 30 ans de guerre. Comme un acte de résistance contre le fondamentalisme des talibans, ils vont aller au bout de leur rêve pour la liberté, la culture, le cinéma…

Note d’intention de Louis Meunier, le réalisateur

J’ai posé le pied en Afghanistan pour la première fois en mars 2002. Un contrat d’humanitaire en poche, je venais participer à l’effort de reconstruction après la chute du régime taliban. A cette époque, les Afghans étaient optimistes ; c’était l’espoir du retour à la paix après 25 années d’invasion, de guerre civile et d’oppression. Une liberté d’expression nouvelle prenait forme et se manifestait par l’apparition d’une scène culturelle jeune et dynamique composée de réalisateurs, de comédiens, de musiciens, de peintres...

Ces artistes devenaient l’exutoire d’une société emprise trop longtemps dans des normes conservatrices. Inspirés par le cinéma et la musique indienne, la culture iranienne, les arts de la rue et le hip-hop occidental, ils créaient une identité afghane originale, à mi-chemin entre l’Orient et l’Occident… Cette période est malheureusement révolue. Aujourd’hui, les troupes occidentales ont presque toutes quitté l’Afghanistan, qui menace de sombrer à nouveau dans l’obscurantisme. Les espoirs sont retombés.

Le gouvernement fait des compromis avec les franges radicales du pouvoir et en vient à considérer les Talibans comme des alliés modérés face à Daech - dont l’influence s’étend à travers tout le pays. La plupart des artistes ont fui ; ceux qui restent craignent sérieusement pour leurs vies. Parti au départ pour six mois, je suis resté dix ans en Afghanistan. Comme les Afghans autour de moi, j’ai été optimiste puis j’ai assisté, tristement, à la détérioration progressive de la situation.

Avec KABULLYWOOD, j’ai voulu témoigner de cette parenthèse pleine d’espoirs et porter un message : quand la religion est utilisée comme prétexte pour s’attaquer à la liberté d’expression et faire table rase du passé, c’est toute la société qui est en danger. J’ai voulu aussi montrer un visage méconnu de l’Afghanistan, loin de la trilogie simpliste taliban / opium / burqa, en rendant hommage à la richesse de l’héritage culturel du pays : la musique, la peinture, la poésie et surtout le cinéma, à travers une intrigue pleine d’action et d’énergie, qui s’inspire de l’essence de Kabullywood – le cinéma populaire afghan des années 1970 / 1980.

Le décor principal du film est une salle de cinéma à l’abandon qui était autrefois la plus grande et la plus belle de Kaboul - une version afghane du Cinema Paradiso, avec ses projecteurs au charbon, ses fauteuils en velours, son grand balcon, son rideau doré… Nous l’avons rénovée au cours du tournage dans l’espoir d’en faire, à nouveau, un lieu culturel.

Tragiquement, la fiction a rejoint la réalité car les péripéties imaginées dans le film se sont réalisées sur le plateau du tournage : nous avons été menacés par des hommes en armes, notre maison a été criblée de balles, nous avons failli mourir dans un incendie et une partie de l’équipe a été blessée dans un attentat.

Pour toutes ces raisons, les portes du cinéma sont malheureusement restées fermées à l’issue de la production. Mon seul soulagement est d’avoir pu mener à son terme la réalisation et la production de KABULLYWOOD.

À une époque où la culture et la liberté d’expression sont mises à mal - à Kaboul et ailleurs - ce film revêt pour moi une valeur symbolique particulière.

Comédie dramatique française de Louis Meunier. 4 étoiles AlloCiné.


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