Les pépites

Aujourd'hui, ils ont 25 ans et finissent leurs études ou commencent à travailler. Tous, lorsqu’ils étaient enfants, devaient fouiller, pour survivre, dans la décharge « à ciel ouvert » de Phnom-Penh, au Cambodge. C’est là que Christian et Marie-France, un couple de voyageurs français, les rencontrent, il y a plus de vingt ans. Ils décident alors de se battre sans limite pour sortir ces enfants de cet enfer. A ce jour, ils ont permis à près de 10.000 enfants d’accéder à l’éducation pour se construire un avenir. Ce film est l’histoire d’une aventure humaine extraordinaire…   

Entretien avec Xavier de Lauzanne, le réalisateur. Propos recueillis par James Burnet. 

Quand avez-vous effectué votre premier voyage au Cambodge ? Quel en était le but ?
J’ai vécu à Hanoï, au Vietnam, entre 1996 et 2000 où je travaillais sur un projet de formation hôtelière pour des jeunes en difficulté. Mais j’aimais aussi le cinéma et je voulais en faire depuis longtemps. En 1999, je me suis acheté ma première caméra et j’ai suivi un ami cyclopousse à Hanoï, entre deux 14 juillet. Du 14 juillet 1999 jusqu’au 14 juillet 2000. C’est ainsi que j’ai commencé, comme autodidacte, à réaliser. Ensuite j’ai rencontré, à Phnom Penh, Christian et Marie-France des Palières qui avaient besoin d’un film pour leur communication. Ce couple faisait chaque année une tournée en camping-car afin de récolter des dons et des parrainages pour leur association. Je leur ai proposé de faire leur film. Au final, il a bien circulé et a permis de récolter beaucoup de dons et de parrainages... J’ai donc décidé de persévérer dans la voie du documentaire. Mais si je vis aujourd’hui au Cambodge c’est parce que mon épouse a été nommée à l’institut Pasteur à Phnom Penh.

Vous avez réalisé plusieurs documentaires consacrés aux enfants et aux adolescents, quelles en sont les motivations, les raisons ?
Je n’ai jamais, spontanément, pensé travailler sur l’enfance ou l’adolescence. J’avais œuvré dans l’humanitaire au Vietnam et je connaissais assez bien le milieu associatif. Aussi, lorsque j’ai commencé à tourner des films, j’ai approché naturellement ces associations qui pour la plupart soutiennent l’enfance. Tout est parti de là, c’est un sujet qui est donc venu par le biais de rencontres. C’est peut-être aussi une forme de compensation au regard de mon propre parcours scolaire où je n’étais pas épanoui ? Je ne sais pas, c’est toujours très mystérieux. La rencontre avec le couple des Palières a donc été décisive. Ce sont eux qui m’ont mis le pied à l’étrier ; lorsque j’ai suivi pour la première fois Christian sur la décharge de Stoeung Meanchey, dans la banlieue de Phnom Penh. J’ai d’ailleurs utilisé ces premières images d’archives pour le film.

Lors de votre premier voyage au Cambodge, aviez-vous une idée de la situation dramatique que rencontraient les enfants de Phnom Penh ?
Je n’avais aucune information sur le sort de ces enfants. J’ai découvert leur situation en allant sur la décharge. Du Cambodge, je connaissais bien sûr l’histoire du génocide perpétré par les khmers rouges mais je ne me doutais pas qu’il pouvait y avoir des enfants vivant dans de telles conditions sur cette décharge à ciel ouvert. Je n’avais pas vu cette déliquescence de la famille au Vietnam, cette destruction des repères moraux qui sont, à coup sûr, liées au passé dramatique du Cambodge.

Qu’est-ce qui vous a attiré chez ce couple, Christian et Marie-France, au-delà de leur engagement auprès des enfants ?
Il y a une dimension émotionnelle dans ce projet qui m’a tout de suite bouleversé et qui, selon moi, tient à la nature du lien qu’ils ont su créer avec les enfants. S’ils sont appelés « Papy, Mamy » par ces jeunes, ce n’est pas pour rien. C’est que, comparé à d’autres structures institutionnelles, ils ont su créer un lien émotionnel, familial et affectif, puissant avec les enfants. C’est rare de rencontrer au sein d’une institution, l’existence d’un lien aussi fort !

Dans leur démarche, ce couple se substitue-t-il à la famille des enfants ou agit-il en complément de la famille ? Qu’en est-il des liens des enfants avec leur famille naturelle ?
Dans certains milieux, la misère affective est telle au Cambodge qu’un enfant confronté à un adulte qui fait attention à lui et le considère avec bienveillance devient rapidement résilient. Personne ne faisait attention aux enfants sur cette décharge. Ils n’étaient que des gagne-pains pour leurs parents qui vivaient dans une misère absolue ; donc leur priorité était de trouver un minimum à manger. Dès lors, ils avaient besoin d’un lien affectif que Christian et Marie-France leur ont apporté et que les enfants ont accepté, bien sûr, mais ils n’ont jamais tenu le rôle des parents. Par ailleurs il a fallu créer un internat parce qu’il y avait aussi des d’enfants qui étaient soit orphelins, soit abandonnés, soit menacés. Ces enfants avaient un lien encore plus fort avec Christian et Marie-France qui ont alors acquis une sorte de statut de grands-parents !

Quelle est votre première réaction en découvrant la décharge ?
Déjà, il faut savoir que la décharge à côté de laquelle se sont installés Christian et Marie-France a été fermée en 2009 car la ville s’est étendue tout autour. Une autre décharge a été ouverte 13km plus au sud et fonctionne encore aujourd’hui. Et la situation, même si elle peut être encore très dure, n’est heureusement plus aussi terrifiante que ça n’était. Dans mes souvenirs, la première image que j’ai de cette ancienne décharge, c’était la nuit, un environnement dantesque, une sorte d’enfer. Déjà, l’odeur putride et aigre vous prenait à la gorge tout de suite. Il y avait des feux un peu partout provoqués par les détritus. Les enfants dormaient sur des petites toiles à côté des flammes. Je voyais des familles entières qui foui llaient, une lampe vissée sur le front. En même temps j’étais attiré par toutes les petites légèretés parfois incongrues : des enfants qui trouvaient des cassettes audio, des pins, des petites broches, des chapeaux. Des petites choses qui ramenaient à la vie. Autre image marquante : l’attroupement d’enfants et d’adultes qui s’agglutinaient derrière les camions dont les déchargements pouvaient les ensevelir. Ces êtres humains se ruaient pour trouver le moindre déchet qui pouvait être revendu pour le recyclage. Cet univers mécanique et glaçant malgré la chaleur extrême était un danger permanent. Quand j’y suis allé pour la première fois, beaucoup d’enfants avaient déjà des bottes fournies par Christian et Marie-France. Mais d’autres n’avaient encore que des tongs et pouvaient se blesser facilement. Pourtant, je n’ai certainement pas eu le même ressenti que Christian et Marie-France quand ils ont découvert cette décharge. Là, je les accompagnais, je savais qu’une réponse à ce problème était en marche. J’avais déjà une caméra à la main et j’ai tourné des images que je n’aurais jamais pu faire seul. Les gens disaient « Papy est là » et je pouvais les filmer sans qu’ils se sentent humiliés.

Documentaire de Xavier de Lauzanne. 4,7 étoiles AlloCiné.

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