Licenciement disciplinaire ou pour cause réelle et sérieuse : il ne faut pas confondre

Dans une lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse, un employeur met en avant le comportement odieux et agressif du salarié. Pour la Cour de cassation, le licenciement aurait du être prononcé pour des motifs disciplinaires et non pour une cause réelle et sérieuse non disciplinaire...

Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 13 janvier 2016.
Pourvoi n° 14-20306.

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-1 et L. 1331-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 28 septembre 2009 par la société Mutualia avenir prévoyance, devenue la société Mutualia Sud-Ouest, en qualité de commercial rattaché à l'agence de Blanquefort, a été licencié le 4 novembre 2011 avec dispense d'exécuter son préavis ;

Attendu que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse sans caractère disciplinaire, l'arrêt retient que le libellé de la lettre de licenciement ne fait pas référence à des fautes du salarié, mais à son comportement au sein de l'agence et aux difficultés générées par ce comportement qui nuisait au bon climat du service et portait atteinte aux personnes et aux valeurs de l'entreprise et générait des désorganisations au niveau de l'agence et du service commercial, ce qui pouvait constituer une cause réelle et sérieuse non disciplinaire de licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement faisait notamment état d'un comportement odieux et agressif du salarié, d'insultes et de menaces vis à vis d'une de ses collègues et de tentative de déstabilisation de sa part, ce dont il résultait que le licenciement avait été prononcé pour des motifs disciplinaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Mutualia Sud-Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mutualia Sud-Ouest et condamne celle-ci à payer à Me Balat la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X... 

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Yannick X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société Mutualia Sud-Ouest ;

AUX MOTIFS QU' il est rappelé que le licenciement a été prononcé pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave ; que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement était de nature disciplinaire et qu'en conséquence les faits reprochés à M. X... étaient atteints par la prescription de deux mois applicable en matière disciplinaire ; que la cour ne partage pas cette analyse ; que le libellé de la lettre de licenciement ne fait pas référence à des fautes de M. X..., mais à son comportement au sein de l'agence, agence dont il n'avait pas le titre de responsable, et aux difficultés générées par ce comportement qui « nuisait au bon climat du service et portait atteinte aux personnes et aux valeurs de l'entreprise », et « génère des désorganisations au niveau de l'agence et du service commercial » ce qui peut constituer une cause réelle et sérieuse non disciplinaire de licenciement ; que la lettre de licenciement expose ensuite précisément les incidences de ce comportement qui a généré la démission de certains collègues ; que l'employeur rappelle également que M. X... avait fait l'objet d'une mise en garde par lettre du 12 octobre 2010, qui ne peut s'analyser en un avertissement et peut être rappelée lorsque le comportement a continué, sans transformer le licenciement en licenciement disciplinaire ; que, dès lors, l'employeur est fondé à faire état de faits antérieurs de plus de deux mois ; que, sur le fond, l'employeur démontre le bien fondé du licenciement en produisant des échanges de mails montrant que les autres salariés de l'agence se plaignaient de façon récurrente de M. X..., que certains ont démissionné (M. Y...) ou envisagé de le faire (M. Z..., Melle A...) pour ce motif, que ces salariés confirment leurs remontées d'information à l'employeur par des attestations précises et circonstanciées, que M. X... se comportait comme chef d'agence, ce qu'il n'était pas, à l'égard de l'autre conseiller commercial, Melle A..., fait état d'autoritarisme, de négativité, d'une attitude cassante, d'un esprit inquisiteur sur sa vie privée, et M. Z... de ce que M. X... avait une attitude très négative à son égard et à celui des assistantes commerciales, qui n'étaient pas des secrétaires, et qu'il craignait que Melle A..., troisième assistante recrutée, ne parte également ; que M. C..., responsable développement et supérieur hiérarchique de M. X..., qui recevait les doléances de ses collègues et les faisait remonter à la direction atteste également de façon circonstanciée des difficultés récurrentes avec M. X..., et indique qu'une salariée en période d'essai a souhaité partir en raison des problèmes avec M. X... ; que la poursuite de ces agissements alors que l'évaluation de M. X... en février 2011 mentionnait des difficultés d'intégration et la nécessité d'un effort dans ce domaine, et qu'à la suite d'un entretien à l'égard duquel M. X... avait manifesté une grande réticence, une lettre précise lui avait été adressé le 12 octobre 2010 lui demandant d'adopter une attitude plus constructive avec ses collègues, et malgré cela, dès le 17 octobre 2010, Melle A... faisait état de nouveaux faits ; que la lettre de licenciement mentionne également un refus de remise en cause à la suite de cette mise en garde, et la nécessité de préserver les intérêts et la bonne marche de l'entreprise ; que ces éléments sont justifiés et permettent le licenciement pour préserver le bon fonctionnement de cette petite agence ; que la circonstance que des salariés de l'agence de Langon, qui n'avaient pas à cohabiter au quotidien avec M. X..., d'ailleurs en utilisant de façon inopportune un papier à en-tête de l'agence, attestent en faveur n'est pas de nature à combattre les éléments précis et concordants apportés par l'employeur pour établir le bien fondé de sa décision ; que les attestations de clients qui ont été satisfaits des prestations de M. X... ne sont pas probantes, dès lors que la qualité de sa relation avec la clientèle n'est pas remise en cause dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que M. X... ne peut attribuer ses propres difficultés et les départs de salariés de l'agence à une surcharge de travail imputable à l'employeur, que ne dénoncent pas lesdits salariés ; que le jugement sera réformé et M. X... sera débouté de ses demandes au titre du licenciement ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque l'employeur impute au salarié, dans la lettre de licenciement, des manquements à ses obligations professionnelles, le licenciement a une nature disciplinaire ; que la lettre de licenciement notifiée au salarié dénonçant comme motifs de la mesure « des qualités relationnelles avec les tiers non conformes aux attentes » et un comportement de nature à « (nuire) au bon climat du service » et à « (porter) atteinte aux personnes et valeurs de l'entreprise », s'illustrant par des « comportements agressifs, dévalorisants », M. X... y étant décrit même comme étant « odieux (...) très autoritaire » envers ses collègues de travail et s'y voyant encore reprocher son « autoritarisme, attitude cassante, négativité, jugements de valeur, esprit inquisiteur sur la vie privée et ses tâches professionnelles, tentatives de déstabilisation », comme encore sa « totale absence de remise en cause » et ses « tentatives d'explications mensongères », il en résultait que le licenciement avait été prononcé pour des motifs disciplinaires ; qu'en écartant, au contraire, le caractère disciplinaire du licenciement et les dispositions applicables afférentes, la cour d'appel a violé les articles L.1232-1 et L.1331-1 du code du travail ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE constituent un avertissement les reproches et mises en garde adressés au salarié dans une lettre ; que la lettre adressée le 12 octobre 2010 par la société Mutualia Sud-Ouest reprochant à M. X... son comportement, de nature à « (nuire) au bon climat de travail », à générer « des désorganisations importantes au niveau du service commercial » et à « (porter) atteinte aux personnes et aux valeurs » de l'entreprise, et lui faisant injonction d'adopter « une attitude plus constructive avec (ses) collègues de travail », elle constituait, par son contenu et son ton comminatoire, un avertissement ; qu'en considérant, au contraire, que cette lettre ne s'analysait pas en un avertissement, pour en déduire que le licenciement lui-même, qui rappelait les faits qui étaient l'objet de cette première sanction, ne présentait pas un caractère disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L.1232-1 et L.1331-1 du code du travail. »

Photo : Kzenon - Fotolia.com.

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