Cigarettes et chocolat chaud

Denis Patar est un père aimant mais débordé qui se débat seul avec l’éducation de ses filles, Janis 13 ans et Mercredi 9 ans, deux boulots et une bonne dose de système D. Un soir Denis oublie, une fois de trop, Mercredi à la sortie de l’école. Une enquêtrice sociale passe alors le quotidien de la famille Patar à la loupe et oblige Denis à un « stage de parentalité ». Désormais les Patar vont devoir rentrer dans le rang…


Entretien avec Sophie Reine, la réalisatrice

Vous faites le portrait d’une famille hors normes, qu’est-ce qui vous a donné envie de traiter ce sujet ?
Comment est la vie pour ceux qui évoluent hors des cadres et quels sont les dommages collatéraux pour leur entourage ? C’était déjà le thème de mon court-métrage : une adolescente élevée par des parents hippies et qui cherche un cadre à tout prix.

Mes films ont une part autobiographique : j’ai un mal fou à situer la norme, peut-être parce que j’ai grandi dans un appartement à Paris avec un singe et une chèvre comme animaux de compagnie ! Chez les Patar, comme chez les Reine, on porte des chaussettes dépareillées, on va au boulot avec des fringues multicolores parce que les tutus fuchsia des unes ont déteint sur les pantalons crème des autres, on mange des chips au petit-déj, bien loin des 5 fruits et légumes par jour et du régime sans gluten !

Mon père s’est retrouvé seul à nous élever avec mon frère et ma sœur, j’ai eu envie de décrire cette vie là : un papa débordé qui cherche à protéger à tout prix ses enfants d’un monde « où les mamans et les cochons d’inde meurent sans prévenir ».

À cet équilibre précaire, j’avais besoin d’opposer un élément fort pour mettre Denis au pied du mur et le forcer à sortir de sa torpeur. Il y a quelques années, j’ai été bouleversée par un documentaire qui suivait un jeune garçon atteint du Syndrome Gilles de la Tourette, une maladie qu’on caricature cruellement, véritable handicap social, dont les symptômes explosent souvent à l’adolescence, quand la pression d’être comme les autres est la plus forte. Ce syndrome avait les allures d’une parabole sur la différence.

J’ai contacté l’AFSGT (Association Française du Syndrome Gilles de la Tourette) et le professeur Andreas Hartmann, référent de cette maladie rare à la Pitié Salpetrière qui ont aimé l’angle que je proposais et m’ont permis de rencontrer des familles concernées et correspondre avec elles tout au long du projet. 

Dans le film, la pression vient d’une assistante sociale qui condamne le père à suivre un stage parental. Ce dispositif existe-t-il vraiment ?
Ça semble fou, mais oui, ce dispositif existe vraiment ! En cherchant quel élément extérieur pourrait venir ébranler l’équilibre fragile de la famille Patar, je me suis intéressée aux outils mis à la disposition des travailleurs sociaux. J’ai découvert que des « stages de soutien à la parentalité » ont été mis en place pour faire face à la délinquance juvénile en 2007.

Les parents dits « défaillants » sont condamnés par le juge pour enfants à suivre un stage au cours duquel on va leur apprendre à développer leur « compétence de parent ». Être un bon parent devient alors un boulot dans lequel on doit être performant. Les travailleurs sociaux s’insurgent d’ailleurs contre ces méthodes applicables à tous et se battent pour que l’aide aux familles soit un soutien sur le long terme en tenant compte de l’environnement particulier de chacun. 

Même si les situations auxquelles sont confrontés les personnages sont difficiles, le film est un feel good movie, positif et solaire…
Je pense qu’on peut aborder des sujets graves avec humour et décalage, même quand on s’adresse aux enfants, comme dans les Pixar ou les films de Miyazaki, dont j’adore le double niveau de lecture et qui sont pour moi des modèles d’écriture.

Dans les dialogues du film, je me suis souvent amusée à m’adresser en même temps aux enfants et aux adultes, avec ce double niveau. Par exemple, dans la scène de l’enterrement du cochon d’inde, Denis s’adresse à sa femme tout en parlant à ses filles de Ziggy le rongeur.

Le titre aussi est comme ça : des cigarettes pour les adultes, et du chocolat chaud pour les enfants. Il m’a été inspiré par une chanson de Rufus Wainwright CIGARETTES AND CHOCOLATE MILK, qui tourne dans ma tête depuis les prémices de l’écriture. Elle parle d’un homme qui demande à être accepté tel qu’il est, avec toutes ses manies et ses imperfections… C’est incroyable à quel point elle m’évoque la famille Patar. Sébastien Souchois a réenregistré un très beau cover pour le film, avec une voix féminine qui trimballe une émotion à fleur de peau, entre galère et espoir : une version Patar quoi.

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