Loyauté du salarié pendant le préavis

Un salarié doit être loyal vis à vis de son entreprise. Cette obligation de loyauté cesse dès que le salarié quitte l’entreprise s’il n’a pas de clause de non-concurrence. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt qui donne raison à un salarié démissionnaire qui avait pendant sa période de préavis commencé à mettre sur pied une société concurrente dont l'exploitation, par lui-même, avant la fin de son préavis n'avait pu être prouvée... 

 

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 11 février 2015.
Pourvoi n° 13-26 843. 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 27 septembre 2013), que M. X..., engagé le 13 décembre 2002, en qualité de technicien, par la société Crimo France, spécialisée dans la réparation des appareils chirurgicaux et paramédicaux, a présenté sa démission par lettre du 6 septembre 2010, son préavis expirant le 6 octobre suivant ; que soutenant qu'elle avait, postérieurement à ce départ, découvert que le salarié avait, pendant son préavis et en concertation avec un autre salarié démissionnaire, établi, signé et enregistré les statuts d'une société concurrente dénommée REP2L dont il était par ailleurs le gérant, la société Crimo France a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution du préavis ; 

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à l'indemnisation de la perte de chance de licencier le salarié pour faute lourde, alors, selon le moyen : 

1°/ que commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus le dirigeant social ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que M. X... a démissionné le 6 septembre 2010 après avoir constitué avec deux associés, le 1er septembre 2010, une société ayant le même objet social que la société Crimo France, géré par lui, dont la date de début d'exploitation était fixée par les statuts le 4 octobre 2010, soit antérieurement au terme du préavis consécutif à la démission du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ; 

2°/ que commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus dirigeant social ; qu'en écartant tout manquement à son obligation de loyauté par M. X... au motif inopérant qu'il n'avait pas « accompli entre le 4 et le 6 octobre une réelle activité professionnelle pour le compte de la société » la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ; 

3°/ que la clause d'exclusivité stipulée au contrat de travail de M. X... prévoyait qu'il s'obligeait à « consacrer toute son activité professionnelle à la société, l'exercice de toute autre activité professionnelle, même occasionnelle ou non rémunérée, soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, lui étant en conséquence interdit sans l'accord préalable et express de cette dernière » ; qu'en relevant que le contrat de travail de M. X... « ne lui interdisait par ailleurs pas la création d'une société », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause d'exclusivité en violation de l'article 1134 du code civil ; 

4°/ que commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus dirigeant social ; que dans ses conclusions déposées à l'audience, reprises oralement, la société Crimo France sollicitait, à titre de dommages-intérêts, que le salarié soit condamné à lui restituer les indemnités et avantages indument perçus au titre de son solde de tout compte, dès lors qu'il s'était rendu coupable d'une faute lourde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs inopérant que « la société Crimo France ne peut être suivie dans son argumentation suivant laquelle elle aurait subi, par suite d'une réticence dolosive de son salarié, une perte de chance de le licencier pour faute lourde et de ne pas lui verser les salaires qui lui étaient dus » et « que c'est en effet à compter de la seule date du 4 octobre que le manquement était constitué et le préavis expirant le 6 octobre, aucune circonstance n'aurait justifié que M. X... soit privé des sommes qui lui ont été versées et correspondant aux salaires dus jusqu'à cette date, aucun licenciement pour faute lourde n'ayant eu de chance de pouvoir être notifié avant cette date quand bien même la société aurait été avertie en temps réel du manquement de son salarié », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ; 

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que, si le salarié, dont le préavis expirait le 6 octobre 2010, a, le 1er septembre 2010, constitué avec deux associés une société ayant notamment pour objet la réparation et l'affûtage d'instrumentalisation chirurgicale dont les statuts, le désignant comme gérant, ont été enregistrés le 29 septembre 2010, et en dépit d'une date d'exploitation mentionnée au Kbis comme étant celle du 4 octobre, il ne résulte d'aucun élément que l'intéressé a accompli, entre le 4 et le 6 octobre 2010 une réelle activité professionnelle pour le compte de la société REP2L ; qu'ayant ainsi fait ressortir que n'était pas caractérisé un manquement du salarié à son obligation de loyauté manifestant une intention de nuire à son employeur, seule susceptible de constituer une faute lourde engageant sa responsabilité à l'égard de celui-ci, elle a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches du moyen, légalement justifié sa décision ; 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne la société Crimo France aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze. 

Photo : Fotolia.com - FikMik.

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