Le dernier coup de marteau

Quand Victor, 13 ans, pousse la porte de l’opéra de Montpellier, il ne connaît rien à la musique. Il ne connaît pas non plus son père venu diriger la 6ème symphonie de Mahler. Il l’observe de loin, découvre l’univers des répétions... Le jour où Nadia, sa mère, lui annonce qu’ils doivent quitter leur maison sur la plage, Victor s’inquiète. Pour sa mère, dont il sent qu’elle lui cache quelque chose, mais aussi pour sa relation naissante avec Luna, la voisine espagnole. Victor décide alors de se montrer pour la première fois à son père...

Entretien avec la réalisatrice Alix Delaporte

Pourquoi « Le dernier coup de marteau » ?
Je savais dès le début que mon personnage de père serait chef d’orchestre. Il fallait donc que je choisisse l’œuvre qu’il allait diriger. J’ai découvert l’histoire de la 6ème symphonie de Gustav Mahler avant même de l’écouter. J’étais intriguée par l’aspect « fictionnel » de ces trois coups de marteau à la fin de la symphonie. Après la mort de sa fille, son éviction de l’opéra de Vienne et le diagnostic d’une maladie au cœur, Mahler aurait relié ces trois coups du destin aux coups de marteau de sa symphonie. Et aurait du coup enlevé le dernier par superstition...  

Pourquoi la 6ème en particulier ?
En écoutant la 6ème symphonie de Mahler, j’ai été saisie par le troisième mouvement, quelques mesures qui me racontaient le sentiment profond de Victor, quelques mesures d’un romantisme absolu qui contrastent avec la dureté du reste de la symphonie, ou en tout cas avec sa complexité. C’est peut-être sur ce romantisme, justement, que bute le chef d’orchestre : il se focalise sur ce passage, il cherche quelque chose qu’il ne trouve pas, jusqu’à donner des ordres contradictoires à son orchestre. Il demande : « Plus sec », mais indique l’inverse avec ses mains. Le fait est que l’arrivée de Victor détraque quelque chose, c’est aussi pour cela que Samuel s’en va rejouer ce moment du troisième mouvement chez sa professeure de piano... Buter sur un fragment, penser intimement que le film n’existera pas tant qu’on n’aura pas trouvé la façon de filmer telle ou telle scène, cela peut aussi m’arriver. Parfois personne ne s’en rend compte, mais pour moi surgit un nœud essentiel à résoudre… Se focaliser sur un détail, c’est aussi une façon de ne pas voir l’énorme vague qui va submerger celui ou celle qui va réaliser un film ou diriger la 6ème de Mahler… Une heure vingt de musique d’affilée, une œuvre qui demande une énergie, une endurance comparables à celles que requiert un tournage. Moi aussi, j’ai tendance à demander plus de sécheresse, tout en cherchant l’effet inverse…  

La musique joue un rôle capital dans la relation père/fils...
J’aimais que la relation entre Samuel et Victor ne se résume pas pour ce dernier à : « mon père va-t-il m’aimer ? » mais qu’elle soit doublée d’une question de Samuel : « mon fils va-t-il réussir à comprendre ce qui me touche ? ». Il se peut qu’il n’y ait là que l’orgueil d’un chef d’orchestre, qui ne supporte pas que son fils ne connaisse rien à la musique. Quand Alain Le Henry, qui travaille avec moi sur le scénario, propose de libérer Samuel de la question de la reconnaissance, j’aime tout de suite cette idée. C’est une façon de faire apparaître les sentiments sous un autre jour. En faisant découvrir la musique à son fils, Samuel donne ce qu’il ne peut donner en paroles. Et en se laissant envahir par elle, Victor laisse une place à son père. Et quand Samuel lui dit : « Tu ressembles à ta mère », quelque chose se libère. Dire qu’il se souvient d’elle, c’est la reconnaître, et donner ainsi la possibilité vitale à Victor de se constituer une identité, nécessaire au passage à l’âge adulte. 

Festival de Venise 2014 - Prix Marcello-Mastroianni du jeune acteur pour Romain Paul
Festival de Saint-Jean-de-Luz 2014 - Prix d’interprétation masculine pour Grégory Gadebois
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