Avocat : il peut devoir réparation à son client

Une société, sur le conseil de son avocat, avait pris acte de la démission d’un salarié qui ne se rendait plus au travail depuis quelques jours. Le salarié avait alors contesté aux prud’hommes et la société avait été condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle se retourne alors contre son avocat qui, bien que plaidant la « perte de chance », a été condamné à réparer le préjudice subi par la société. En effet, en conseillant à son client de prendre acte de la démission du salarié au lieu de mettre en œuvre une procédure de licenciement, il le mettait dans une position constamment contredite par les dernières jurisprudences...

Extrait de l’arrêt de Cour de cassation, première Chambre civile du 17/6/15.
Pourvoi n° 14-18372. 

« LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un différend l'opposant à l'un de ses salariés, la société SKFI a consulté M. X..., son avocat habituel, sur la conduite à tenir ; que ce dernier lui a prescrit de prendre acte de la démission du salarié par une lettre préparée par ses soins ; qu'à la requête du salarié, le conseil de prud'hommes, par une décision irrévocable, a requalifié la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société SKFI au paiement de diverses indemnités ; que reprochant à M. X...de lui avoir donné un conseil inapproprié en méconnaissance d'une jurisprudence constante, celle-ci l'a assigné en indemnisation ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'en se bornant, pour dire que M. X... avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société SKFI, à affirmer qu'il avait conseillé à cette société de prendre acte de la démission de M. Y...au lieu de le licencier pour abandon de poste, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si, compte tenu de l'initiative prise par le dirigeant de la société SKFI de délivrer un avertissement à M. Y...à la suite de l'altercation du 17 novembre 2008, un licenciement pour abandon de poste présentait de meilleures chances de succès que la prise d'acte de la démission du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; 

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas retenu les faits tels qu'exposés par l'avocat, n'était dès lors pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Sur le deuxième moyen : 

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le préjudice résultant de la faute de l'avocat qui a conseillé à son client des actes qui ont entraîné sa condamnation consiste en une perte de chance, en procédant à des actes ou des diligences différents, d'éviter ces condamnations ou en réduire le montant ; que cette perte de chance ne peut être indemnisée à concurrence de la valeur totale de la chance perdue ; qu'en condamnant M. X... à payer à la société SKFI la somme de 79 719, 77 euros, correspondant aux condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes de Nancy et aux charges patronales afférentes à cette condamnation avec intérêts à compter du 1er septembre 2010, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; 

Mais attendu qu'en retenant que le préjudice subi par la société SKFI ne consistait pas en une perte de chance, dès lors qu'en raison d'une jurisprudence constante, l'employeur, qui considère que le contrat est rompu du fait de son salarié par une absence injustifiée ou un abandon de poste, doit mettre en oeuvre une procédure de licenciement et ne peut se borner à prendre acte de sa démission, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision accordant réparation d'un préjudice intégralement consommé à hauteur des indemnités versées ; 

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche : 

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société SKFI une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens entraînera par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt ayant condamné M. X... à verser à la société SKFI la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; 

Mais attendu que le rejet des deux premiers moyens rend inopérant ce grief, qui invoque la cassation par voie de conséquence ; 

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche : 

Vu l'article 455 du code de procédure civile ; 

Attendu que, pour condamner M. X... à payer à la société SKFI des dommages-intérêts pour appel abusif, la cour d'appel se borne à énoncer qu'en raison de sa qualité de professionnel du droit social, son appel est abusif ; 

Qu'en se déterminant par un tel motif impropre à caractériser une faute faisant dégénérer en abus l'exercice de la voie de recours qui lui était ouverte, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la société SKFI des dommages-intérêts pour appel abusif, l'arrêt rendu le 12 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ; 

Condamne la société SKFI aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quinze. »

Photo : Antony - Fotolia.com.

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