Le dernier loup de Jean-Jacques Annaud

1969. Chen Zhen, un jeune étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie-Intérieure afin d’éduquer une tribu de bergers nomades. Mais c’est véritablement Chen qui a beaucoup à apprendre – sur la vie dans cette contrée infinie, hostile et vertigineuse, sur la notion de communauté, de liberté et de responsabilité, et sur la créature la plus crainte et vénérée des steppes – le loup. Séduit par le lien complexe et quasi mystique entre ces créatures sacrées et les bergers, il capture un louveteau afin de l’apprivoiser. Mais la relation naissante entre l’homme et l’animal – ainsi que le mode de vie traditionnel de la tribu, et l’avenir de la terre elle-même – est menacée lorsqu’un représentant régional de l'autorité centrale décide par tous les moyens d’éliminer les loups de cette région...

Entretien avec Jean-Jacques Annaud, le réalisateur...

Comment a débuté cette incroyable aventure qui remonte pour vous à il y a environ 7 ans ?
Tout a commencé par une délégation chinoise qui est venue me rencontrer à Paris. Il faut d’abord expliquer que « Le Totem du loup » a été un phénomène littéraire étourdissant en Chine. Sorti là-bas en 2004, le roman avait échappé à la vigilance de la censure. Masqué sous un pseudonyme, l’auteur était inconnu. Son récit autobiographique se déroulait dans la lointaine province de Mongolie Intérieure, en 1967, aux débuts de la Révolution Culturelle. Les services officiels n’y ont pas prêté attention. Sauf que cette histoire a réveillé beaucoup de choses. Le parcours initiatique d’un jeune citadin découvrant la campagne reculée et s’éveillant à la vie nomade dans une contrée sauvage avait, des décennies plus tard, une résonance particulière dans ce pays aux prises avec de terribles problèmes d’environnement et de pollution…  

Venons-en aux vraies stars de ce film et commençons par le début : la naissance et le dressage des louveteaux…
Nous avons appliqué le même processus que pour L’OURS en nous y prenant très en amont. Pendant l’entraînement de mes plantigrades, j’avais, à l’époque, eu le temps de glisser le tournage du NOM DE LA ROSE. En attendant que nos loups deviennent adultes, j’ai tourné OR NOIR. La production chinoise a financé la préparation en acceptant que trois ans seraient nécessaires avant de pouvoir tourner la première image…

Il fallait acquérir des bébés loups, les faire grandir dans des parcs spécialement conçus pour leur croissance, sous surveillance constante. Je connais peu de producteurs qui auraient eu le courage d’effectuer ce saut dans l’inconnu. Nous avons embarqué dans l’aventure le plus célèbre des dresseurs de canidés au monde, le canadien Andrew Simpson, qui s’est installé à Pékin pour trois ans. Après le tournage, Andrew a obtenu l’autorisation exceptionnelle d’emmener avec lui les animaux qu’il avait élevés et vus grandir, qu’il avait entrainés quotidiennement et qui étaient devenus ses enfants.

La meute habite aujourd’hui sur les contreforts des rocheuses, dans la région de Calgary. Andrew me raconte que les loups attendent chaque jour de revoir arriver les camions caméras… 

Concrètement, dans le travail quotidien ça se passe comment ?
Un aimable cauchemar. Le loup est un animal très sauvage, toujours sur le qui-vive. Il n’obéit qu’à son chef de meute, qui n’obéit au dresseur que quand il le consent. Il ne se laisse pas approcher. Impossible de le nettoyer s’il s’est roulé dans la boue, ou la bouse. Il faut attendre des heures, des jours parfois, pour qu’il « sente » une scène. Il faut être prêt à déclencher au moment où le roi décide de lancer l’action.

Nous avions deux groupes, dont un particulièrement redoutable. Les petits du premier groupe avaient été acquis avec une semaine de retard après leur naissance. Ils n’ont pas confondu les dresseurs avec leurs vrais parents. Ils n’ont jamais pu être domestiqués. En réalité un atout pour le film. Autre piège : tous les loups, dans le monde entier, naissent entre mi-mars et début avril. Nous avons dû établir notre plan de travail en fonction de cette réalité. Nous avons interrompu le tournage de nombreuses fois pour laisser grandir notre jeune protagoniste.

Encore un bienfait pour le film à vrai dire : la couleur de la steppe typique du passage des saisons est parfaitement juste par rapport à son développement.  

Un mot d’une autre composante importante du film, qui renvoie à l’une de vos thématiques fortes : la place de la terre, des paysages, une nouvelle fois primordiale…
 La virginité des espaces est une des matières constitutives du film. La splendeur de la steppe est « l’écrin » indissociable du loup de Mongolie, lui-même symbole héroïque et désespéré de la vie sauvage. En massacrant la vie des autres, nous nous acheminons vers une tragédie. Je suis accablé depuis des années par ce patient suicide que notre espèce organise pour elle-même.

Jiang Rong, l’auteur du roman, a été le témoin de l’ignorance dévastatrice pour l’environnement entamée dans les années 60.Des erreurs faites en Chine à grande échelle, hélas comme presque partout. J’étais au Cameroun à cette époque. Le Bien, c’était de couper la forêt primaire pour la remplacer par des plantations de cacao ou d’ananas, de transformer les espaces libérés en prairies destinées à l’élevage, d’inonder des départements entiers pour irriguer ces territoires nouvellement conquis pour la monoculture…

Film d'aventure franco-chinois de Jean-Annaud. Sortie au cinéma le 25 février.


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