L'enquête

2001. Le journaliste Denis Robert met le feu aux poudres dans le monde de la finance en dénonçant le fonctionnement opaque de la société bancaire Clearstream. Sa quête de vérité pour tenter de révéler "l'Affaire des affaires" va rejoindre celle du juge Renaud Van Ruymbeke très engagé contre la corruption. Leurs chemins vont les conduire au coeur d’une machination politico-financière baptisée « l’affaire Clearstream » qui va secouer la Vème République...

Entretien avec Vincent Garenq, le réalisateur 

Quel a été le point de départ de L’ENQUÊTE ?
J’ai eu un déclic dans ma vie quand j’ai arrêté d’écrire des récits autobiographiques et que je me suis mis à parler des autres. Comme par hasard, c’est là que mes scénarios ont commencé à intéresser les producteurs. Je trouve en effet qu’il n’y a rien de plus intéressant que la vie des autres. Par exemple, quand on lit les procès-verbaux d’instructions judiciaires, on découvre toujours des tranches de vie passionnantes. C’est comme cela que je conçois le scénario et je n’aime pas les histoires « inventées », les scénarios de « scénaristes », dont l’imaginaire est souvent envahi de clichés et de références cinématographiques. Quand on s’inspire du réel, on se met à l’abri des clichés et l’on peut construire des intrigues qui ont une véritable originalité. Je cherche souvent ma source dans les livres : j’ai découvert l’ouvrage d’Alain Marécaux par hasard, et c’est aussi par hasard que je suis tombé sur La Boîte noire de Denis Robert, pressentant qu’il y avait là une matière un peu sulfureuse.  

Comment avez-vous orienté vos recherches en vue de l’écriture du scénario ?
Après La Boîte noire, j’ai lu tous les ouvrages de Denis Robert et j’ai aimé autant son style si personnel que sa thématique : la dénonciation de la corruption en France, de la collusion du monde politique et des affaires. Son enquête sur Clearstream est le prolongement logique de ce qu’il dénonçait en France, puisque l’argent de la corruption transite par les paradis fiscaux. En tombant sur une institution financière luxembourgeoise qui assure les échanges entre toutes les banques, Denis touche au point névralgique de ce qu’il dénonce à un niveau mondial. Du coup, forcément, cela fait une histoire, qui a du sens. Et comme son histoire croise celle d’un autre personnage qui me fascinait depuis longtemps, le juge Renaud Van Ruymbeke, symbole de la lutte contre la corruption en France, j’étais gâté ! Le problème c’est qu’ensuite a débarqué Imad Lahoud et qu’il a complètement dénaturé le sens de cette histoire. J’ai donc veillé à ce que le film conserve le sens profond qui m’intéresse : la difficulté d’enquêter et de lutter contre l’opacité financière et la corruption.  

Avez-vous rencontré des difficultés à monter le film ou subi des pressions ?
J’avais peur de la réaction du Luxembourg que nous avons sollicité financièrement : j’ai été heureusement surpris par l’appui du Fond National de Soutien à la Production Audiovisuelle, sans lequel le film ne se serait sans doute jamais monté. Les Luxembourgeois ont réagi avec une pertinence et une intelligence rares, et j’ai été le premier stupéfait qu’ils nous suivent sur un film pareil. Autant dire que lorsque le milieu bancaire l’a su, les réactions ont été assez vives. Et ce n’est pas fini : le film va sortir là-bas, ce qui est assez fou. Mais grâce à ce soutien et celui de la Belgique, nous avons pu tourner au Luxembourg, avec des acteurs luxembourgeois, ce qui est une chance extraordinaire pour la véracité du film. 

Avez-vous rencontré la même bienveillance de la part de la France ?
Absolument pas. Je n’ai jamais pu me procurer le dossier d’instruction des frégates de Taïwan, personne n’a voulu me le donner, bien qu’il s’agisse aujourd’hui d’une histoire ancienne. Je ne m’attendais pas non plus à ce que les magistrats m’interdisent de tourner au Palais de justice de Paris, alors même que le juge Van Ruymbeke est montré sous un jour très positif dans le film. Sans doute les magistrats ont-ils voulu me censurer parce qu’on a osé raconter qu’un des leurs a été pris en faute, jugé par ses pairs, puis « blanchi » ? Or, les juges sont parfois obligés de franchir la ligne s’ils veulent obtenir un résultat – c’est de notoriété publique – et c’est ce que le film montre avec la plus grande bienveillance. Mais visiblement, le vieux monde judiciaire français préfère tenter de censurer la vérité plutôt que la regarder en face. Je commence à être routinier de ce genre de comportement après PRÉSUMÉ COUPABLE où j’ai eu à subir le même déni de l’histoire. Des juges parisiens ont acquitté les faux coupables de l’affaire d’Outreau dans une mise en scène de péplum. Et quelques années plus tard, les juges du Nord tentent de censurer le film qui raconte les errements judiciaires qui ont précédé ce spectaculaire acquittement. Le juge Van Ruymbeke luimême a eu beaucoup de mal à accepter l’idée d’être jugé. Nous l’avons rencontré avec Christophe Rossignon, mon producteur : c’est un homme extrêmement sympathique, et, avec un peu de recul sur cette histoire, il nous a fait cette délicieuse confession, non sans une pointe d’ironie : « finalement, c’est une expérience extrêmement intéressante pour un juge que d’être jugé ». Ah, si cette belle réflexion pouvait faire son chemin à l’École Nationale de la Magistrature… Mais en attendant, nous avons été contraints de tourner toutes les scènes de procès en Belgique !

Thriller de Vincent Garenq avec Gille Lellouche.


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