Le goût des merveilles

Au cœur de la Drôme provençale, Louise élève seule ses deux enfants et tente de préserver l’exploitation familiale. Un soir, elle manque d’écraser un inconnu au comportement singulier. Cet homme se révèle vite différent de la plupart des gens...

Entretien avec Eric Besnard, le réalisateur

Comment avez-vous eu l’idée de ce projet ?
Un film sensoriel. Je suis parti de cette idée. Oublier un peu la narration. Provoquer un ressenti. Je suis scénariste. Souvent pour les autres. Parfois pour mes propres films. J’écris beaucoup. Avec des destins divers et dans des genres différents. Mais toujours avec la volonté de raconter une histoire. D’être compris par ceux qui la regardent. Mais là je voulais autre chose. Quelque chose de moins rationnel. J’ai écrit à la sortie d’un deuil. Je voulais travailler sur le temps suspendu. La porosité émotionnelle.

Il se trouve que, pour des raisons familiales, l’autisme est un sujet que je connaissais un peu. Ma femme étant psychologue, elle a elle-même travaillé avec des enfants autistes. Elle m’a raconté des anecdotes qui ont retenu mon attention. Et je me suis mis à lire sur le sujet. Très vite il m’est apparu qu’un personnage souffrant d’un syndrome d’Asperger pourrait me permettre de travailler sur les thèmes qui m’intéressaient. Un tel personnage est en état d’hyper sensibilité au monde. Ce que devrait être un metteur en scène. Donc si je pouvais rendre compte de son regard - ou lui prêter le mien - je pourrais essayer de faire ressentir ce que je voulais transmettre.

Vous êtes-vous beaucoup documenté ?
J’ai lu beaucoup de témoignages. Et j’ai longuement discuté avec des psychologues comme Chantal Lheureux-Davidse qui, à mon avis, est l’une des personnes les plus passionnantes qui ait travaillé sur le sujet. Je lui ai vite soumis les caractéristiques du personnage tel que je les imaginais. En soulignant que je voulais avant tout m’intéresser à son hypersensibilité. Je lui ai notamment parlé d’un rapport à la nature très fort : je voulais que mon protagoniste soit un génie mathématique mais qu’il soit capable de tout arrêter pour contempler un rayon de soleil pendant des heures. Car il n’y a rien de plus essentiel. Rien de plus beau. Les personnes souffrant du syndrome d’Asperger peuvent avoir des difficultés en société. Du coup ils développent des systèmes de compensation. Mais ils ont quelque chose d’exceptionnel : ils vont à l’essentiel. Les petites hypocrisies du quotidien leur sont incompréhensibles. Ils ne multiplient pas les masques. Pas de jeu social. Pour eux, le mensonge est impossible : il ne représente qu’une perte de temps.

Quelle conception de l’autisme vous êtes-vous forgée dans la perspective du film ?
Le spectre autistique est très large. Et pour la plupart des personnes atteintes d’autisme cela rime avec souffrance. Enfermement sur soi. Mon personnage souffre du syndrome d’Asperger. C’est déjà différent. Et j’aurais tendance à dire qu’il n’y a que des cas particuliers. Mais ce qui me semble essentiel c’est de combattre l’idée que les autistes seraient insensibles. Au contraire, ce sont des hypersensibles qui échafaudent des systèmes de survie pour rendre le réel supportable. Et cela peut les conduire jusqu’à un complet repli sur eux mêmes. Nous avons tendance à être habitués et nous ne voyons plus la réalité telle qu’elle est, mais il faut admettre que nous vivons dans un monde très agressif.

C’est ce que le film essaye aussi de dire. La sensibilité n’est pas une tare. Et plus vos sens sont développés plus ce monde peut vous sembler magnifique... et violent.

La singularité du protagoniste induit des rapports amoureux inhabituels...
Ce qui m’intéressait, c’était d’avoir deux personnages principaux qui ne puissent pas se toucher. Et de construire une relation amoureuse à partir de là. Dans une comédie romantique, c’est la nature de l’obstacle qui est le moteur de l’histoire. Classes sociales, races, religions… Sidney Poitier dîne chez ses futurs beaux parents blancs. Gene Tierney tombe amoureuse d’un fantôme, Natalie Wood chante son amour à un Jet, un jeune loup-garou aime une jeune vampire, etc… Avec ce film, j’avais un obstacle formidable.

Je pouvais m’inscrire dans le genre de la comédie sentimentale en y apportant ma subjectivité puisque l’essence même de l’obstacle générait son style. J’espérais que cela puisse provoquer une érotique différente. Mélange de retenue et de sur-sensualité. Ils ne se toucheraient pas mais elle regarderait ses mains. Parce qu’il toucherait tout le reste. Il touche. Il caresse. Quand j’ai fini le script, un film m’est revenu. Le STARMAN de Carpenter. Un extraterrestre découvre le monde et l’amour. Et ses réactions sont celles d’un enfant. Justes. Honnêtes. Mon personnage est honnête, franc, direct. Il n’a pas d’intérêt pour l’argent et ne ment jamais. C’est un extraterrestre… 

Comédie dramatique d’Eric Besnard avec Virginie Efira. 4,1 étoiles AlloCiné.

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