Toujours plus d’inégalités selon l’économiste Thomas Piketty

Le  « Capital au XXIe siècle » est un livre d'économie publié en 2013 et écrit par Thomas Piketty. Le livre montre que les inégalités de revenu, les inégalités de patrimoine et le rapport capital/revenu dans les pays développés suivent chacun une courbe en U et que l'on retrouve au début du XXIe siècle des niveaux d'inégalités comparables aux niveaux d'inégalités du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ces résultats remettent en cause la relation de Kuznets établie dans les années 1950 qui laissait à penser que le développement économique s'accompagnait mécaniquement d'une baisse des inégalités de revenu. Mais les conclusions de Piketty sont loin de faire l’unanimité...

Piketty affirme plutôt que le capitalisme, s'il n'est pas régulé, génère des inégalités grandissantes. Il suggère plusieurs mesures politiques pour limiter la hausse des inégalités et notamment la création d'un impôt mondial sur le capital.

L'ouvrage a obtenu un grand succès public en France d'abord mais surtout aux États-Unis où il est devenu en quelques semaines un best-seller. Il reçoit un accueil critique favorable, notamment après sa traduction en anglais publiée en 2014. Cependant il fait également l’objet de nombreuses critiques...

Contenu

Les deux lois fondamentales du capitalisme

Thomas Piketty énonce deux lois fondamentales. La première dispose que la part des revenus du capital dans le revenu national (a ) est égale au taux de rendement moyen du capital ( r) multiplié par le ratio du stock de capital sur le revenu national (b ) soit a=rb.

La seconde loi dispose qu'à long terme le ratio du stock de capital sur le revenu (b ) tend vers le ratio du taux d'épargne (s) sur le taux de croissance (g)  soit b=s/g.

Piketty estime que le rapport du capital sur le revenu  b  était de 6 ou 7 au XIXe siècle, qu'il a chuté à 2 après la Seconde Guerre mondiale et qu'il retrouve aujourd'hui un niveau proche du XIXe siècle avec une valeur de 5 ou 6.

Par ailleurs, Piketty constate que sur une longue période le rendement moyen du capital ( r) est supérieur au taux de croissance de l'économie (g ). Cela implique que les détenteurs de capital s'enrichissent plus rapidement que le reste de la population.

Réception de l'ouvrage

Réception en France

Pour Mediapart, Piketty ausculte "le capitalisme, ses contradictions, ses violentes inégalités" (Mediapart, 3 septembre 2013, 5 septembre 2013). Pour Christian Chavagneux, d'Alternatives Economiques, c'est "une référence, vous dis-je!".

Nicolas Baverez a sévèrement qualifié l'ouvrage de « marxisme de sous-préfecture ». Il souligne notamment que rien ne vient valider l'hypothèse de Piketty selon laquelle le XXIe siècle serait condamné à une croissance faible.

Jean-Luc Gaffard, économiste à l'OFCE, déplore le fossé entre la richesse des données mobilisées et la simplicité de la théorie économique développée qui suppose notamment un taux de croissance exogène et indépendant du niveau des inégalités.

Dans la revue Sociologie, Christian Baudelot et Roger Establet louent la « puissance explicative de l'analyse, qui donne un sens à l'époque que nous vivons ».

Réception dans le monde anglo-saxon

Le livre a rencontré un immense succès critique dans le monde anglo-saxon. Dans son éditorial du 23 mars 2014, l'économiste Paul Krugman juge qu'il s'agit sans aucun doute du meilleur ouvrage d'économie de l'année et probablement de la décennie. Dans la New York Review of Books, le même Paul Krugman affirme que les travaux de Thomas Piketty constituent une révolution dans la manière dont nous comprenons les tendances de long terme des inégalités. Piketty et ses co-auteurs ont notamment montré l'intérêt de prendre comme indicateur la part de revenu qui revient aux 1% les plus riches plutôt que de se focaliser sur des indicateurs plus généraux comme le rapport interdécile.

Le magazine The Economist souligne le succès du livre auprès du public mais se fait également critique sur le fond. La version anglophone (Capital in the Twenty-First Century) parue aux Harvard University Press en 2014 a aussi rencontré un grand succès en librairie aux États-Unis.

Le livre apparaît à la 16ème place dans le classement hebdomadaire des meilleures ventes d'essai du New York Times le 13 avril 2014, à la 15ème place le 4 mai, à la 4ème place le 11 mai, à la 1ère place le 18 mai, le 25 mai et le 1er juin et repasse à la 2ème place le 8 juin.

À la fin du mois de juin 2014, Thomas Piketty a vendu près de 450 000 exemplaires de l'édition en langue anglaise et 150 000 exemplaires de l'édition francophone.

Le succès du livre est tel qu'il a déclenché ce que certains ont appelé une « bulle Piketty » ou une « Pikettymania ». Le magazine américain Bloomberg Businessweek a ainsi fait sa une du 29 mai 2014 sur la Pikettymania avec une couverture parodiant les magazines pour adolescentes.

Critiques

Controverse sur la véracité des résultats

Le 23 mai 2014, le journaliste Chris Giles publie dans le Financial Times une remise en cause des données collectées par Piketty et dénonce une série d'erreurs dans les fichiers Excel publiés par l'auteur sur son site web. Chris Giles remarque que la part de la richesse détenue par les 10% les plus riches serait de 44% d'apès l'Office for National Statistics et de 71% selon Thomas Piketty. D'après Chris Giles, les erreurs et approximations qu'il a relevées remettent en cause deux résultats majeurs de l'ouvrage : la hausse des inégalités de patrimoine depuis 30 ans et le fait que les inégalités de patrimoine soient plus fortes aux États-Unis qu'en Europe. Parmi les erreurs, il recense des erreurs de transcription, par exemple sur les inégalités de patrimoine en Suède en 1920, des corrections non justifiées, par exemple sur l'estimation des inégalités de patrimoine en France au XIXe siècle à partir des sources successorales, des choix méthodologiques discutables, par exemple quand Piketty fait une simple moyenne des estimations pour le Royaume-Uni, la France et la Suède sans prendre en compte le poids démographique de chacun des pays et des interpolations abusives, par exemple pour la part de la richesse détenue par les 10% les plus riches aux États-Unis entre 1910 et 1950.

Thomas Piketty a répondu à ces critiques le jour même en soulignant que si les données existantes sur le patrimoine sont imparfaites, les données sur les déclarations de successions sont plus fiables et vont dans le même sens. Il souligne aussi que les remarques du Financial Times ne changent rien aux conclusions de l'ouvrage. Il a ensuite publié une réponse plus détaillée le 28 mai 2014 sur son site internet en montrant que la plupart des points que Chris Giles considère comme des erreurs sont en fait justifiés et en soulignant que la plupart de ces points n'apportent que des modifications mineures. Quant à la proposition de Chris Giles sur l'évolution des inégalités de patrimoine au Royaume-Uni, il considère les choix méthodologiques du journaliste du Financial Times comme très discutables. En effet, celui-ci s'est appuyé sur des données d'enquête plutôt que sur des données fiscales. Or les données d'enquête sous-estiment les patrimoines élevés. Sur son blog, Paul Krugman défend Piketty et considère que le débat est clos. Dans le Washington Post, Matt O'Brien juge lui aussi que Chris Giles, s'il a eu le mérite d'aller regarder de près les données mises en ligne par Thomas Piketty, a interprété trop vite les ajustements qu'il ne comprenait pas comme des erreurs de l'auteur. Dans le Guardian, l'économiste Howard Reed a montré que le journaliste du Financial Times avait fait des erreurs importantes et défend les données présentées par Thomas Piketty.

Jean-Philippe Delsol, président de l'Institut de recherches économiques et fiscales a publié un article où il entend montrer les « tromperies statistiques de Thomas Piketty ».

Critique de la seconde loi fondamentale du capitalisme

D'après Thomas Piketty, le rapport capital/revenu ( b) tend à long terme vers le ratio du taux d'épargne sur le taux de croissance de l'économie (s/g ). Les économistes Per Krusell et Tony Smith critiquent cette seconde loi fondamentale en montrant qu'elle s'appuie sur une hypothèse extrême et peu réaliste à propos du comportement d'épargne des agents.

Capital productif et capital immobilier

Dans une note publiée en avril 2014, Étienne Wasmer et ses coauteurs remettent en cause l'hypothèse d'un retour du capital en France en distinguant le capital logement du capital productif. Ils défendent l'idée que l'augmentation du capital en France est essentiellement liée à une hausse des prix de l'immobilier et que cette hausse des prix ne se reflète pas dans les revenus du capital (c'est-à-dire les loyers).
L'économiste Charles Gave reproche à Piketty de confondre la rentabilité sur capital investi et le taux de croissance des profits.

Interprétation de l'origine des inégalités

Guillaume Allègre et Xavier Timbeau proposent une critique de l'ouvrage fondée sur l'idée que la relation selon laquelle le taux de rendement du capital est durablement supérieur au taux de croissance (r > g ) n'est pas comme le suppose Thomas Piketty une constante macroéconomique mais a des fondements microéconomiques liés au fonctionnement imparfaits des marchés. Leur critique suggère qu'un impôt sur le capital n'est peut-être pas la meilleure solution pour diminuer les inégalités et les auteurs recommandent de réfléchir à la définition des droits de propriété ainsi qu'à la définition des droits des propriétaires et des non-propriétaires.

Cohérence théorique

Dans sa recension de l'ouvrage, Robert Boyer regrette un usage excessif de la méthode inductive. Il s'interroge notamment sur la pertinence de l'équation stipulant que le rapport capital sur revenu de long terme (b dans l'ouvrage) est égal au taux d'épargne (s) divisé par le taux de croissance (g) et souligne notamment que dans le cas limite d'une économie en stagnation (g=0), l'équation devient absurde. Par ailleurs, il pointe aussi le fait que l'auteur, après avoir critiqué l'hypothèse de productivité marginale, le modèle à agent représentatif et le modèle de décision intertemporelle à horizon infini, fasse appel à ces mêmes hypothèses et ces mêmes modèles dans son raisonnement ultérieur.

Fondements moraux

Dans une tribune publiée dans le magazine Forbes, George Leef attaque Piketty non pas sur ses chiffres mais sur les fondements moraux de son raisonnement et convoque Frédéric Bastiat pour expliquer que l'État doit protéger la liberté et la propriété de chacun mais sort de son rôle quand il considère que certaines personnes sont « trop » riches.

Controverses sur les causes et les méfaits des inégalités

L'une des critiques récurrentes, soulignée par Martin Wolf dans le Financial Times, est que Piketty place l'inégalité au centre de son analyse sans apporter de réflexion visant à expliquer pourquoi cela importe. Il suppose que l'inégalité est un problème important sans jamais expliquer pourquoi, démontrant seulement qu'elle existe et comment elle s'aggrave. Alors que, rappelle Wolf, il y a des arguments en faveur de l'inégalité, tels l'incitation à l'innovation, le mérite, ou le fait que dans une économie vingt fois plus productive qu'il y a deux siècles, même les pauvres bénéficient de biens et services qui n'étaient même pas disponibles aux plus riches il y a quelques décennies. Wolf souligne l'importance de l'égalité en droit (isonomie), et conclue que l'inégalité de fait ne peut jamais être totalement supprimée.

Michael D. Tanner, du Cato Institute, reproche à Piketty de prendre pour acquis les méfaits de l'inégalité : il évoque par exemple le fait que Piketty parle de l’augmentation des inégalités en Chine sans parler de la diminution considérable de la pauvreté : « Au bout du compte, conclut Michael D. Tanner, on peut s’attaquer aux inégalités de deux façons : en abaissant le haut ou en élevant le bas. »

De la même manière, Clive Crook, sur Bloomberg View, écrit qu'« en plus de ses autres défauts », l'ouvrage incite les lecteurs à croire que l'inégalité est le seul problème important, et qu'il faudrait s'inquiéter de la faible croissance non parce que cela impacterait les niveaux de vie, mais aggraverait les inégalités.

Interprétation des résultats

Hunter Lewis, de l'institut Ludwig von Mises, reproche à Piketty d'attribuer au capitalisme des situations qui sont selon lui le fait des banques centrales et d'un « capitalisme de connivence » (Crony capitalism) où l'État est interventionniste, contrairement au capitalisme de laissez-faire.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici 

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