Winter sleep, palme d'or festival de Cannes 2014

Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements...

Entretien avec Nuri Bilge Ceylan le réalisateur*

Comment est né ce projet de tourner un film en Cappadoce, dans ces falaises troglodytes ?
Nuri Bilge Ceylan : Je me suis inspiré de trois nouvelles de Tchekhov, j’ai ce projet en tête depuis quinze ans. Je ne vous dirais pas quels récits j’ai choisi pour ne pas trop orienter la lecture du film, mais si l’on connait bien l’œuvre de l’écrivain, il n’est pas difficile de trouver l’origine. Nous avons beaucoup changé l’histoire, ajouté des choses. Au début nous ne voulions pas tourner en Cappadoce, car l’endroit me semblait trop beau pour ce film là, mais nous n’avons pas réussi à trouver un hôtel un peu isolé du monde où je pourrais mettre mes personnages à l’écart de la vie courante. En plus je voulais qu’il y ait quelques touristes dans cet établissement, ce qui est vraisemblable en Cappadoce, où ils viennent même en hiver. Quand nous avons finalement repéré cet endroit nous avons voulu y situer notre histoire, par conséquent, elle a évolué. Le décor, en un sens, a aidé à son changement.

Vous avez travaillé sur le scénario avec votre femme Ebru. Comment se passe votre collaboration ?
Nous écrivons ensemble depuis Les Climats. D’abord, nous nous attachons à la construction de l’histoire, puis à la rédaction des dialogues. En fait, chacun s’y met de son côté, puis nous en discutons. Au moment où arrive la décision de choisir tel ou tel dialogue il y a beaucoup de disputes, parfois assez violentes, mais elles nous aident à trancher entre plusieurs options. Le temps de l’écriture est assez court mais le temps de la dispute plus… long ! Comme je suis le réalisateur je veux avoir le dernier mot mais Ebru trouve toujours le moyen d’essayer de me persuader que ce n’est pas le bon dialogue. Ces débats continuent même après la sortie du film. Si un journaliste critique négativement un aspect du film avec lequel elle n’était pas d’accord, elle me fait remarquer qu’elle avait raison ! Il me faut alors trouver un autre article qui épouse mon point de vue !

Comment avez-vous travaillé avec vos comédiens ?
Je ne peux pas dire que je leur ai laissé beaucoup de liberté. Je voulais qu’ils disent le dialogue tel que nous l’avions écrit. Mais une fois la prise faite, je les laissais improviser pour voir s’ils pouvaient donner autre chose. Mais je constatais que même s’ils ajoutaient des détails pour donner encore plus de naturel, ils ne s’éloignaient pas vraiment du texte. Nous avons passé beaucoup de temps à faire des répétitions filmées dans les décors pour que je trouve ce que je voulais. Je voyais ensuite si nous pouvions faire mieux.

* Extraits de l'entretien conduit par Michel Ciment et Philippe Rouyer.


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