'71

Belfast, 1971. Tandis que le conflit dégénère en guerre civile, Gary, jeune recrue anglaise, est envoyé sur le front. La ville est dans une situation confuse, divisée entre protestants et catholiques. Lors d’une patrouille dans un quartier en résistance, son unité est prise en embuscade. Gary se retrouve seul, pris au piège en territoire ennemi. Il va devoir se battre jusqu’au bout pour essayer de revenir sain et sauf à sa base...

Entretien avec Yann Demange, le réalisateur

Vous êtes né en 1977. Pourquoi avoir décidé de faire un film ayant pour toile de fond le conflit en Irlande du Nord au début des années 70 ? Qu’est-ce que ces événements évoquent pour vous ?
Traiter ce conflit n’a jamais été mon ambition. Après avoir beaucoup travaillé pour la télévision, je cherchais un scénario pour mon premier film de cinéma. J’en ai reçu énormément, mais aucun qui me captivait vraiment ou qui sortait du lot alors que je tenais à partir de quelque chose de fort pour ce premier galop : on ne sait jamais quand on aura la chance de refaire un film ! Mon état d’esprit était de sincèrement aimer un scénario, d’être porté par l’envie de le mettre en images. Quand on a commencé à me demander si j’étais intéressé par un projet sur l’Irlande du nord, je me suis dit qu’il allait être difficile de passer après HUNGER, mais l’idée m’intriguait, parce que j’ai grandi à Londres dans l’ombre de ce conflit, qui était toujours là, aux infos à la télé, dans les journaux, dans les conversations... Ni moi, ni ma famille, française, ne comprenions vraiment ce qui se passait.A la moitié de la lecture du scénario de Gregory Burke, j’ai compris qu’il allait au-delà de son contexte historique, qu’il était encore très pertinent dans le monde d’aujourd’hui.

Il y avait la matière pour transcender ces événements spécifiques pour aller vers quelque chose de plus universel et intemporel, ‘71 évoque n’importe quel conflit actuel. Il pourrait se passer en Syrie, en Afghanistan ou au Moyen-Orient. C’est bien plus cela que la situation en Irlande du Nord qui m’a convaincu de faire ce film.

‘71 est en grande partie centré sur la traque d’un soldat anglais par l’IRA, et se rapproche d’un thriller à suspense...
On est sur le terrain du film de genre. Ça n’a jamais été un gros mot pour moi. Et pourtant il était impensable de faire basculer totalement ‘71 dans ce registre : Impossible d’exploiter une histoire qui a touché énormément de personnes. On a vraiment fait beaucoup de recherches pour rester au plus près de la réalité de cette époque. Sans pour autant, même si j’apprécie son style, faire du cinéma « naturaliste » comme celui de Paul Greengrass pour BLOODY SUNDAY. Je ne suis pas un documentariste et ‘71 n’a pas valeur de document sur son contexte social et historique. Le ressort de ce film est clairement l’élément humain. C’est ce qui m’a amené à respecter les codes du film de genre tout en en repensant certaines règles: d’un côté j’ai voulu qu’il soit dans l’énergie physique d’un ballet ; de l’autre je me suis interdit de filmer le moindre personnage comme un héros. J’ai cependant conservé l’idée de méchants, avec les MRF, cette police secrète. Cela dit, ces personnages allaient dans le sens des zones de gris voulues, permettaient de ne pas être prisonnier de certaines conventions du film de genre : ici il n’y a pas de résolution facile, pas de vainqueur. Mais pourquoi se priver de la dimension d’humanité qui existe souvent dans le cinéma de genre ?

Drame de Yann Demange. Prix du jury au festival de Beaune. En compétition aux festivals de Berlin et de Dinard.


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