States of Grace

Sensible et déterminée, Grace est à la tête d'un foyer pour adolescents en difficulté. Parmi les jeunes membres de son équipe, diversement expérimentés, la solidarité et la bienveillance sont de mise. Jusqu’à l’arrivée soudaine d’une fille tourmentée qui ignore les règles du centre et renvoie Grace à sa propre adolescence, pas si lointaine...

Entretien avec le réalisateur, Destin Cretton 

Comme les protagonistes de States of Grace, vous avez été éducateur dans un centre…
Il faut savoir que, si j’ai fait ce métier, ce n’était pas par vocation mais parce que je ne trouvais pas de travail juste après l’université. Et c’était la seule option qui s’imposait à moi. Un jour, un ami m’a prévenu qu’un centre non loin de chez moi embauchait des jeunes. J’y suis allé en pensant que j’allais changer le monde et c’est le monde qui m’a changé. En tant qu’éducateur, j’étais comme le personnage de Nate (Remi Malek). Je tâtais le terrain, j’étais en retrait. Les deux premiers mois, je ne me rendais pas compte que certaines de mes paroles étaient totalement inappropriées, que ma mentalité n’était finalement pas très saine en arrivant, sur le rôle que je devais tenir, persuadé que j’allais remettre ces adolescents paumés dans le droit chemin, qu’ils m’attendaient et que j’allais être leur sauveur. Involontairement, je les prenais de haut. Or, je n’avais rien fait de mieux ou de plus que ces adolescents, je n’avais rien à leur apprendre non plus. Je devais me contenter de les aider, de les guider, de leur apprendre à respecter des règles sociales. Et je n’avais pas forcément les outils pour répondre à leurs angoisses ou leur mal-être. J’avais occulté toute la part humaine. J’avais peur de faire des choix stupides, de mal gérer certaines situations. Une fois que les liens entre eux et moi étaient noués, la confiance s’est instaurée et cela a été beaucoup plus facile. Ce fut une expérience unique et magnifique car cela a balayé tous les doutes que je pouvais avoir à cette époque. Moi aussi, j’avais grandi, j’avais perdu mon arrogance d’adolescent têtu. Lorsque j’ai quitté cette fonction, je me suis rendu compte que j’avais plus appris à leur contact que je ne leur avais appris. Ces adolescents n’étaient pas des monstres, ils étaient intelligents, à vif. J’étais admiratif de leur courage.

Ils restaient, en dépit d’événements tragiques, des êtres éveillés, amusés, blagueurs. La vie ne les avait pas bouffés, ils avaient encore cette part de légèreté en eux.

States of Grace parle de sujets sombres et pourtant le traitement est lumineux…
J’abhorre la facilité ; et, en ce sens, il aurait tellement été facile de prendre tout ce qu’il y avait de plus sombre dans un centre et de se complaire dans quelque chose de glauque, de pathétique, de tire-larmes, de racoleur… La violence n’est pas la réalité. Dans toutes les histoires que j’avais vécues en tant qu’éducateur, il y avait des moments tragiques mais aussi des moments de vie, légers et parfois même drôles. Je voulais rester fidèle à cette complexité et ne pas m’abîmer dans le manichéisme ou l’outrance. Si j’avais organisé ce film en alignant des scènes violentes, cela aurait été rébarbatif et surtout, cela n’aurait pas été authentique. Je voulais insuffler de la vie, instaurer des moments de relâchement. Les différents témoignages d’adolescents et d’éducateurs charriaient des émotions contradictoires. Certains étaient tellement tragiques qu’ils me donnaient envie de pleurer et, deux minutes plus tard, toujours sur la même histoire, je pleurais de rire. Il y avait autant d’espoir que de désespoir. Ces adolescents souffrent mais vous pouvez les voir communiquer, partager, aimer ; ils ne connaissent pas l’égoïsme, ils vont vers les autres. Bien sûr, comme partout, il y a des hauts et des bas, en termes d’émotion. Des hauts très hauts et des bas très bas. Ce n’est jamais tiède. Il y a beaucoup de larmes et d’éclats de rire. Je voulais qu’il y ait cette ambivalence dans States of Grace.

Qu’aimeriez-vous que le spectateur retienne de States of Grace ?
J’aimerais que le spectateur soit en immersion et en empathie. A l’heure où il est tellement simple d’être pessimiste, de niveler vers le bas ou de faire preuve de cynisme, j’aime l’idée de tirer les personnages vers le haut et de me dire que, peut-être, un spectateur éprouvera de la compassion. Le point de vue du spectateur, c’est celui du jeune éducateur timide, Nate (Remi Malek). Comme lui, il découvre un monde. Je veux que le spectateur se fasse sa propre opinion, ressente ce que cela fait de vivre et de travailler dans cet environnement-là. Je pense aussi que le film a une dimension universelle ; en d’autres termes, il n’est pas nécessaire d’avoir eu une adolescence torturée pour comprendre. On a tous été un jour ou l’autre blessé par quelqu’un ou éprouvé cette culpabilité d’avoir pu blesser et de ne pas avoir réalisé la conséquence de son acte. Et l’idée de famille, de communauté est relative à tout et à tous : à la guerre, au sport… Je considère States of Grace comme une célébration du groupe.

States of Grace, drame de Destin Cretton, Prix Jeune Réalisateur au Festival de Locarno.

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