D’une vie à l’autre

Europe 1990, le mur de Berlin est tombé. Katrine a grandi en Allemagne de l’Est, et vit en Norvège depuis 20 ans. Elle est le fruit d’une relation entre une norvégienne et un soldat allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale. A sa naissance, elle a été placée dans un orphelinat réservé aux enfants aryens. Elle parvient à s'échapper de la RDA des années plus tard pour rejoindre sa mère. Mais, quand un avocat lui demande de témoigner dans un procès contre l’Etat norvégien au nom de ces “enfants de la honte”, curieusement, elle refuse. Progressivement de lourds secrets refont surface, dévoilant le rôle de la STASI, les services secrets de la RDA, dans le destin de ces enfants. Pour elle et ses proches, quel est le plus important ? La vie qu’ils ont construite ensemble, ou le mensonge sur lequel elle repose ?...

Les enfants du Ledensborn
Pour comprendre l'histoire racontée par le film D'une vie à l'autre, il faut remonter au 12 décembre 1935, date de la fondation en Allemagne de l'association «Lebensborn» (néologisme formé à partir de« Leben »,« la vie» et de« Born», qui signifie «fontaine» en vieil allemand). Imaginé par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler dans le cadre de la politique d'eugénisme nazie, et géré directement par la SS, cet organisme avait pour but de sélectionner les « membres aryens de la race supérieure» et de les élever pour en faire la future élite du Reich.

Pour ce faire la SS construisit, dans toute l'Allemagne puis dans les pays occupés, des « maisons du Lebensborn ». Celles-ci comprenaient des maternités dans lequelles des femmes, mariées ou célibataires, pouvaient accoucher, et des foyers pour recueillir et élever les enfants. Pour une hospitalisation dans une maternité du Lebensborn, il fallait que les femmes soient d'origine « aryenne» (impératif qui excluait essentiellement les juifs) et ne soient pas affectées d'une maladie héréditaire. Les femmes célibataires n'étaient pas obligées de confier leur bébé au service d'adoption ou au foyer, mais l'association du Lebensborn prenait la tutelle légale de l'enfant en charge. On estime à environ 11.000 le nombre d'enfants qui naquirent dans les maternités du Lebensborn, entre 1936 et 1945.

La Stasi et les Ledensborn
À la fin de la guerre, les enfants de type « aryen idéal» des foyers de Lebensborn devinrent des parias dont l'Allemagne cherchait à oublier l'origine, et leur trace disparut dans la tourmente de l'après- guerre.

Mais dans les années 1960, le sort des anciens enfants du Lebensborn commença à attirer l'attention du régime communiste de la RDA et plus particulièrement du Ministère de la Sécurité d'État, la tristement célèbre « Stasi ».

Dans le contexte de la guerre froide, la Stasi vit dans ces bi-nationaux (qui pouvaient demander un passeport de leur pays natal), à l'itinéraire de vie heurté, de parfaits agents doubles, et chercha à les retrouver et à les recruter pour des missions d'espionnage à l'étranger. Mais ce plan originel fut finalement abandonné en faveur d'un autre, encore plus cynique: la Stasi attribua les identités d'enfants du Lebensborn à ses espions qui, munis d'une fausse identité et grâce à des récits entièrement reconstitués (et soigneusement assimilés), infiltraient les pays occidentaux, arguant de leur désir de retrouver leurs racines et de renouer avec leur famille. Les prétendus enfants du Lebensborn s'installaient durablement à l'étranger et y construisaient une double vie. Parallèlement, leurs « doubles» étaient étroitement surveillés, et leurs tentatives de se renseigner sur leurs racines méthodiquement découragées.

Parmi d'autres cas qui ont pu inspirer le scénario du film D'une vie à l'autre, celui d'Heinz Hempel est particulièrement documenté : il a endossé l'identité d'un enfant de Lebensborn prénommé Ludwig Bergmann. Hempel alias Bergmann fut missionné par l'intermédiaire de Berlin-Ouest comme espion en Norvège, où il retrouva sa « famille », qui le reconnut comme son fils. Alors que le véritable Ludwig Bergmann menait une vie tranquille en Saxe, le faux Ludwig Bergmann travailla pendant plus de 20 ans comme espion en Norvège puis en Allemagne de l’Ouest. Cette méthode trouva son apogée à la fin des années 60 et fut mise en pratique jusqu'au milieu des années 70. Le KGB soviétique utilisa également les identités d'orphelins d'Allemagne de l'Est pour infiltrer ses propres agents à l'Ouest.

On ne sait pas combien d'espions est-allemands avec des identités dérobées aux enfants du Lebensborn ont émigré en Norvège et en Europe occidentale. En effet, à la chute du Mur de Berlin, lors du tournant politique de 1989/90, la Stasi détruisit la plupart des dossiers concernant ses agents à l'étranger.

Ce n'est qu'en 1997, sept ans après la réunification allemande, que commença une enquête laborieuse, qui ne permit de démasquer que quelques espions.

Le point de vue du réalisateur, Georg Maas
« Les multiples facettes des personnages et la complexité de l'histoire me fascinent depuis de nombreuses années. Les personnages principaux sont à la fois coupables et innocents, bourreaux et victimes. Ils sont des acteurs lucides de l'Histoire. Ils cherchent le bonheur dans /'instant présent, mais ils ne peuvent fuir leur passé sombre. C'est le drame de leur existence.

Au fil de l'écriture du scenario, je me suis de plus en plus intéressé à la question de /'identité : qu'est-ce que la vérité, qu'est-ce qu'un mensonge, qui sommes-nous? Qu'est-ce que je sais vraiment des autres ?

Nous avons tendance à confondre les autres avec /'image que nous avons d'eux. Quand quelqu'un fait des choses qui ne correspondent pas à cette image, nous préférons l'occulter. Le spectateur - tout comme la famille de Katrine - ne peut pas voir Katrine telle qu'elle est vraiment. »

Représentant de l’Allemagne à l’Oscar du Meilleur Film Etranger.
Festival de St Jean de Luz : Chistera de la meilleure interprétation féminine (prix Joa Casino) pour Juliane Kohler et le Chistera du public (prix Allianz).
Prix du Public Festival du film d'histoire de Pessac 2013.

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