Les chèvres de ma mère

Sur un plateau isolé des gorges du Verdon, Maguy fabrique depuis 40 ans du fromage de chèvres dans le respect de la nature et des animaux. Bientôt à la retraite, elle doit céder son troupeau. Elle décide alors de parrainer Anne-Sophie, une jeune agricultrice qui souhaite s’installer. Au fil des saisons, le processus de transmission s’avère être un douloureux renoncement pour l’une et un difficile apprentissage pour l’autre. Peut-on encore aujourd’hui transmettre le goût de la liberté ?...

Entretien avec Sophie Audier, la réalisatrice

Quel est votre parcours ?
J’ai grandi sur le plateau de Saint-Maymes dans les Gorges du Verdon avec ma mère et les chèvres. Je suis arrivée là bas à 5 ans et c’est vrai que j’ai été très imprégnée par cette expérience. C’est un lieu absolument magnifique mais très isolé et sauvage. A 16 ans, j’ai eu besoin de partir ailleurs et de vivre autre chose, je suis donc allée m’installer à Aix : j’ai pris la deuxième claque de ma vie en découvrant le cinéma ! Ça a été, pour moi, aussi intense que ce que j’avais vécu dans les Gorges. Plus tard, j’ai décidé de faire des études de cinéma et de devenir scripte. Quand l’idée de faire un film a fait son chemin, je suis naturellement retournée vers mon territoire d’enfance.

Pourquoi avoir fait ce film ?
Essentiellement pour deux raisons. Ce que j’ai vécu avec ma mère est exceptionnel. Nous sommes arrivées dans les années 70 dans ce lieu retiré. Nous vivions de façon très rudimentaire, en contact permanent avec la nature et les animaux, sans eau, sans télévision et souvent sans électricité ni téléphone. Lorsque des normes nous ont été imposées, ça a été un vrai choc pour nous. La manière dont on avait vécu et que j’ai adorée, notre rapport au monde ne pouvaient plus exister. J’ai donc voulu avec ce film défendre le mode de vie dans lequel j’ai été élevée. Celui-ci ne peut pas être dénigré simplement parce qu’il est en complet décalage avec la société actuelle.

Mais faire ce film a aussi été un moyen de transmettre l’histoire de ma mère sans pour autant reprendre son troupeau. Quand nous avons commencé à parler toutes les deux de ce projet, nous ne connaissions même pas encore Anne-Sophie. Ma mère s’inquiétait : qu’allaient devenir ses chèvres à sa retraite ? Je sentais que quelque chose d’important se jouait pour elle mais aussi pour moi, quelque chose se finissait avec nous. Alors quand Anne-Sophie a décidé de reprendre le troupeau, j’ai eu envie de filmer leur aventure.

Quelle était votre place dans le film ?
Ma place dans le film était primordiale dès l’écriture. Je ne filmais pas seulement deux femmes qui se transmettent une exploitation, je filmais ma mère. J’étais la fille devenue cinéaste qui ne reprenait pas le troupeau familial. D’où cette envie d’être une véritable interlocutrice, mobile, vivante et complètement intégrée à l’histoire. Comme j’étais constamment derrière la caméra, ma manière à moi d’être présente dans le film, c’était par ma voix.

Je me suis autorisée à intervenir, non pas comme une réalisatrice, mais en tant que participante à une aventure. Je n’oubliais pas pour autant ma place de réalisatrice. Je connaissais très bien, à la fois le dossier d’Anne-Sophie, les enjeux techniques autour du métier (les chèvres, la fabrication des fromages) et les parti-pris de ma mère : j’avais les connaissances nécessaires pour faire avancer le récit, rendre les choses accessibles à un spectateur. J’ai joué la candide pour m’assurer qu’il comprenne l’enjeu de la discussion, je faisais préciser les termes techniques pour que personne ne soit perdu.

Je n’ai jamais perdu de vue la narration du film : je posais des questions qui venaient nourrir la situation, le récit, le point de vue, qui nous permettait de nous rapprocher des personnages, de leur intimité.

Documentaire de Sophie Audier. Grand prix du documentaire au Festival 2 Valenciennes.

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