Iranien de Mehran Tamadon

Iranien athée, le réalisateur Mehran Tamadon a réussi à convaincre quatre mollahs, partisans de la République Islamique d’Iran, de venir habiter et discuter avec lui pendant deux jours. Dans ce huis clos, les débats se mêlent à la vie quotidienne pour faire émerger sans cesse cette question : comment vivre ensemble lorsque l’appréhension du monde des uns et des autres est si opposée ?

Entretien avec le Mehran Tamadon, le réalisateur
Mon cinéma n’est pas une arme de guerre. Je n’utilise pas l’image comme outil pour démontrer une pensée qui serait la mienne ou pour régler mes comptes. Je ne m’en sers pas comme instrument de propagande, mais comme un espace qui doit permettre de se comprendre et de rendre la parole possible. Un espace qui contraint les gens qui se haïssent, à se voir et s’entendre, afin d’être un jour capables de se tolérer. En ce sens, ce documentaire ne montre pas la société telle qu’elle est. Il contient en lui une promesse. Il est un espace qui crée des situations inexistantes aujourd’hui en Iran. Ce film est un territoire dans lequel je parle selon d’autres règles que celles qu’impose le pouvoir iranien.

Je demande aux défenseurs du régime iranien de venir dans mon espace et d’accepter d’entendre ma liberté de ton. Je leur demande de participer au projet d’un homme qui les regarde avec distance. Un homme qui a des objectifs autres que les leurs mais qui les considère. Je leur demande de s’asseoir à l’intérieur d’un cadre dont ils n’ont pas la maîtrise. Un cadre qui montrera sans doute une autre image que celle qu’ils veulent renvoyer d’eux-mêmes.

Je leur demande d’accepter un cinéma qui les regarde différemment. 

Trouvez vous que la question du don et de l’ouverture à autrui qui sont au cœur des préoccupations d’intellectuels comme Marcel Mauss ou encore Tzvetan Todorov sont également au cœur de votre travail ?
Par rapport à la question du don, je ne m’étais pas formulé cette idée aussi explicitement lorsque je tournais le film, ni même lorsque je le montais.

Il me semble néanmoins que je tente d’aller vers l’ouverture, vers l’inclusion et non l’exclusion. Je tente de comprendre et non de casser ou d’asséner à l’autre ma façon de penser. J’ai l’impression que le changement est possible à cette condition, c’est la remise en question de soi, l’ouverture de soi qui permet également à l’autre de faire de même et de s’ouvrir. Alors le don, ce n’est rien d’autre. C’est cette attitude qui consiste à accueillir plutôt qu’à contrer, à parer. Je trouve que la tendance actuelle, dans la société française est plutôt à l’exclusion.

On se protège, on cherche la sécurité et du coup on crée des ghettos. Il y a en France des intellectuels qui vont à l’encontre de ces idées reçues existent en France, mais on ne les entend pas beaucoup, parce qu’ils ne caressent pas dans le sens du poil.

Documentaire de Mehran Tamadon. Grand Prix Cinéma du réel 2014.


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