Film mythique : Apocalypse Now de F. F. Coppola

Apocalypse Now est certainement le film qui a transcendé la nature fantasque et mégalomane de Francis Ford Coppola, pour devenir un chef-d'œuvre cinématographique sur la folie, la guerre, la nature sauvage et l'impérialisme. Coppola travaille durant cinq ans pour rédiger une première version satisfaisante du scénario avec John Milius…

Coppola souhaite depuis longtemps transposer en pleine guerre du Vietnam l'intrigue du récit Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, situé dans l'État indépendant du Congo de la fin du XIXe siècle. Plusieurs tentatives d'adaptation du livre ont été avortées dont celle d'Orson Welles.

À l'origine, Lucas est pressenti pour mettre en scène le film. Cependant, celui-ci préfère s'atteler à la réalisation de La Guerre des étoiles et souhaite retarder le tournage d'« Apo ». Coppola décide, sans l'en avertir, de le réaliser ce qui brouille les deux amis durant plusieurs années. Le film fait l'objet d'une production démentielle au cœur de la jungle des Philippines et engloutit plus de 30 millions de dollars d'un budget initialement fixé à 16 millions, s'étalant sur 18 mois de tournage et nécessitant l'impression de plusieurs dizaines de kilomètres de pellicule.

Le dictateur Marcos accorde son soutien à la production, prêtant ses hélicoptères et ses avions de chasse destinés à la traque des rebelles. Les appareils sont visibles dans la célèbre séquence du bombardement d'un village sur l'air de la Chevauchée des Walkyries de l'opéra Die Walküre de Richard Wagner. À la base, le rôle de Willard est attribué à Harvey Keitel avec lequel Coppola commence le tournage.

Mais suite à plusieurs différends, Keitel est remercié au profit de Martin Sheen. Les catastrophes s'enchaînent sur le plateau : un typhon ravage le décor, Sheen est victime d'une crise cardiaque et Marlon Brando, qui avait promis de perdre du poids, débarque sur le tournage obèse, sous la dépendance de stupéfiants et en ayant à peine lu le script. La star ignore totalement son texte.

Effrayé à l'idée de devoir interrompre son travail, Coppola dissimule l'état de santé de son acteur principal aux producteurs. Il fait d'ailleurs venir son frère des États-Unis durant sa convalescence afin d'en faire une doublure pour des plans de dos. Il décide aussi de filmer Brando dans la pénombre et en fait un personnage à la limite du visible. À la fin de l'année 1976, Coppola fait un premier retour aux États-Unis avec des centaines d'heures d'images qui s'avèrent être totalement inutilisables.

Dépassé et happé par la démesure de son entreprise et la mission démiurgique de son ouvrage, Coppola se drogue et est sujet à des crises mystiques, s'identifiant aux causes des tribus locales. Il perd 40 kilos, sombre pratiquement dans la folie et tente de mettre fin à ses jours.

Devenu mégalomane, irascible et paranoïaque, il remodèle chaque semaine l'équipe de tournage au gré de son humeur. À cette époque, il s'adonne à des dépenses somptuaires et engloutit près de 150 000 dollars par jour pour assouvir ses lubies, se faisant livrer des centaines de steaks congelés des États-Unis, du champagne et plusieurs produits de luxe.

Il réclame aussi la construction d'une piscine derrière la propriété qu'il loue. À bout de force, l'équipe organise plusieurs révoltes et mutineries à l'encontre du metteur en scène. Quand Coppola boucle finalement le tournage et rentre définitivement aux États-Unis, il est accompagné de 250 heures d'images.

Alors que le calvaire du tournage est terminé, la production se retrouve avec des centaines d'heures d'images à traiter et aucune des premières versions du film ne convient au réalisateur. L'équipe du montage est mise à rude épreuve et Coppola reste vague quant à la vision parfaite de son film. Le chef-monteur, Dennis Jakob, perd presque la raison et menace de brûler les kilomètres de bandes.

Le montage « Work-In-Progress » d'Apocalypse Now est finalement prêt pour 1978. Il est à peu près semblable à celui de la version « Redux », à l'exception de la scène dans la plantation française où le héros connaît une brève histoire avec une fille d'anciens colons d'Indochine qu'interprète Aurore Clément.

D'autres séquences, encore jamais vues à ce jour, montrent Willard coucher avec une playmate qui lui tire des cartes de tarot. L'aventure du tournage fait l'objet en 1991 d'un documentaire, Au cœur des ténèbres, réalisé par Fax Bahr et George Hickenlooper. Il intègre de nombreuses séquences et images d'archives tournées à l'époque par Eleanor Coppola.

Après trois ans de préparation, le film sort en salles en 1979. Cette odyssée dans l'horreur guerrière et le trip mystique, d'une puissance visuelle hypnotique, inégalée dans l'œuvre du cinéaste, vaut à ce dernier une seconde Palme d'or cannoise, partagée avec l'Allemand Volker Schlöndorff pour Le Tambour, autre grande adaptation littéraire.

22 ans après avoir remporté la Palme d'Or au Festival de Cannes, le chef d'oeuvre enfanté dans la douleur par Francis Coppola ressort dans une version rallongée de 3/4 d'heures, Apocalypse now redux, qui, loin d'être un simple Director's Cut mais plutôt un travail de titan, lui redonne une nouvelle jeunesse ainsi que toute son essence dialectique.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici

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