Dénomination sociale et marque

Le choix d’une dénomination sociale fait partie des premières problématiques lors de la constitution de la société. En effet, la dénomination sociale permet d'identifier et de singulariser la société. Les fondateurs de la société peuvent librement choisir la dénomination de leur société, à condition qu'ils ne portent pas atteinte aux droits que les tiers pourraient avoir sur cette dénomination…

Article rédigé par l'avocat d'affaires Maître Francis Crolard, Gilmour Law Office

"L’idéal serait, pour un créateur d’entreprise, de soumettre son projet de dénomination sociale à un cabinet spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et industrielle. En effet, ce dernier dispose de toutes les bases de données pour effectuer les recherches d’antériorité du projet de dénomination sociale.

En pratique, on s’aperçoit que peu de créateurs de PME ou de TPE font appel à ces cabinets compte tenu des coûts générés par ce travail souvent, et malheureusement, les consultations sont « réservées » aux entreprises d’une certaine taille pouvant assumer cette charge.

A défaut, les fondateurs doivent donc vérifier, au préalable, que ces risques n'existent pas en consultant, au moins :

- L’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), pour vérifier que la dénomination choisie n'est pas couverte par une marque.
- Le registre du commerce et des sociétés.

La dénomination sociale est, en principe, dans un premier temps, garantie par la règle de la priorité d'usage de la dénomination sociale.

Néanmoins, la protection de la dénomination d'une société peut également être assurée par le recours au droit des marques, lequel offre une protection plus efficace que celle accordée à la dénomination sociale en tant que telle.

La protection de la dénomination sociale et la priorité d'usage
Une première règle, capitale, est que la protection de la dénomination sociale est assurée par la règle de la priorité d'usage (l'antériorité de la dénomination), selon laquelle la propriété d'une dénomination sociale est acquise par le premier usage qui en est fait.

Cette règle autorise ainsi toute société qui, la première, a utilisé une dénomination, à s'opposer à l'utilisation de sa dénomination par une autre société.

Néanmoins, il est nécessaire que cette seconde société exerce une activité concurrente ou similaire, et s'adresse à la même clientèle, de sorte qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit de celle-ci.

Je me souviens ainsi du cas que j’ai vécu avec un de mes clients, un Groupe important dans son secteur d’activités, dont la première société dénommée X a été créée en 1983, déposant en même temps ladite dénomination X à titre de marque.

Un matin, il me téléphone et me dit que la veille il était au Havre et qu’il avait vu l’agence d’une société, exerçant exactement dans la même activité et portant rigoureusement la même dénomination, X. Et il me mandate immédiatement pour faire cesser ce « désordre ».

Je fais immédiatement une recherche de marque (néant) puis au registre du commerce et des sociétés. Et là, pantois, je m’aperçois que la société X Le Havre a été constituée en 1976 et a donc l’antériorité sur mon client.

J’ai donc suggéré à mon client de ne surtout pas agir car c’est bien la société X du Havre qui pourrait l’attaquer en contrefaçon. C’est pourtant David contre Goliath...

Pour régler le grave problème potentiel d’assignation de mon client par la société X Le Havre, nous avons donc décidé de rencontrer son dirigeant.

Dans un premier temps, j’ai établi « un protocole de non-agression », puis, voyant ses intérêts, le dirigeant de la société X Le Havre a cédé sa société à mon client (qui du même coup a vu sa dénomination X prendre un peu plus d’antériorité).

Mais même si la protection de la dénomination sociale en tant que telle, par la règle de la priorité d'usage (l'antériorité de la dénomination) est précieuse, il convient de mettre en œuvre un mécanisme de protection plus efficace, à savoir l'utilisation du droit des marques.

La protection de la dénomination sociale et le droit des marques
Au-delà de la protection de la dénomination sociale en tant que telle qui s'avère, parfois, être insuffisante, il est conseillé au chef d'entreprise de déposer le nom de sa société à titre de marque auprès de l'INPI.

Économiquement, la marque sert à la fois à individualiser un produit ou un service, à le nommer, mais assure surtout en elle-même une fonction « marketing ».

La marque constitue un bien incorporel permettant d'accroitre la valeur du patrimoine de l'entreprise. Ainsi, la société qui dépose sa dénomination sociale à titre de marque augmente corrélativement la valeur de son actif patrimonial. Celle-ci va commercialiser ses produits et services sous le même nom que le sien. L'identification de la société sera ainsi permise essentiellement grâce à sa marque, lui permettant ainsi d'acquérir une certaine notoriété sur le marché. La dénomination d'une société peut ainsi être protégée par le droit des marques, si l'appellation choisie remplit les conditions de validité de la marque, et fait l'objet d'un enregistrement à l'INPI. 

Les conditions de validité d'une marque

La marque doit répondre à la définition qui en est faite par l'article L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, qui prévoit :

« La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale (...) ».

Ainsi, pour être valable, une marque doit répondre à plusieurs conditions:

- La marque doit être distinctive, ce qui signifie qu'elle ne doit pas être composée uniquement de termes génériques ou descriptifs.

- La marque doit être licite : elle ne doit pas être contraire à l'Ordre public ou aux bonnes mœurs. 

- La marque ne doit pas être frauduleuse ou déceptive : elle ne doit pas tromper le public sur la qualité, l'origine, la composition, la fonction du produit désigné. 

- La marque doit être disponible, ce qui signifie qu'elle ne doit pas porter atteinte à un droit antérieur détenu par un tiers, comme un droit sur une marque, une dénomination sociale, un nom commercial, un nom de domaine ou des droits d'auteur. Un dépôt de marque doit donc toujours être précédé d'une recherche d'antériorités portant sur les marques antérieures valables sur le territoire géographique envisagé, les dénominations sociales et les noms de domaines.

Sanction : si une de ces conditions n'est pas remplie, la marque est illicite et est frappée de nullité absolue, ce qui signifie que toute personne est habilitée à en demander la nullité.

L'enregistrement d'une marque

En France, la propriété de la marque ne peut être acquise que par son enregistrement auprès de l'INPI. 

Les droits conférés par cet enregistrement prennent effet à compter de la date de dépôt de la marque pour une période de 10 ans, indéfiniment renouvelables. 

Prenez garde : la marque peut être déchue par défaut d'usage ou dégénérescence.

L'enregistrement de la marque confère au déposant un droit privatif sur celle-ci, ce qui lui donne une valeur patrimoniale puisque cette marque pourra ensuite être cédée à tout moment, et notamment dans le cadre de la transmission d'une entreprise.

Par ailleurs, l'enregistrement de la marque lui assure une protection plus efficace et plus aisée que celle accordée à la dénomination sociale en tant que telle.

Conclusion pratique

Ce sujet du choix de la dénomination sociale qui va donner lieu ou non au dépôt d’une marque est un sujet qui me passionne tellement que j’ai réfléchi et eu l’idée suivante : « scinder » la marque (lorsqu’à mon sens cette dernière est vraiment très originale et/ou atypique) de la société d’exploitation B. 

Ainsi, le fondateur « isole » la marque déposée dans une société personnelle A qui n’aurait qu’un seul actif : la marque. 

La société d’exploitation est créée et se trouve obligée de prendre en « location » (licence) la marque pour pouvoir l’exploiter. Cette licence, dès lors que cela sera financièrement possible, fera l’objet de paiements de factures, souvent en fonction du chiffre d’affaires de la société B (royalties). 

Cette société A n’ayant aucune charge et percevant des royalties de plus en plus conséquentes deviendra une tirelire (une autre forme de holding) pour son propriétaire et pourra faire l’objet de sérieuses négociations lors de la cession de la société B. 

C’est ce schéma qu’a adopté le médiatique dirigeant d’une radio que l’on appelait libre, dès sa création. Il fait aujourd’hui partie des dix premières fortunes françaises…"

Article rédigé par l'avocat d'affaires Maître Francis Crolard, Gilmour Law OfficePhoto : Fotolia.com

Pour vous conseiller dans le choix de la dénomination sociale de votre entreprise, un avocat d’affaires :

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