Histoires extraordinaires : Alexandre Selkirk, seul au monde

Alexandre Selkirk (ou Alexander Selcraig) (1676 – 1721) est un marin écossais dont l'aventure extraordinaire inspira le roman « Robinson Crusoé » de Daniel Defoe (1719) ou encore le film « Seul au monde » avec Tom Hanks…

Sa vie avant son départ
Fils d'un cordonnier et tanneur à Lower Largo, dans le comté de Fife, Écosse, Selkirk est né en 1676. Dans sa jeunesse, il fit preuve d'un caractère querelleur et indiscipliné. Cité à comparaître le 27 août 1695 devant le consistoire de Kirk pour « tenue indécente » dans une église, il « ne comparut pas, s'étant enfui sur les mers : son affaire reste ouverte jusqu'à son retour ». Selkirk débute sa carrière de marin en 1695. En 1703, il rejoint une expédition corsaire dans l'océan Pacifique sous le commandement du capitaine William Dampier. Le navire de Selkirk est commandé par le capitaine Thomas Stradling.

Le débarquement sur l'île
En octobre 1704, après une campagne décevante contre les bateaux et les villes des Espagnols, l'expédition se sépare en plusieurs groupes. Le capitaine Stradling fait escale aux îles Juan Fernandez, au large de Valparaíso, pour approvisionner le bateau en bois et en eau avant de repartir vers l'Angleterre en octobre 1704. Le bateau ayant subi de gros dommages dans les batailles et nécessitant un carénage, Selkirk veut le réparer avant de franchir le cap Horn.

Devant le refus obstiné du capitaine Stradling, Selkirk, sous le coup de la colère, refuse de poursuivre la route et exige qu'on le laisse sur l'île Mas-a-Tierra, dans l'archipel Juan Fernández, à quelque 400 milles des côtes chiliennes. Il essaya de convaincre quelques-uns de ses compagnons d'équipage de déserter avec lui en restant sur l'île. Son plan reposait sur l'hypothétique passage d'un autre bateau qui leur viendrait en aide. Personne ne s'engage avec lui dans l'aventure. Le capitaine Strandling exauça le vœu d'Alexander Selkirk et l'abandonna sur l'île de Juan Fernandez, trop heureux de se débarrasser d'un marin mêlé à toutes les tentatives de mutinerie depuis le départ d'Angleterre. Ce n'est que lorsqu'il se retrouve seul sur l'île, que Selkirk réalise les conséquences de sa demande. Il tente sans succès de convaincre le capitaine de le rembarquer, mais il doit rester seul sur l'île. Il fit signe et appela le navire, en vain. En réalité, il avait eu raison d'exiger d'être débarqué, car le bateau coula par la suite, noyant la majorité de l'équipage, comme il le craignait.

La vie sur l'île
Selkirk vécut quatre ans et quatre mois sans la moindre compagnie humaine. Tout ce qu'il possédait sur l'île était un mousquet, de la poudre à canon, des outils de charpentier, un couteau, quelques vêtements et de la corde. À cause de bruits étranges qui lui parvenaient de l'intérieur des terres, qu'il craignait provenir de bêtes dangereuses, Selkirk resta dans les premiers temps sur le rivage. Pendant ce temps il mangea principalement des crustacés, il scrutait quotidiennement l'océan, seule source d'aide possible. La solitude, la misère et le remords furent ses seuls compagnons pendant son temps passé sur l'île. Finalement, la seule chose qui le poussa dans l'intérieur de l'île fut les réunions bruyantes des hordes de lions de mer à la saison des amours.

Une fois qu'il fut installé dans les terres sa vie prit un tour plus agréable. Il disposait de plus de nourriture : des chèvres sauvages — introduites par de précédents marins — lui donnaient viande et lait ; des navets, des choux et des baies de poivre noir lui offraient plusieurs assortiments de légumes et épices. Bien que des rats puissent l'attaquer la nuit, il lui était possible de dormir en sécurité s'il avait l'astuce de domestiquer ou de dormir près de quelques chats sauvages.

Selkirk fit preuve de nombreuses ressources dans la réutilisation d'éléments qui lui restaient du navire comme de ceux qu'il trouvait sur place. Il bâtit deux cabanes à partir de bois de poivrier. Il utilisa son mousquet pour chasser les chèvres et son couteau pour nettoyer leurs carcasses. Sa réserve de poudre à canon ne cessant de diminuer, il fut forcé de s'en passer pour chasser. Durant l'une de ces chasses, il se blessa grièvement après avoir dévalé un escarpement et resta inconscient près d'une journée (sa proie amortit sa chute et lui évita d'avoir le dos cassé). À la suite de cet incident il lut des livres très fréquemment, il trouvait dans ses lectures un réconfort face à sa situation mais aussi un moyen de maintenir sa pratique de l'anglais. Après deux années de solitude, entouré seulement des chats harets et des chèvres qu'il apprivoise, il aperçoit un navire et se signale à lui. Cependant, ce navire est espagnol et loin de le sauver, l'équipage l'aurait pendu comme pirate s'il ne s'était enfui et caché à temps.

Il doit encore patienter près de deux années et demie supplémentaires avant que William Dampier ne le secoure le 2 février 1709, au cours d'une expédition menée par le capitaine Woodes Rogers. Il fut d'une grande aide pour soigner les hommes de Rogers atteints de scorbut, il chassait pour l'équipage deux à trois chèvres par jour. Selkirk reprend avec eux les raids sur les côtes chiliennes et péruviennes. Rogers et Selkirk devinrent réellement des compagnons de confiance : ce dernier se voit attribuer le commandement d'un des navires. De même, lorsque Rogers publia A cruising voyage round the world: first to the South-Sea, thence to the East-Indies, and homewards by the Cape of Good Hope, en 1712, il fit part de l'aventure du rescapé.

A terre
Lorsqu'il rentre enfin à Londres en 1711, il est pauvre. Il rencontre l'écrivain Richard Steele, qui écrit son histoire et la publie dans le journal The Englishman la même année. Par la suite, il rentre chez lui en Écosse, où il devient une célébrité locale. Au début de l'année 1717, Selkirk revint au Lower Largo mais n'y fit une halte que de quelques mois. Il y fit la rencontre de Sophia Bruce, une jeune employée de laiterie de 16 ans, lui même étant alors âgé de 41 ans. Ils s'enfuirent tous les deux à Londres mais apparemment ne se marièrent pas pour autant. Il ne se remit jamais parfaitement de son séjour solitaire sur l'île : il passa beaucoup de temps seul et fut mal à l'aise. Il se construisit une sorte de case sur la propriété de son père. Enfin, il reprit le large à bord d'un négrier et périt de la fièvre en 1721 au large des côtes d'Afrique.

En 1966, l'île chilienne Mas-a-Tierra, en hommage conjoint à Alexandre Selkirk et au roman Robinson Crusoé inspiré par son aventure, a été rebaptisée île Robinson Crusoe.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici


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