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L’Intérêt d’Adam


Adam, 4 ans, est hospitalisé pour malnutrition à la suite d’une décision de justice. Lucy, l'infirmière en chef, autorise la mère d’Adam à rester auprès de son fils au-delà des heures de visite fixées par le juge. Mais la situation se complique quand celle-ci refuse une nouvelle fois de quitter son fils. Dans l'intérêt de l'enfant, Lucy fera tout pour venir en aide à cette mère en détresse.

Entretien  avec Laura Wandel - Réalisatrice du projet

Comment vous est venue l’idée d’ancrer votre deuxième long métrage dans le service pédiatrique d’un hôpital ?

Chez moi, la volonté d’écrire part toujours d’un lieu. L’hôpital m’intéressait parce que j’y voyais un amoncellement de vies. On y trouve une belle représentation de la société, riche en tout cas. Quant à l’idée de filmer le quotidien d’une unité pédiatrique, elle est venue de mon attraction pour le monde de l’enfance. Mais je ne savais pas grand-chose de ce service au départ, sinon qu’il m’évoquait un monde complexe, où s’emboîtaient plusieurs couches. J’ai donc commencé par m’informer auprès de mon pédiatre, qui est à la retraite aujourd’hui, et c’est lui qui m’a orientée vers l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, un hôpital public très social, et connu pour ça en Belgique.

Pourquoi le titre de votre film, L’Intérêt d’Adam, replace l’enfant au centre ?

Ça a toujours été mon titre, dès le départ. Bien sûr, le film montre que chacun a un point de vue sur l’intérêt de l’enfant. Que chacun, au fond, prend ce prétexte pour défendre quelque chose et pour parler de lui, qu’il soit médecin, déléguée ou juge. Mais si j’ai choisi le prénom d’Adam, c’est parce qu’il est celui du premier homme dans l’Ancien Testament. Non pas que je sois spécialement attachée à la religion, mais je me suis souvenue d’une remarque que m’avait faite un jour le cinéaste Laszlo Nemes (Le Fils de Saul). Il m’avait dit que toutes les histoires, dans un certain sens, partaient de la Bible et cela m’avait marquée. En l’occurrence, l’intérêt d’Adam, pour moi, c’est l’intérêt humain. C’est cela que je veux remettre au centre.

Parlons, précisément, du personnage d’Adam, l’un des trois protagonistes de votre récit, et le plus petit. Bien sûr il n’a que 4 ans, mais on remarque qu’il s’exprime peu même s’il apparaît dans de nombreuses scènes…

Oui, mais c’est parce qu’il est pris dans un conflit de loyauté terrible vis-à-vis de sa mère. Et aussi parce que sa parole est minorée. En fait, durant toute la première partie du film, Adam veut juste conforter sa mère dans ses choix, jusqu’à sa chute, lorsqu’elle tente de s’enfuir avec lui. Il sent alors qu’il peut être en danger avec elle. D’ailleurs, peu après, il parvient enfin à formuler son tiraillement et son désarroi : il veut rester avec elle mais il ne veut pas mourir. C’est d’ailleurs ce qui permet à Rebecca de lâcher : seul Adam pouvait déclencher cette prise de conscience chez elle.

Que vouliez-vous raconter à travers Rebecca, cette figure de jeune mère isolée, assez perdue au fond ? C’est un personnage très fort, à la fois inquiétant et vulnérable…

D’abord, et c’est important, je n’avais pas du tout envie de poser un diagnostic sur elle. Pour moi c’est une femme en détresse. Il faut prendre sa volonté de contrôle, ici sur la nourriture d’Adam, comme une façon de se rassurer car elle est en situation de grande fragilité. Elle a perdu confiance en elle, d’abord en sa capacité de mère et puis vis-à-vis des soignants. Mais en même temps, elle ne peut pas admettre qu’elle n’y arrive pas. Je vois bien autour de moi à quel point les mères peuvent subir des injonctions et être très rapidement jugées. Peut-être que son attitude est aussi une façon de demander de l’aide ? Quant à l’âge de Rebecca, elle est dans la vingtaine : c’était l’occasion de parler de la jeunesse un peu perdue d’aujourd’hui.

Cet aspect immersif n’a pas dû vous simplifier la vie, non plus, au moment du tournage et du montage…

C’est vrai que L’Intérêt d’Adam a été filmé quasiment tout le temps en plans-séquence. Autant dire que cela a été très dur, aussi bien au niveau de la chorégraphie des mouvements que du jeu des acteurs. A ce sujet, je dois tirer un coup de chapeau à mon directeur photo, Frédéric Noirhomme, avec lequel j'avais déjà travaillé sur Un monde : il a fait un travail extraordinaire. Notre méthode était de chercher et de répéter le matin et de tourner l'après-midi. Et j’ai bien dû faire 40 prises pour chaque scène ! Mais je dois reconnaitre qu’un truc se passait dans l’épuisement. Il me semblait devoir aller jusque-là pour que quelque chose d'inattendu apparaisse… Après, ça nous a un peu compliqué la vie au niveau du montage. D’ailleurs, on a dû retourner quelques scènes, sur une journée. Je l’avais déjà fait avec Un monde et cela me convient bien car il n’y a qu’au niveau du montage que l’on sent ce qui manque. Cela étant, j’ai eu la chance de travailler avec le même monteur sur mes deux films, Nicolas Rumpl. On ressent les mêmes choses. Pour l’un comme pour l’autre, le rythme est important, c’est même le souffle du film. 

Film dramatique franco-belge réalisé par Laura Wandel - 64 semaine de la critique - Cannes 2025. 3,5 étoiles AlloCiné.

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