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Le devoir de vigilance bancaire et fraude au président


La "fraude au président" est une escroquerie sophistiquée où des fraudeurs usurpent l'identité d'un haut dirigeant pour ordonner à un collaborateur un virement urgent et confidentiel, généralement vers un compte à l'étranger.

Jusqu'à présent, en cas de succès de la fraude, la responsabilité de la banque était difficile à engager. Le principal obstacle était que l'ordre de paiement était souvent considéré comme "autorisé" au sens juridique, car validé par un employé de l'entreprise (même s'il était victime d'une manipulation psychologique, ou "ingénierie sociale"). La banque se retranchait alors derrière l'idée qu'elle n'avait pas à s'immiscer dans la gestion de ses clients.

L'évolution jurisprudentielle : la banque tenue à une vigilance humaine

Un récent arrêt de la Cour de cassation (Chambre commerciale, 2 octobre 2024, pourvoi n° 23-13.282) vient modifier cet équilibre en renforçant significativement le devoir de vigilance des établissements de crédit.

La décision majeure est la suivante :

La Cour rappelle que l'obligation de vigilance de la banque n'est pas seulement technique, elle est aussi contractuelle. Par conséquent, la responsabilité de la banque peut être engagée même pour une opération "autorisée" si elle a manqué à son devoir de vigilance en présence d'une anomalie apparente.

L'anomalie apparente se définit par des signaux évidents que la banque se doit de détecter, tels que :

- Le caractère inhabituel du montant de l'opération par rapport aux pratiques antérieures de l'entreprise.

- Une fréquence ou un contexte de transaction anormale.

- Un bénéficiaire ou une destination des fonds (pays) étrangers aux partenaires habituels de la société.

L'exigence de vérification directe

Face à de telles anomalies, la Cour impose à la banque l'obligation de procéder à une vérification par contact direct auprès du dirigeant ou du responsable habilité. Ce contact doit être effectué hors du canal utilisé par le fraudeur pour l'ordre (c'est-à-dire, typiquement, par un appel sur une ligne dédiée plutôt que par email).

Le défaut d'une telle diligence humaine et proactive est désormais susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement bancaire.

Conséquences pratiques et recommandations pour les dirigeants

Cette jurisprudence est une avancée, mais votre rôle dans la sécurisation des flux de trésorerie reste primordial.

- Révision des Procédures de Contrôle Interne : Formalisez une procédure exigeant une double validation hiérarchique pour tout ordre de virement d'un montant significatif ou non récurrent. Cette validation doit être confirmée par un canal de communication indépendant de l'ordre initial.

- Sensibilisation du personnel : renforcez la formation de vos équipes comptables et financières sur les techniques d'ingénierie sociale. La règle d'or est la contre-vérification systématique (appel sur numéro habituel) de toute demande "urgente et confidentielle" émanant prétendument de la direction.

- Formalisation du protocole bancaire : contactez votre banque pour définir et officialiser les seuils et critères d'alerte propres à votre activité, ainsi que les coordonnées de contact privilégiées (lignes directes) que votre conseiller doit impérativement utiliser en cas de doute sur un virement.

- En mettant en place ces mesures, vous construisez une défense en profondeur face au risque de fraude.

Source : Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 octobre 2024, n° 23-13.282. Photo : Photolia.

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