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Contrat de travail : La Cour de cassation rappelle la règle d'or de la clause d'exclusivité.


Un détail dans un contrat de travail peut-il paralyser l'agilité de l'entreprise et générer des risques inattendus ? La Cour de cassation a récemment rendu une décision essentielle pour la gestion des risques liés à la mobilité et aux litiges prud'homaux.

L'arrêt n° 23-21.593 du 22 octobre 2025 rappelle  aux dirigeants et aux services RH la règle juridique fondamentale concernant la non-contractualisation du lieu de travail. Cet arrêt met en lumière l'erreur d'interprétation fréquente commise par les juges du fond et rappelle l'impératif d'une clause d'exclusivité claire et précise pour déroger à cette règle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2023), statuant en matière de référé, Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de service le 24 novembre 2005 par la société A, entreprise exerçant une activité de nettoyage industriel.

2. Le 1er janvier 2022, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, le contrat de travail a été transféré à la société B, aux droits de laquelle est venue la société C.

3. Par un avenant du 2 janvier 2022, les parties sont convenues d'une modification de la durée hebdomadaire de travail, le lieu de travail demeurant situé à résidence [5] à [Localité 4].

4. La salariée ayant refusé les avenants ultérieurs l'affectant sur d'autres sites, l'employeur a cessé de lui verser son salaire.

5. La salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le lieu de travail de la salariée était toujours celui contractuellement prévu à la résidence [5] à [Localité 4] et d'ordonner à l'employeur de payer à la salariée certaines sommes provisionnelles à titre de rappel de salaire de mars à octobre 2022 ainsi que de lui transmettre les bulletins de salaires conformes à la décision, alors « que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, de sorte qu'en l'absence d'une telle clause, la mutation du salarié au sein du même secteur géographique ne constitue qu'une modification de ses conditions de travail pouvant lui être imposée par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'en l'espèce, pour retenir que le lieu de travail de la salariée était toujours celui contractuellement prévu à la résidence [5] à [Localité 4], la cour d'appel a relevé que l'avenant régularisé entre les parties renseignait comme lieu de travail "[Localité 4] [Adresse 3]" ; qu'en se déterminant de la sorte alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avenant ne stipulait pas que la salariée exercerait ses fonctions exclusivement dans le lieu qu'il mentionnait, en sorte que la mutation de la salariée au sein du même secteur géographique constituait une simple modification de ses conditions de travail pouvant lui être imposée par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et R. 1455-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est irrecevable en ce que, d'une part, le moyen critique exclusivement un motif de l'arrêt, d'autre part, l'employeur est sans intérêt à en obtenir la cassation.

8. Cependant, le moyen critique également les chefs du dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur à un rappel provisionnel de salaire ainsi qu'à la remise des bulletins de salaire afférents, dont il a un intérêt à obtenir la cassation.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

10. En application de ce texte, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.

11. Pour dire que le lieu de travail de la salariée est celui contractuellement prévu et condamner l'employeur à payer à la salariée un rappel provisionnel de salaire et à lui remettre les bulletins de salaire afférents, l'arrêt constate que le lieu de travail renseigné par l'avenant au contrat de travail signé par les parties est [Localité 4] habitat-résidence [5] à [Localité 4].

12. Il retient que le lieu de travail est contractualisé.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que l'avenant au contrat de travail stipulait que la salariée exerçait ses fonctions exclusivement dans le lieu qu'il mentionnait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Source : Cour de cassation. Photo : Photolia

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