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À bicyclette !


De l’Atlantique à la mer Noire, Mathias embarque son meilleur ami Philippe dans un road trip à bicyclette. Ensemble ils vont refaire le voyage que Youri, son fils, avait entrepris avant de disparaître tragiquement. Une épopée qu’ils traverseront avec tendresse, humour et émotion.

ENTRETIEN AVEC MATHIAS MLEKUZ

Dans le préambule, vous dites que l’idée de ce voyage à vélo sur les traces de votre fils vous est venue très vite. Comment l’idée du film est-elle venue ? Est-elle née en même temps que votre envie de voyage ?

Mon fils Youri a fait un voyage à vélo en 2018, en partant de La Rochelle jusqu’en Turquie, il a adoré ce voyage et en a même fait un livre. Au moment de son décès en septembre 2022, j’ai eu envie de refaire ce voyage à vélo avec mon ami Philippe Rebbot. Je lui ai proposé cette idée un peu folle et c’est lui qui m’a dit : mais tant qu’à faire ce trajet, autant en faire un film ! J’en ai parlé ensuite à Marc-Etienne Schwartz, le producteur de mon premier film, qui m’a suggéré de ne pas chercher à écrire un scénario mais de partir en improvisation, ce qu’on a fait. 

Le film se déploie donc en une vaste improvisation... A commencer par les conversations avec Philippe...

Oui effectivement. Il n’a jamais été question d’écriture avec Philippe. Nous ne savions pas précisément de quoi nous allions parler. La seule chose que je savais, c’est que l’idée de comédie de ce film pouvait exister par cette seule trame : deux hommes et un chien traversent l’Europe à vélo. L’un est un père endeuillé, l’autre est son ami et cette amitié va être mise à l’épreuve parce voyage. Je n’avais pas du tout imaginé le film tel qu’il est, je n’avais rien prémédité du résultat final. Cette partie est effectivement purement improvisée.

Pourriez-vous dire que ce film est une manière de redonner vie à votre fils ?

Pendant très longtemps j’ai attendu que mon fils ressuscite. Je pensais que si je faisais tout bien, il reviendrait, il m’apparaîtrait. Et c’était déchirant de voir que les lieux s’accumulaient et qu’il n’était toujours pas là. J’étais dans les endroits où il avait joué, où il était passé, et je ne le voyais pas. C’était à la fois joyeux et triste. Alors, bien sûr que le chercher, c’était déjà une façon de lui donner vie. Mais chercher où ? La question c’était ça : où trouver mon fils ? D’où cette première phrase que je prononce à l’église : si je dois le retrouver, ce sera dans la mort plus que dans la vie. Le film prouve le contraire. Depuis son départ, ma vie a obligatoirement changé mais j’ai appris à ouvrir mon cœur, ma façon d’être avec les autres aussi a changé, je suis beaucoup plus dans la vie, dans l’instant présent.

À Bicyclette ! est votre deuxième long métrage en tant que réalisateur, est-ce que vous avez d’autres désirs de réalisation et ce film a-t-il modifié votre regard de cinéaste ?

J’ai d’autres projets, oui, notamment un scenario que j’avais entamé il y a plusieurs années. En effet, À Bicyclette ! a changé mon regard de cinéaste. Je me suis aperçu qu’un tel film était impossible à écrire. Il fallait le vivre. Ne serait-ce que la scène où je reste coincé dans la douche est typiquement une séquence qu’on ne peut pas écrire à l’avance. On a besoin du jeu, on a besoin de la situation réelle pour la faire exister. J’ai découvert et compris que l’improvisation était fondamentale. Donc, mon troisième film, je vais l’écrire, mais je garderai de larges plages d’improvisation. Je me suis aperçu aussi que je pouvais être devant la caméra et orienter la scène. Je me suis même rendu compte qu’on pouvait mieux diriger de l’intérieur alors que pour mon premier film, je ne jouais pas dedans pour me consacrer uniquement à la mise en scène.

Comédie dramatique de Mathias Mlekuz. Propos recueillis par Audrey Le Pennec et Leslie Ricci. 4,6 étoiles AlloCiné.

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