Sur un coup de tête, Mathyas troque sa vie de publicitaire à Montréal pour celle de berger en Provence. Il espérait trouver la quiétude, il découvre un métier éreintant et des éleveurs souvent à bout. Mais quand il rencontre Elise qui elle aussi vient de tout quitter, ils se voient confier un troupeau de 800 moutons et s’engagent dans une transhumance. Ensemble, ils vont traverser les épreuves de la montagne et se façonner une vie nouvelle.
Entretien avec Sophie Deraspe
Ce fut un long processus, interrompu par la pandémie. J’ai rencontré Félix-Antoine Duval en 2019 au Québec. Nous nous sommes revus deux ans plus tard, il a donc auditionné deux fois, et même une troisième fois pour se faire connaître des coproducteurs français. Il l’a gagné, son rôle de Mathyas ! Félix-Antoine apporte une énergie vive et douce, une bonté émane de lui, et il était intéressant qu’elle apparaisse comme une force, et non pas comme de la naïveté. C’étaient de très belles couleurs pour ce personnage investi, qui marie l’audace du changement et la pleine ouverture face à cette vie nouvelle et déroutante. Pour le personnage d’Élise, Solène Rigot est entrée dans le rôle avec beaucoup de naturel. Outre ses qualités de jeu, elle a quelque chose de contemporain qui me plaisait pour le personnage. Elle est aussi très franche et attachante. On la sent tout simplement vraie. Pour les personnages locaux, j’avais envie de rester connectée à la réalité du sud de la France et de travailler avec des acteurs qui en sont issus. C’est ainsi que j’ai rencontré Michel Benizri. Le personnage d’Ahmed était difficile à défendre, or il y a dans le regard de Michel une lueur juvénile qui fait naître mille nuances formidables dans son jeu. J’étais heureuse de rencontrer Guilaine Londez. Son énergie fait un bien fou lorsqu’elle vient irradier l’écran de sa présence. Bruno Raffaelli déploie une aura considérable. Alors que David Ayala, Younès Boucif et Aloïse Sauvage apportent une touche de désinvolture attrayante. J’ai aussi proposé des rôles à de vrais bergers et éleveurs rencontrés au cours des diverses immersions et repérages. Ainsi Lionel Escoffier et Julien Valet se sont-ils joints la distribution, en plus de plusieurs autres qui font une apparition. La posture des corps au travail, des mains et des peaux qui ont bravé bien des saisons, expriment une manière d’être naturel au cœur des éléments. Tous ces acteurs du milieu du pastoralisme nous ont non seulement beaucoup aidés à faire advenir ce film, avec leurs troupeaux, mais ils ont aussi contribué à amener la vérité à l’écran. Je suis encore touchée par leur confiance et leur audace à accepter de se lancer dans ce projet.
Alors que nous marchions en transhumance avec trois mille brebis, des chèvres et des chiens, une des assistantes à la mise en scène qui se trouvait à la queue de cet immense troupeau nous a avertis au talkie-walkie qu’une brebis allait mettre bas. Le directeur photo, le preneur de son, Félix-Antoine Duval et moi sommes partis en toute hâte filmer la scène de la naissance que vous voyez dans le film. La brebis a quitté son petit pour rejoindre le troupeau par instinct de survie et nous a donc laissés avec cet être vulnérable qui peinait à prendre son premier souffle. L’émotion de Félix-Antoine face à cet agneau, c’est son émotion réelle, qu’il a offerte à la caméra.
Pour la prise de son, j’ai travaillé avec Stéphane de Oliveira, qui vient de l’électroacoustique et a une grande sensibilité aux espaces. Il a su capter l’immense richesse de sonorités qu’offraient les différents lieux et la faune qui les occupe. Ses enregistrements se sont retrouvés entre les mains d’un précieux collaborateur à la conception sonore, Olivier Calvert. Son travail participe grandement à créer la sensation d’immersion que je cherchais. En troisième lieu, les montagnes et les troupeaux appelaient pour moi une musique ample. J’ai opté pour une orchestration à la hauteur de l’arc alpin, si je puis dire – avec quarante-et-un instrumentistes à l’œuvre, sous la gouverne de Philippe Brault, qui nous a offert des compositions originales. Inspirées de la musique classique des siècles précédents, ses compositions font aussi advenir la contemporanéité, dans un dialogue entre passé, présent, romantisme et décalage postmoderne. Nous avons même osé des valses. Elles étaient déjà inscrites au scénario et se sont avérées des plus réjouissantes lorsque mises à l’œuvre en contrepoint à l’âpreté du métier de berger.
Comédie dramatique de Sophie Deraspe. Propos recueillis par Anne-Claire Cieutat. 3,9 étoiles AlloCiné.