Dans un dialogue amical et passionné, le docteur Augustin Masset et l’écrivain Fabrice Toussaint se confrontent pour l’un à la fin de vie de ses patients et pour l’autre à sa propre fatalité. Emportés par un tourbillon de visites et de rencontres, tous deux démarrent un voyage sensible entre rires et larmes : une aventure humaine au cœur de notre vie à tous.
Vous travaillez toujours énormément pour préparer vos films. Celui-ci diffère-t-il des autres avec la « matière humaine » au premier plan ?
« La Matière humaine » comme vous dîtes, je l’appellerai «l’essence humaine ». Elle est la plus complexe des entités vivantes. Elle a l’âme, la raison, l’entendement et bien d’autres pouvoirs. Elle suscite une infinie complexité et à la fois une grande simplicité face aux problèmes qu’elle doit affronter. Particulièrement la fin de vie. J’ai commencé par revisiter des écrits de philosophes. Vladimir Jankélévitch - j’avais suivi ses conférences dans les années 70. Edgar Morin et son livre L’homme et la mort qui m’a renvoyé à Héraclide d’Ephèse – 500 AVJC - et à sa phrase singulière : «Vivre sa mort et mourir sa vie.» Ils sont nombreux ceux qui ont pensé la fin de vie et ont trouvé des pensées philosophiques qui semblent vouloir rivaliser avec l’originalité d’Héraclide qui, de son côté établit, bâtit même :
« La vie n’est vraiment la vie qu’en étant autre chose que la vie… Exaltante et risquée. Le vivant se trouve ainsi à l’origine de la culture et devient source même de la créativité humaine ».
Vouloir partir debout, c’est-à-dire avec dignité, c’est le sujet du film. Les soins palliatifs, chez soi ou à l’hôpital, peuvent jouer ce rôle d’aider à cette dignité. Les personnages du DERNIER SOUFFLE sont des hommes et des femmes qui ont existé. Je les ai aimés, souvent admirés, et cinémato-contés avec passion.
Quand il y a débat il y a politique. Quand il y a humain et fin de vie il y a encore plus de politique. Le débat était évité ou figé par des forces, des certitudes personnelles, des groupes et des dogmes de toutes sortes, centenaires ou contemporains. La personne en fin de vie soumise aux vérités qui sont souvent loin des siennes, cela semble ne plus être acceptable. La création des unités de soins palliatifs – à l’hôpital ou chez soi – me paraît être une bonne solution. Mais leur nombre est misérable. La responsabilité du pouvoir, face à la fin de vie, est colossale. Le politique aura beaucoup à débattre, à décider, et à imaginer. Avec aussi une pensée poétique, et entièrement au service du bien mourant.
Drame de Costa-Gavras. Propos recueillis par Alexis Delage Toriel. 3,1 étoiles AlloCiné.