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Vigilance bancaire : une responsabilité limitée face aux virements frauduleux


Les fraudes aux faux ordres de virement continuent de toucher de nombreuses entreprises, parfois avec des conséquences financières lourdes. Une récente décision rappelle toutefois que la responsabilité de la banque ne peut être engagée que si une anomalie apparente était détectable. Un rappel utile : la première ligne de défense reste l’organisation interne de l’entreprise.

Faits et procédure

Selon l'arrêt attaqué (Cour d'appel de Paris, 8 novembre 2023), entre le 14 et le 17 mai 2019, la comptable de la société A (la société), trompée par de faux courriers électroniques au nom du dirigeant de celle-ci, a adressé à la société Banque B (la banque) quatre ordres de virement au profit d'une société étrangère sur un compte ouvert dans une banque hongroise.

Reprochant à la banque d'avoir manqué à son obligation de vigilance dans l'exécution de ces ordres de virement, la société l'a assignée en réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors : « 1°/ que le banquier est tenu d'un devoir de vigilance, en vertu duquel il est tenu de déceler les opérations de son client présentant des anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société Banque B n'a pas commis de manquement à son devoir de vigilance, la cour d'appel retient que le montant des opérations litigieuses restait dans la « limite des plafonds quotidiens convenus » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir que ces opérations ne présentaient pas un caractère anormal, les opérations pour un montant supérieur à ces plafonds étant par hypothèse automatiquement rejetées par la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; 2°/ que le banquier est tenu d'un devoir de vigilance, en vertu duquel il est tenu de déceler les opérations de son client présentant des anomalies apparentes ; que le devoir de vigilance du banquier ne dépend pas de la situation de fortune de son client ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société Banque B n'a pas commis de manquement à son devoir de vigilance, la cour d'appel retient que les opérations litigieuses « demeuraient largement couverts par le solde créditeur » ; qu'en statuant ainsi, par un motif tiré du solde du compte, impropre à établir que ces opérations ne présentaient pas un caractère anormal, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; 3°/ que le banquier est tenu d'un devoir de vigilance, en vertu duquel il est tenu de déceler les opérations de son client présentant des anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société Banque B n'a pas commis de manquement à son devoir de vigilance, la cour d'appel retient que les opérations litigieuses ont été faites « vers un compte détenu dans les livres d’une banque dûment agréée dans un pays membre de l’Union européenne, qui n’attirait pas spécialement l’attention en terme de sécurité » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les virements faits à l'étranger pour un montant de 384 625,41 euros (entre 90 000 euros et 98 000 euros environ, chaque jour, entre le 14 mai et le 17 mai 2019) ne présentaient pas le caractère d'anomalies apparentes, quand le montant maximal des virements opérés à l'étranger par la société A depuis trois ans était de seulement 9 292,60 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »

Réponse de la Cour 

Après avoir constaté que le montant des virements restait dans la limite des plafonds quotidiens convenus et demeurait couvert par le solde créditeur du compte, et que la destination des virements était un compte détenu dans les livres d'une banque agréée dans un pays membre de l'Union européenne qui n'attirait pas spécialement l'attention en termes de sécurité, l'arrêt retient que les opérations ne présentaient pas d'anomalies devant alerter la banque.

De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que la banque n'avait pas manqué à son devoir de vigilance.

Le moyen n'est pas fondé.

Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE, en matière de responsabilité des prestataires de services de paiement à l'occasion d'opérations de paiement autorisées, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suggérées par la banque.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société A aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société A et la condamne à payer à la société Banque B la somme de 3 000 euros.

Photo :  katrin bolovtsova - Pexels.

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