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L’Été de Jahia


À 15 ans, Jahia a fui le Sahel en guerre en compagnie de sa mère. Tendue et déterminée, elle gère leur quotidien avec le sérieux d’un adulte. De son côté, Mila a quitté la Biélorussie, avec sa famille. Curieuse, insatiable, elle vit chaque jour comme une échappée belle. Cet été-là, pardelà les différences, leurs solitudes se croisent. Entre elles naît une amitié rare, intense, comme une évidence dans un monde incertain. Mais le jour où Mila reçoit une obligation de quitter le territoire, ce qui semblait inébranlable menace soudain de voler en éclats...

Entretien avec le réalisateur Olivier Meys

Le film semble profondément ancré dans le réel. Quel a été le point de départ de cette démarche, et comment le passage au récit fictionnel s’est-il opéré ?

Le scénario du film est le fruit d’un processus dynamique entre le terrain et la table d’écriture. Les éléments qui constituent le récit ont été vus et entendus lors de mes immersions dans le quotidien des demandeurs d’asile en centre d’accueil. Venant du documentaire, l’immersion dans le réel est toujours pour moi une étape cruciale. C’est en immersion que je comprends mieux ce que je recherche. Nourris par ces immersions, mon coscénariste, John Shank, et moi nous nous sommes attelés, avec une écriture la plus précise possible, à extraire la fiction du réel.

Ce rapport singulier entre réel et fiction s’est poursuivi dans la fabrication du film et dans mes intentions de réalisation.

Vous avez d’ailleurs pris la décision de tourner essentiellement dans un vrai centre d’accueil.

En effet, le film se déroule en majeure partie dans un centre pour demandeurs d’asile, isolé dans la campagne belge. Je considère ce lieu comme un élément important du film.

Il s’agissait pour moi, d’abord, de rendre compte visuellement de la réalité physique d’un de ces centres : un lieu d’accueil sous tension, impersonnel et coupé du monde extérieur. Il me fallait capter l’atmosphère si particulière de ce lieu, coincé dans un temps suspendu, le temps de l’attente, comme un présent perpétuel sans réelles perspectives. Aussi, pour toutes les séquences de vie quotidienne du centre (le réfectoire, le grand hall, le parc…), nous avons tourné dans un centre en activité, dans lequel nous avons injecté notre fiction. L’attente et le désœuvrement de nos personnages de fiction ont résonné avec ceux des demandeurs d’asile dans un vrai centre.

En complément, les scènes à l’intérieur des logements de Jahia et de Mila, ainsi que le toit (refuge de Jahia), ont été tournées dans des lieux sur lesquels nous avions la totale maîtrise. Des lieux situés à l’intérieur du centre mais que nous avons pu privatiser et accessoiriser pour le tournage, comme de petits « studios ».

J’ai pratiqué ce tournage mixte entre décors naturels et décors de « studio » pour mon film précédent. Cette méthode me permet à la fois de plonger les personnages (et le spectateur) dans le réel, tout en nous donnant l’espace de développer le cheminement fictionnel et intérieur des personnages dans des lieux que nous pouvons intégralement maîtriser.

À côté du centre, les scènes en extérieur, notamment dans la nature, semblent investir un rôle symbolique fort…

Tout à fait. En contraste avec le caractère impersonnel du centre et l’absence de perspective, la nature environnante et la carrière viennent faire irruption comme un espace calme et paisible, à l’écart de la monotonie et du poids de l’attente des papiers. Un petit espace de liberté, luxuriant et vivant, pour Jahia et Mila. Un cocon pour elles.

Drame de Olivier Meys. 3,4 étoiles AlloCiné.

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