L’affaire des frégates de Taïwan débute avec la signature d’un contrat d’armement en août 1991 entre la France (principalement l’entreprise Thomson-CSF, future Thales, et la Direction des constructions navales - DCN) et Taïwan (via la China Shipbuilding Corporation - CSBC). Ce contrat portait sur la vente de six frégates militaires de classe La Fayette destinées à équiper la marine taïwanaise. Le montant global de l'accord s'élevait à 14,7 milliards de francs, et fut porté à 16 milliards par la suite avec des avenants au contrat.
Bien que le contrat interdisait explicitement le recours à des commissions et intermédiaires, 520 millions de dollars ont été versés en commissions occultes. Parmi ces fonds :
- 200 millions sont allés à des dignitaires chinois, dont le Premier ministre Li Peng,
- 20 millions ont été utilisés pour soudoyer des militaires taïwanais,
Une partie de ces sommes est revenue en France sous la forme de rétrocommissions, c’est-à-dire des commissions illégales reversées à des décideurs ou à des réseaux français.
Ces pratiques étaient fréquentes dans le secteur de l’armement à l’époque, et n’étaient pas encore interdites par la loi française, la Convention de l’OCDE contre la corruption n’ayant été signée qu’en 2000.
Une enquête judiciaire a été ouverte en France concernant les rétrocommissions, celles-ci étant illégales en droit français. Cependant, les juges se sont heurtés au secret-défense, invoqué par plusieurs gouvernements, de droite comme de gauche. Cela a considérablement limité les investigations et empêché l’identification ou la mise en cause directe des principaux bénéficiaires en France.
Les paiements effectués par Taïwan entre 1991 et 2000 ont été répartis ainsi :
- 15 % des fonds étaient transférés vers des comptes en Suisse,
- 85 % allaient à Thomson-CSF (1/3) et à DCN/Defence Conseil International (2/3), une entreprise à majorité publique.
Les commissions, bien qu’interdites contractuellement, ont servi à faciliter l’accord auprès des différentes autorités (françaises, chinoises et taïwanaises).
Outre le scandale financier, l’affaire a aussi été marquée par des morts suspectes de personnes liées au dossier, dont les circonstances n’ont jamais été totalement éclaircies. Cela a renforcé les soupçons d’un réseau d’intérêts et de corruption profond.
Des personnalités politiques françaises comme Roland Dumas, Michel Charasse ou Alain Richard ont reconnu l’existence des commissions et rétrocommissions, mais aucune condamnation majeure n’a été prononcée. En 2011, la France a été contrainte de rembourser Taïwan pour les sommes versées en commissions, bien que celles-ci aient été contraires aux termes du contrat.
Taïwan, officiellement République de Chine, est une île située au sud-est de la Chine continentale. Depuis la révolution communiste de 1949, elle revendique toujours la légitimité sur l’ensemble de la Chine, tout comme la République populaire de Chine. Dans ce contexte de tension diplomatique, Taïwan cherchait dans les années 1980-1990 à moderniser sa flotte militaire, notamment face aux ambitions chinoises.
La France, consciente des risques diplomatiques, notamment vis-à-vis de Pékin, a d’abord refusé l’accord sous la présidence de François Mitterrand (sur les conseils de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères). Mais face à la pression commerciale et stratégique, elle finit par donner son feu vert en 1991 via Édith Cresson, Première ministre à l’époque.
L’affaire des frégates de Taïwan illustre une triple problématique :
- La corruption endémique dans les ventes d’armes internationales.
- Le poids du secret-défense qui protège des intérêts politiques et économiques.
- Le manque de transparence et d’impunité autour des circuits de rétrocommissions, malgré des preuves et des aveux indirects.
Elle reste aujourd’hui un exemple emblématique de scandale politico-financier international, où l’opacité des contrats militaires et la complexité des relations diplomatiques ont empêché toute réelle justice.
Photo : Gabriel Peter - Pexels. Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici.
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