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Licenciement d'un salarié protégé : erreur du syndicat


Suite à l'annulation par le Ministre du travail d'un licenciement approuvé par l'inspecteur du travail, un syndicat demande la réintégration dans l'entreprise du salarié protégé licencié. La Cour de cassation confirme que le syndicat n'ayant pas joint de mandat du salarié, sa demande n'était pas fondée...

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2021), M. [Y] a été engagé en qualité d’agent de service le 16 juillet 2009 par la société Véolia. Son contrat de travail a été transféré à la société Europe propreté partenaire service industriel le 1er mai 2010, en application de l’annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté.

2. Il a été élu membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 15 septembre 2011 et réélu le 31 octobre 2013.

3. Le 24 août 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 septembre et mis à pied à titre conservatoire. Un comité d’établissement extraordinaire a été convoqué le 18 septembre 2015. Le 24 septembre suivant, l’employeur a saisi l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licencier, qui lui a été accordée le 17 novembre. Le salarié a été licencié pour faute grave le 20 novembre 2015. Il a formé un recours hiérarchique contre l’autorisation de licenciement. Cette décision a été annulée par le ministre du travail le 27 juin 2016.

4. Le 21 juillet 2016, le syndicat CGT (le syndicat) a adressé à l’employeur un courrier sollicitant la réintégration du salarié. L’employeur en a accusé réception sans y donner de suite.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 27 septembre 2016 afin de solliciter sa réintégration ainsi que le paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral.

Examen des moyens

[...]

Sur le premier moyen. Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de réintégration et de ses demandes subséquentes, alors :

« 1°/ que vaut demande de réintégration émanant du salarié celle faite à l'employeur par un syndicat au profit d'un de ses représentants, dès lors que le syndicat justifie, sur contestation de l'employeur, avoir bien été mandaté par le salarié ; qu'il importe peu que le mandat ne ressorte pas de la demande de réintégration elle-même, ni qu'il n'y ait pas été joint ; qu'en l'espèce, par courrier du 21 juillet 2016, le syndicat CGT avait demandé à la société EPPSI de réintégrer un de ses représentants, M. [Y], après que la décision de licenciement le concernant avait été annulée le 27 juin 2016 par le ministre du travail ; que pour établir avoir donné au syndicat un mandat en ce sens, M. [Y] produisait un ''pouvoir'' daté du 15 juillet 2016 donné à la CGT ''pour solliciter ma réintégration'' au sein de la société EPPSI, ainsi qu'une attestation du secrétaire général du syndicat CGT affirmant que le syndicat avait été contacté durant l'année 2016 par M. [Y] qui connaissait depuis plusieurs mois des difficultés avec son employeur, que M. [Y] avait informé le syndicat de la décision du ministre du travail du 27 juin 2016 annulant l'autorisation de son licenciement, et que de ce fait, le syndicat ''mandaté par monsieur [Y]'' avait écrit à son employeur et sollicité sa réintégration et la régularisation de ses salaires par courrier du 21 juillet 2016 ; qu'en retenant, pour dire que l'employeur n'avait pas à en tenir compte, que la demande de réintégration ne faisait pas en elle-même apparaître un pouvoir de représentation au profit du syndicat, ni ne contenait aucun mandat donné par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 2422-1 du code du travail, et 1984 du code civil ;

2°/ que la preuve du mandat donné par un salarié à un syndicat pour solliciter sa réintégration après annulation de l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail peut être rapportée par tous moyens ; qu'il appartient en conséquence au juge d'examiner l'ensemble des éléments produits en vue d'établir l'existence du mandat ; que pour établir avoir donné au syndicat un mandat de solliciter sa réintégration au sein de l'entreprise EPPSI après annulation de l'autorisation de le licencier délivrée par l'inspection du travail, M. [Y] produisait un ''pouvoir'' daté du 15 juillet 2016 donné à la CGT « pour solliciter ma réintégration » au sein de la société EPPSI, ainsi qu'une attestation du secrétaire général du syndicat CGT affirmant que le syndicat avait été contacté durant l'année 2016 par M. [Y] qui connaissait depuis plusieurs mois des difficultés avec son employeur, que M. [Y] avait informé le syndicat de la décision du ministère du travail du 27 juin 2016 annulant l'autorisation de son licenciement, et que de ce fait, le syndicat ''mandaté par monsieur [Y]'' avait écrit à son employeur et sollicité sa réintégration et la régularisation de ses salaires par courrier du 21 juillet 2016 ; qu'en retenant, pour dire que l'employeur n'avait pas à en tenir compte, que la demande de réintégration ne contenait ni ne visait aucun mandat d'une part, que le pouvoir daté du 15 juillet 2016 n'avait pas date certaine d'autre part, sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, l'attestation du secrétaire général du syndicat et, partant, sans rechercher si elle n'était pas de nature à corroborer le pouvoir versé aux débats, la cour d'appel a violé les articles 1358 et 1984 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure. »

Réponse de la Cour

8. Ayant constaté, d'une part, que le courrier par lequel le syndicat demandait la réintégration du salarié, rédigé à la première personne du pluriel, mentionnait la volonté de l'accompagner et relevé, d'autre part, qu'aucun mandat n'était joint à ce courrier, peu important qu'un mandat n'ayant pas date certaine ait été produit en cours de procédure, lors de la seconde communication de pièces, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a constaté qu'aucune demande de réintégration n'avait été valablement formée dans les délais légaux.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

[...]

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre.

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