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La signature scannée n'est pas une preuve suffisante du consentement


Dans une récente affaire, la Cour de cassation juge que la signature scannée ne permet pas d’identifier l’auteur de cette signature, ni de prouver son consentement aux obligations découlant de l'acte.

 


Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre social du 13 mars 2024.

Pourvoi n°: 22-16.487.

[..]

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 8 mars 2022), le capital de la société DSE Inmobiliara Premium SL (la société DSE) est détenu par MM. [W], [E] et [P].

2. Le 15 mai 2018, M. [P] a obtenu, pour le compte de la société SJS immo (la société SJS) dont il est également associé, un financement participatif auprès de la société Horizon MIF immo (la société Horizon).

3. Le 25 octobre 2018, la société SJS immo a informé la société Horizon qu’elle était dans l’incapacité de rembourser le prêt.

4. Soutenant qu’elle bénéficiait d’une promesse unilatérale de vente, également datée du 15 mai 2018, de la totalité des parts sociales détenues par les trois associés de la société DSE en cas de défaillance de la société SJS dans le remboursement du prêt, la société Horizon a assigné MM. [W] et [E] en exécution de cette promesse.

Enoncé du moyen : Examen du moyen

5. La société Horizon fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées contre MM. [W] et [E], alors :

« 1°/ qu’entre commerçants, la preuve peut se rapporter par tous moyens ; que pour rejeter la demande d’exécution de la promesse unilatérale de cession du 15 mai 2018, la cour d’appel a retenu, par application des règles relatives à la preuve par écrit, que l’acte était revêtu de signatures scannées, dont les auteurs ne pouvaient être identifiés avec certitude ; que la cour d’appel a ce faisant méconnu la liberté de la preuve commerciale, qui autorise une preuve autre que littérale, en violation de L. 110-3 du code de commerce ;

2°/ que la signature scannée est valable et engage son auteur ; qu’il appartient à celui qui désavoue sa signature d’établir qu’il n’en est pas l’auteur ; qu’il incombait à MM. [N] [W] et [L] [E], qui prétendaient ne pas être les auteurs des signatures qui leur étaient attribuées, d’établir qu’ils n’en étaient pas les auteurs ; qu’en retenant, pour débouter la société Horizon de sa demande, que les auteurs des signatures n’étaient pas identifiés, la cour d’appel, qui a fait peser le risque de la preuve sur la société Horizon, a renversé la charge de preuve et a méconnu l’article 1353 du code civil ;

3°/ que la signature scannée est valable et engage son auteur ; qu’en ne recherchant pas s’il ne résultait pas de la signature scannée apposée sur la promesse de cession un commencement de preuve par écrit, pouvant être complété par tout élément et notamment par le fait que MM. [N] [W] et [L] [E] s’étaient abstenus de toute protestation lorsqu’ils avaient reçu, en mai 2018, la copie de l’acte et avaient au contraire transmis la copie de leur pièce d’identité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1362 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions de la société Horizon que celle-ci ait soutenu que la preuve de la promesse litigieuse devait être appréciée au regard des règles énoncées à l’article L. 110-3 du code de commerce.

7. En second lieu, après avoir énoncé que l’article 1367, alinéa 1, du code civil, dispose que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur et qu’elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte, l’arrêt retient, à bon droit, que le procédé consistant à scanner des signatures, s’il est valable, ne peut être assimilé à celui utilisé pour la signature électronique qui bénéficie d’une présomption de fiabilité par application de l’article 1367, alinéa 2, du code civil. Il retient qu’il ne peut être déduit des courriels des 8 et 10 mars 2018 puis des 3 et 4 avril 2018 et des contrats joints que le recours à une signature scannée aurait déjà été utilisé antérieurement à la promesse litigieuse par MM. [E] et [W], les cinq signatures de M. [E] figurant sur chacune des cinq pages du contrat d’arrhes du 8 mars 2018 n’étant pas identiques, de sorte qu’il ne peut pas s’agir d’un scan et en étant de même de ses signatures figurant sur le contrat d’arrhes du 27 mars 2018, qu’il ne peut être tiré argument de l’utilisation non contestée de signatures scannées sur le contrat du 30 mai 2018, qui est postérieur à la promesse litigieuse pour démontrer l’existence d’une pratique habituelle antérieure, étant observé que les signatures de M. [W] y figurant ne sont pas identiques à celle de la promesse de cession de parts sociales, que l’envoi par la société Horizon à la société SJS, le 16 mai 2018, du contrat de prêt participatif, de la promesse unilatérale de cession des parts et du procès-verbal de l’assemblée générale de la société DSE, le transfert de ce courriel, le même jour à M. [E], le transfert par courriel du 11 mai 2018 à M. [W] d’une copie du contrat de prêt, et l’envoi le 16 mai 2018 d’une copie des pièces d’identité de MM. [W] et [E] à la société SJS sont insuffisants à rapporter la preuve que ces derniers auraient personnellement consenti à l’apposition de leur signature scannée sur l’acte de cession ou donné des instructions en ce sens, et qu’il ne peut être tiré aucun argument du procès-verbal de l’assemblée générale de la société DSE du 15 mai 2018 dont la société Horizon elle-même reconnaît que MM. [E] et [W] n’y étaient pas physiquement présents et qui ne rapporte pas plus la preuve de leur accord pour que leurs signatures scannées soient apposées sur ce document. L’arrêt en déduit que la preuve n’est pas rapportée que MM. [E] et [W] ont donné leur consentement à la cession de leurs parts sociales dans le capital de la société DSE en cas de défaillance de la société SJS dans le remboursement du prêt.

8. De ces constatations et appréciations souveraines, rendant inopérant le grief invoqué par la troisième branche, la cour d’appel a, à bon droit, déduit que la société Horizon ne rapportait pas la preuve de la promesse litigieuse.

9. Irrecevable en sa première branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen n’est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Horizon MIF immo aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Horizon MIF immo et la condamne à payer à MM. [E] et [W] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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