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Comme un prince


Souleyman, 27 ans, champion de boxe en pleine préparation des J.O. avec l'Équipe de France, voit son avenir s'écrouler lorsqu'il se fissure les os de la main, suite à une bagarre dans un bar. Souleyman se fait exclure de l'équipe et est envoyé au Château de Chambord, où il doit effectuer ses 400 heures de travaux d'intérêt général (T.I.G.) à ramasser les déchets dans les jardins.


Entretien avec le réalisateur, Ali Marhyar

Comment est née l’histoire de votre premier long-métrage coécrit avec Julien Guetta et pourquoi se déroule-t-elle en partie dans l’univers de la boxe ?

Je suis un très grand fan de boxe et de films sur la boxe. J’ai commencé à pratiquer ce sport à 17 ans et j’ai longtemps rêvé d’être champion olympique. Je n’ai pas pu accomplir ce rêve parce que ma mère préférait me garder à la maison que de me voir partir loin. J’ai également une grande passion pour l’Histoire, notamment pour les châteaux français. J’aime imaginer, ressentir, en les visitant, ce qui a pu s’y dérouler des siècles auparavant. Nous passons, les monuments restent. Ces deux univers, celui de la salle de boxe et celui de Chambord, servent de cadre au film sans que j’en ai vraiment pris conscience. Comme mon personnage, je n’ai pas pu être champion olympique mais je suis devenu acteur. C’est seulement pendant le tournage que je me suis rendu compte de ce que j’avais mis de moi dans ce film.

Que vouliez-vous raconter au fond ?

Je voulais parler de transmission, un thème qui m’est cher. Souleyman transmet son savoir de boxeur à Melissa, jeune fille qui vit en foyer et dont l’avenir est tracé par ses éducateurs. Les personnages qui évoluent au château où il purge sa peine de travail d’intérêt général, transmettent également à Souleyman en lui permettant de s’intéresser à autre chose qu’à la boxe et d’entrevoir d’autres horizons.

Cette histoire, l’avez-vous écrite en pensant dès le départ à Ahmed Sylla pour incarner le personnage principal ?

Non, initialement je voulais la jouer mais absolument pas la réaliser, je pensais que c’était hors de portée. Et puis Julien Guetta m’a poussé en me disant que j’avais une vision si précise du projet sur le ton et sur le rythme, qu’il fallait absolument que je passe derrière la caméra. Je ne pouvais pas faire les deux, jouer et diriger, c’était trop lourd à porter, j’ai choisi de mettre en scène. Et pour le rôle principal, j’ai tout de suite pensé à Ahmed Sylla pour ses qualités comiques, bien sûr, mais aussi pour sa profonde sensibilité. Je ne voyais personne d’autre que lui.

Prince de la boxe, Souleyman devient Roi de France le temps d’un spectacle. Que vouliez-vous montrer à travers ce parallèle ?

Il était tout en haut et il a chuté brutalement. Je voulais dire qu’on peut se relever et que peu importe l’endroit d’où l’on vient on peut accéder à un statut, à une place, qui nous paraissaient pourtant inaccessibles. Ce jeune homme, boxeur, noir, issu de la banlieue peut, en s’intéressant à l’Histoire, en s’en accaparant, incarner un roi de France. Tout est possible, il faut briser les frontières qui empêchent de rêver. Je me suis aussi inspiré de ce qui se passe au Château de Chambord où, pour des ateliers, les portes sont ouvertes aux jeunes issus de tous milieux y compris à ceux qui n’ont pas de papiers. Et puis Souleyman ne devient pas n’importe quel roi mais François 1er, souverain visionnaire qui a fait entrer la culture italienne et moyen-orientale en France et qui a beaucoup œuvré pour l’instruction. J’ai trouvé cette modernité intéressante et quelque peu en résonance avec ce que l’on vit aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué à gérer, les scènes tournées dans la salle de boxe aux Mureaux ou celles au Château de Chambord ?

En tant que réalisateur, les scènes de boxe notamment celles où il y a du public ont été plus compliquées à tourner même si la plupart des figurants en salle ou sur le ring étaient des professionnels. J’y ai mis beaucoup d’exigence, pas question que cela paraisse bidon. J’ai écrit une bonne partie du film à Chambord, un endroit que j’ai fini par connaître par cœur. J’y ai passé beaucoup de temps, j’ai beaucoup observé. J’y ai trouvé de nombreuses idées dont celle du conteur qui existe sur place, j’ai joué les scènes dans tous les décors. Chambord était l’endroit idéal pour l’histoire car le château est bâti au milieu d’une forêt qui fait la superficie de Paris et 5 il fallait isoler le personnage, le bloquer là en immersion, qu’il ne puisse même pas sortir boire un café.

Est-ce qu’il y a une signification particulière au titre ?

Malgré ses maladresses et ses manques, je pense que c’est l’expression qui peut le mieux qualifier l’attitude naturelle de Souleyman. Oui, je trouve qu’il se comporte souvent comme un prince.

Comédie dramatique de Ali Marhyar. Propos reccueilli par Sandra Cornevaux et Lucie Raoult. 3 étoiles Allociné.

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