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Licenciement verbal


La cour de cassation rappelle que le licenciement verbal est sanctionné par la requalification en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur est condamné à verser des dommages et intérêts au salarié. 

 



Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile,  Chambre sociale du 6 Decembre 2023. Pourvoi n° : 22-20.414.

[...]

Faits et procédure 

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 2 juin 2022), M. [R] a été engagé en qualité de chargé de mission par la société anonyme Maaf assurances le 3 janvier 2007. Son contrat de travail a été transféré le 1er juin 2018 à la société d'assurances mutuelle Maaf assurances. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de manager de domaine.

2. Licencié pour faute le 5 octobre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement.

Sur le premier moyen du pourvoi principal : Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement intervenu dans des circonstances vexatoires et à rembourser les indemnités versées par Pôle emploi au titre de l'article L. 1235-4 du code de travail à hauteur de 6 mois d'indemnité de chômage et de le condamner aux dépens et à payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que le licenciement ne peut résulter que d'un acte de l'employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail de façon irrévocable ; que ne constituent dès lors pas un licenciement de fait les communications strictement limitées au cercle restreint des membres du service des ressources humaines évoquant l'établissement du solde de tout compte du salarié, dans le cadre de la procédure de licenciement mise en œuvre à son encontre ; qu'en l'espèce, pour juger que le salarié avait fait l'objet d'un licenciement verbal, la cour d'appel s'est bornée à relever que les termes du mail adressé par M. [E], employé au service de la paie et de la gestion administrative Covéa, à Mme [N], juriste des ressources humaines, en date du 1er octobre 2018, indiquant qu' une mutation rétroactive a été finalisée dans Pléiades et cela a entraîné un calcul de paie sur 4 mois sur la nouvelle société. Nous regardons comment récupérer l'indu car celui-ci est sur l'ancien employeur (sinon nous récupérerons sur le STC)", acronyme dont il n'est pas contesté qu'il signifie solde de tout compte", ne laissaient planer aucun doute quant au fait qu'il connaissait la décision de licenciement du salarié dès le 1er octobre 2018 et que cette décision n'était pas, dans son esprit, une hypothèse mais une certitude, ce en quoi il n'avait pas été démenti par son interlocutrice ; que la cour d'appel a en outre constaté que ce courriel avait également été adressé, en copie, à deux autres salariées du service des ressources humaines, Mmes [V] et [D] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ;

2°/ que seuls sont susceptibles de caractériser un licenciement les actes de l'employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail de façon irrévocable ; qu'il en résulte que la croyance qu'un salarié peut avoir de la décision de l'employeur de licencier un salarié à l'encontre duquel une procédure de licenciement a été engagée ne peut constituer un licenciement de fait ; qu'en relevant, pour dire que le salarié avait fait l'objet d'un licenciement verbal, que les termes du mail de M. [E], en date du 1er octobre 2018, évoquant le possible recouvrement d'un indu sur le STC" (solde de tout compte) du salarié ne laissaient planer aucun doute sur sa connaissance de la décision de le licencier qui était, dans son esprit, non pas un hypothèse mais une certitude sans que son interlocutrice, juriste du service des ressources humaines, ne lui fasse observer que cette décision n'était pas prise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ;

3°/ qu'en toutes hypothèses, les échanges intervenant entre les acteurs impliqués dans la mise en œuvre effective de la décision de licenciement, qui précèdent par définition sa notification, ne peuvent valoir licenciement de fait ; qu'en retenant l'existence d'un licenciement verbal sur la base d'un échange de courriels intervenu entre différents membres du service des ressources humaines chargés de mettre en œuvre concrètement la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail :

4. Il résulte de ce texte que la rupture du contrat de travail, en l'absence de lettre de licenciement, ne peut résulter que d'un acte de l'employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

5. Pour juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté que, dans un courriel du 1er octobre 2018, un employé du service des paies et de la gestion administrative, répondant à la question posée par une juriste du service des ressources humaines relative à l'origine de fonds reçus par le salarié et adressé en copie à deux autres salariés de ce service, avait indiqué « une mutation rétroactive a été finalisée [...] et cela a entraîné un calcul de paie sur 4 mois sur la nouvelle société. Nous regardons comment récupérer l'indu car celui-ci est sur l'ancien employeur (sinon nous récupérerons sur le STC) », retient qu'il n'est pas contesté que l'acronyme STC signifiait « solde de tout compte », qui n'a lieu d'être que lorsque le contrat de travail est rompu.

6. Il ajoute que les termes employés dans ce courriel ne laissent planer aucun doute quant au fait que son rédacteur connaissait la décision de licenciement de l'intéressé dès le 1er octobre 2018 cette décision n'étant pas, dans son esprit, une hypothèse mais une certitude et que son interlocutrice ne lui avait d'ailleurs pas fait observer que la décision de licenciement n'était pas prise.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les propos tenus par un employé du service des paies et de la gestion administrative dans le courriel du 1er octobre 2018, relatifs à une possible répétition de l'indu, n'émanaient pas du titulaire du pouvoir de licencier, ce dont il résultait que l'employeur n'avait pas manifesté la volonté de mettre fin au contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant l'employeur à verser au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraîne la cassation du chef de dispositif le condamnant à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, la cour d'appel ayant retenu le caractère vexatoire de l'attitude de l'employeur au regard des motifs de l'arrêt relatifs au licenciement verbal.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société d'assurances mutuelle Maaf assurances à payer à M. [R] les sommes de 55 000 euros net à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 30 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement intervenu dans des circonstances vexatoires, dit que les dommages-intérêts alloués à M. [R] sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la décision, ordonne la capitalisation des intérêts année par année en application de l'article 1343-2 du code civil, et condamne la société d'assurances mutuelle Maaf assurances aux dépens et à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

Photo : Elesin Aleksandr. Fotolia.

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