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Vingt dieux


Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s’occuper de sa petite sœur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d'or du concours agricole et 30 000 euros.

ENTRETIEN AVEC LOUISE COURVOISIER

Comment le désir de cinéma a-t-il émergé en vous ? Et comment sont nés les personnages de ce premier long-métrage ? 

Mon désir de cinéma est né un peu par hasard. J’ai grandi à Cressia, un petit village du Jura. Un jour, j’ai éprouvé le besoin d’en partir et j’ai pris une option cinéma pour rentrer à l’internat. Petit à petit, j’y ai pris goût, j’ai senti que j’avais des histoires à raconter, et cela a débouché sur des études à La CinéFabrique à Lyon. Pour écrire Vingt Dieux, ses personnages et son histoire, je me suis inspirée des gens qui m’entourent et que j’observe depuis que je suis enfant. Totone et ses amis sont un peu mes « collègues » de village. Ils ont, la plupart du temps, arrêté tôt leurs études pour travailler avec leurs parents dans des exploitations agricoles. Beaucoup connaissent des situations familiales difficiles. J’avais envie de filmer cette jeunesse peu représentée au cinéma, qui part dans l’existence avec moins de chance que beaucoup d’autres, et d’en faire un portrait « de l’intérieur » positif et nuancé. Le tout dans l’univers du comté !

Le mouvement traverse votre film: on y circule beaucoup en voiture, à mobylette ; on croise des vaches, des chevaux au galop ; vos personnages dansent… Ils parlent peu, mais sont très expressifs.

Cette campagne est un monde où l’on bouge beaucoup, parce que tout est vaste. Et mes personnages sont tout sauf statiques. J’ai écrit mon scénario en ayant tous les décors en tête. J’avais besoin de raconter ce paysage, de le filmer à des moments précis de la journée sans tomber dans la contemplation. Je voulais que l’on reste accroché à Totone et son histoire, et ne pas s’égarer vers le film bucolique. Il fallait trouver le juste milieu entre un regard brut, frontal, et une approche poétique, car il ne s’agissait pas non plus d’être totalement âpre. Quant aux corps, j’aime les filmer, car, par leurs gestuelles, leurs démarches, ils disent beaucoup de mes personnages, de ce qui les habite en profondeur. Cela d’autant plus que ces personnages sont plutôt taiseux. Par ailleurs, j’aime ce qui se joue dans les silences, et le décalage entre les paroles et les actes qui opère dans certaines scènes. J’aime aussi que la sensualité surgisse ailleurs que dans les séquences amoureuses, qui, elles, ne sont pas particulièrement sensuelles. Dans les scènes de danse ou de bagarre entre garçons, par exemple, la sensualité jaillit parce qu’ils se connaissent bien.

Pourquoi ce titre ?

Je l’ai choisi le jour où j’ai découvert comment on orthographiait cette expression si répandue dans ma région. Cette référence aux dieux au cœur du monde rural me plaît beaucoup.

Drame de Louise Courvoisier. Propos recueilli par Marie Queysanne. 4 étoiles AlloCiné.

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