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Il pleut dans la maison


Sous un soleil caniculaire, Purdey, dix-sept ans, et son frère Makenzy, quinze ans, sont livrés à eux-mêmes et tentent de se débrouiller seuls.


Entretien avec la réalisatrice, Paloma Sermon-Daï.

Comment présentez-vous IL PLEUT DANS LA MAISON en quelques mots ?

C’est le dernier été de la jeunesse d’un frère et d’une soeur. Deux adolescents que la vie oblige à être adultes avant l’heure, tiraillés entre l’envie de partir et l’espoir d’être toujours ensemble.

D’où est venue cette idée de film ?

Le film s’inscrit pleinement dans la continuité de mon travail autour de la famille, l’adolescence et la maladie mentale. Il poursuit l’exploration d’un territoire géographique et sociologique que je connais bien et que je trouve trop peu représenté au cinéma. Un territoire qui me permet d’aborder frontalement des thématiques psycho-sociales que je connais bien. Je veux montrer au cinéma cette région à travers ses vies, ses destins complexes, fracassés et magnifiques à la fois, et leur rendre une forme d’humanité́ souvent niée. Je voulais parler de ces deux adolescents laissés-pourcompte, d’une réalité wallonne qu’on connaît peu je pense, et j’avais envie de donner beaucoup de moi, et de mon adolescence, des gens qui me sont proches. Je voulais que le film soit une claque, ne pas édulcorer, et vraiment, faire vivre ce sentiment de dernier été. En fin de comptes, j’utilise le cinéma comme un outil de dialogue entre nous. Un outil qui leur permet de jouer leurs histoires et les miennes dans un récit commun et authentique, qui nous ressemble.

Où et quand avez-vous tourné ? Vous cherchiez des décors, une atmosphère particulière ?

Nous avons tourné durant l’été 2022, au bord du Lac de l’Eau d’Heure, à cheval entre la région de Namur et le Hainaut, en Wallonie. Le film s’est fait de manière assez rapide, il y avait urgence. D’abord une envie et un besoin de ma part de faire ce film à tout prix, et puis les jeunes grandissaient, je ne pouvais pas être sûre qu’ils seraient d’accord de le faire l’année suivante. Je pense aussi que j’aime travailler dans la pression, ce sentiment de nécessité me porte beaucoup. J’espérais un été caniculaire et orageux, ce fut le cas. Au lac, j’ai été fascinée par le tourisme et j’ai très vite senti le clivage social qu’il y a dans cette région post-industrielle toute à côté de celle de mon enfance. Un monde touristique appartenant à de grands groupes d’investisseurs hollandais et une communauté assez précarisée qui ne profite finalement guère du butin estival. Concernant la maison, je l’imaginais brutale et lumineuse. Dans le film, Makenzy déclare qu’il s’agit de la maison de leur « mamie ». Je voulais qu’on sente l’héritage et en même temps cette croix qu’ils doivent porter et qui s’écroule de plus en plus. C’est un personnage à part entière, la maison n’est pas seulement l’habitat, c’est la source d’une partie de leurs problèmes et en même temps c’est un abri. Quand ils sont chez eux, personne ne peut les juger.

Vous avez opéré des choix de mise en scène particuliers ? Avez-vous une méthode de travail ?

Le film a été fait en équipe très réduite et le tournage n’a duré que 24 jours. Nous étions une équipe de 7 sur le plateau, nous n’avions pas de scripte, pas d’accessoiriste ni de H.M.C, et j’en passe… Il a donc fallu être inventif et chaque membre de l’équipe a dû porter plusieurs casquettes. Même les jeunes ont dû mettre la main à la pâte et nous aider à tous les niveaux, pour s’habiller, se coiffer, cuisiner, ranger. Ils ont rapidement compris les rouages du métier, le principe des raccords et la dynamique d’un plateau. Les ateliers m’ont permis de créer une grande intimité avec eux. Ce qui fût absolument bénéfique pour le tournage et la mise en scène. Une partie des dialogues étaient écrits mais certains moments ont été partiellement improvisés. Les scènes les plus sensibles notamment afin de faire sortir une parole totalement pure et spontanée. Les intentions se sont développées au fur et à mesure de manière organique en fonction de ce que nous ressentions et de ce que nous vivions de jour en jour. 

Qu’attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la Critique ? C’est un bel écrin pour un film ?

C’est un magnifique écrin pour le film, j’ai encore du mal à réaliser. Je suis très heureuse de l’exposition que ça va nous apporter et j’aime l’idée de pouvoir emmener Makenzy, Purdey et Donovan à nouveau en vacances… J’espère surtout que ces adolescents qui ont parfois du mal à prendre confiance en eux et à s’assumer tels qu’ils sont vont pouvoir retrouver dignité et fierté en partageant le film avec un public.

Comédie, Drame de Paloma Sermon-Daï. Propos recueilli par Patrice Carré. 3,3 étoiles AlloCiné.

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