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Bernadette


Quand elle arrive à l’Elysée, Bernadette Chirac s’attend à obtenir enfin la place qu’elle mérite, elle qui a toujours œuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président. Mise de côté car jugée trop ringarde, Bernadette décide alors de prendre sa revanche.

 

Entretien avec l'actrice Catherine Deneuve 

On ne vous imaginait pas dans un tel rôle…

Vous avez raison. Ma première réaction a été « Quoi ? Bernadette Chirac ? ... » Les biopics ne m’intéressent pas.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Le scénario de Léa Domenach et Clémence Dargent, vraiment formidable, très bien écrit, très drôle ; puis ma rencontre avec Léa, qui m’a tout de suite fait comprendre qu’il ne s’agissait ni d’une adaptation précise ni de véritablement ressembler à Bernadette Chirac, juste d’être dans l’esprit du personnage. Cette lecture et cette rencontre ont changé les choses.

Vous n’avez jamais caché vos penchants politiques.

Là, c’est différent. C’est véritablement l’envie de faire une comédie, même si, par moments, le film n’est pas exempt de certaines piques.

Le film donne beaucoup de place à ses efforts et à ceux de son conseiller, Bernard Niquet (Denis Podalydès) pour se créer une image médiatique… Le couple que vous formez ensemble est irrésistible : deux êtres en quête de reconnaissance…

Grâce à ce duo, Léa Domenach la rend plus sympathique que ne l’était Bernadette Chirac à cette époque. Elle avait la réputation d’être assez dure, assez sèche ; pas snob, mais assez fermée. Même si les situations sont très réalistes - les auteurs ont soigneusement et minutieusement veillé à tout vérifier - le film reste une fiction, une fable.

Léa Domenach dit que vous avez réussi à créer un troisième personnage à michemin entre Bernadette Chirac et vous. Comment prépare-t-on un tel rôle ?

J’avais lu le livre de Bernadette Chirac, mais ce qui comptait avant tout pour moi était le point de vue de Léa. Cela s’est passé simplement. Nous avons fait des lectures, nous nous sommes vues, revues. Il n’y a aucun problème quand on est en confiance avec quelqu’un.

Vous prêtez au personnage une apparence joyeuse et divertissante…

Ça, c’est d’abord le talent de la formidable costumière Catherine Leterrier. Quelqu’un d’autre aurait sans doute fait des choix plus classiques dans les couleurs des costumes que je porte. Elle, au contraire, a pris le parti de se placer à un autre niveau pour, qu’en quelques images, ce soit drôle. Il fallait se déporter d’un degré, parfois d’un et demi, faire vibrer les couleurs... C’était évidemment beaucoup plus intéressant que d’habiller Bernadette dans ses tailleurs habituels. Elle a su s’en inspirer tout en s’en écartant. C’est vraiment l’art de la comédie. J’avais déjà travaillé avec Catherine Leterrier. C’est quelqu’un de très audacieux. Elle a une vraie vision.

Bernadette se fait malmener mais finit par rendre coup pour coup. En somme, elle devient féministe.

Mais oui. Elle passe d’un discours qui consiste à dire à Niquet, son conseiller, qu’avant de prendre toute initiative, elle doit demander la permission à son mari, à une liberté d’action extrêmement grande. Ce faisant, elle prend sa revanche et trouve sa place.

Malgré quelques piques parfois très dures ou ironiques, "Bernadette" incline à une certaine indulgence…

Près de trente ans ont passé depuis cette période. On a toujours beaucoup d’indulgence avec le temps…. Un jour, sans doute, on écrira un livre beaucoup plus dur et plus cruel sur Bernadette Chirac.

Le film a pour ambition de renouer avec le ton des grandes comédies qu’on aime tout en affichant une vraie modernité.

C’est vrai qu’il fait penser à des comédies qu’on ne voit pas assez aujourd’hui. Mais c’est aussi le film d’une jeune femme, avec un rythme très soutenu. On est dans une sorte de bulle, dans une époque révolue que Léa a eu l’intelligence de désempeser. Elle a inventé une façon de montrer ces personnages, de les faire parler, les rendre sympathiques, tout en nous faisant comprendre que tout cela ne serait plus possible aujourd’hui.

La comédie est un genre que vous aimez particulièrement.

C’est aussi celui qui demande le plus de travail et de rigueur. Il y en a peu de bien écrites. Le casting joue aussi un rôle énorme. Il faut des acteurs qui aient un sens aigu du rythme. Les comédiens que Léa a choisis sont tous merveilleux. J’ai eu énormément de plaisir à travailler avec eux – Denis Podalydès avec qui je n’avais jamais tourné, si brillant ; Michel Vuillermoz, Sara Giraudeau, tellement présente, Maud Wyler, si touchante. Toutes ces énergies se potentialisaient. Il fallait cela pour ce film.

Les décors supposés illustrer l’Elysée sont incroyables.

Des endroits magnifiques et totalement inattendus - un ancien palais près de Versailles, un lieu magique à Epernay… La chef opératrice, Elin Kirschfink, a fait un travail magnifique dans ces décors. Elle est formidable.

Vous avez la réputation de toujours regarder les rushes sur les tournages de vos films…

J’en ai besoin. Cela concrétise le travail qu’on est en train d’effectuer. Quand on ne connaît pas beaucoup les acteurs ou que l’on n’a jamais travaillé avec eux, on apprend des choses sur eux-mêmes et sur leurs personnages. Cela permet parfois d’améliorer encore le rythme du film.

C’est une étape importante dans les discussions avec le réalisateur ou la réalisatrice ?

Parfois. Avec Léa, ça n’a pas été le cas : dès le départ, je savais où elle allait.

Quelle directrice d’acteurs est-elle ?

Léa a une forte personnalité. Elle sait ce qu’elle veut et va au bout. Bien que nous avions de très grosses scènes, elle tenait à ce que nous conservions une certaine fraîcheur et que nous restions à un certain rythme. Nous répétions peu et faisions peu de prises. Jamais plus de dix. Elle tenait beaucoup à ce que nous gardions notre vivacité.

Vous accordez souvent votre confiance aux premiers films…

A la condition de la qualité des scénarios. La rencontre avec le metteur en scène est capitale. J’ai tout de suite eu un excellent contact avec Léa. C’est une jeune femme très intéressante. J’ai beaucoup aimé travailler avec elle.

Comédie de Léa Domenarch. Propos reccueilli par André-Paul Ricci, Tony Arnoux. 3,7 étoiles Allociné.

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