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Le règne animal


Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d'un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence. 

    

Entretient avec l'acteur Paul Kircher

Vous incarnez Emile dans Le Règne Animal : qu’est-ce qui vous a d’abord intéressé dans ce personnage de jeune homme en pleine transformation ? 

C’est justement cela : ce moment où Emile passe de l’enfance à l’âge adulte… Il ne s’attend absolument pas à ce qui lui arrive soudainement, tout en étant obligé de s’y confronter, en traversant différentes crises… C’est un garçon qui est d’abord dans le refus et la peur, avant que le désir de se découvrir changé ne prenne le dessus, en lui procurant même une sorte de plaisir jouissif ! Emile a cette capacité de toujours retomber sur ses pattes, en gagnant chaque fois en ampleur, en force, jusqu’à devenir cette nouvelle version de lui même à la fin du film… J’ai beaucoup aimé jouer ce parcours-là.

Vous connaissiez l’univers cinématographique de Thomas Cailley ?

Oui, j’avais beaucoup aimé Les combattants qui mêlait déjà le drame et des moments comiques… En lisant le scénario du Règne Animal, j’ai été très intéressé par la relation avec le père et la dimension fantastique de l’histoire. Tout était formidablement écrit mais je sentais qu’il restait pas mal de choses à inventer et Thomas était d’ailleurs très partant à ce sujet… Quand il m’a donné le script à lire, l’aspect final des créatures, le degré des transformations n’avait pas encore été totalement défini. Thomas m’a conseillé de regarder plusieurs films comme La mouche de David Cronenberg qui m’a aidé pour les changements physiques ou comportementaux d’Emile… Ce terrain d’exploration autour du rôle est vite devenu très excitant pour moi ! J’ai également vu Requiem pour un massacre, le film de guerre russe d’Elem Klimov, qui montre les horreurs des combats en 1943 du point de vue d’un adolescent en Biélorussie. Dans le film de Thomas, il y a ce regard d’Emile ou du personnage de Grenouille sur un monde adulte qu’ils ne comprennent pas vraiment et qui leur semble souvent violent, chaotique…

Vous avez 21 ans, votre adolescence n’est donc pas si lointaine. Avez-vous puisé dans votre vécu de cette période pour nourrir le personnage d’Emile ?

Oui bien sûr. Comme Emile, je crois sans doute maîtriser des choses alors que certaines m’échappent encore, comme la certitude d’avoir raison sur divers sujets. Il y a une sorte d’inconscience quand on est jeune ! Mais je dirais qu’Emile m’a lui aussi beaucoup apporté. C’était particulièrement vrai durant le tournage : c’était une expérience très immersive de se retrouver tous ensemble chaque jour, notamment avec Romain Duris qui joue mon père. Il m’a emporté avec lui dès le début et je me suis servi de ces moments-là pour les connecter avec ce que j’avais à jouer… La préparation en amont est certes importante mais ce que je vis pendant le film l’est tout autant à mes yeux. Là en plus s’est ajoutée la dimension physique du rôle d’Emile avec un gros travail sur les maquillages par exemple…

Justement, avez-vous ressenti cette contrainte des maquillages ou des prothèses comme un écueil obligatoire ou vous en êtes-vous au contraire servi comme d’un outil ?

Avant le tournage, j’ai travaillé avec une chorégraphe pour m’amener à véritablement ressentir les mouvements du corps que j’aurais à jouer au fil de la transformation d’Emile. Cela me permettait déjà, sans les maquillages, de comprendre comment je devrais me comporter. Quand nous en sommes arrivés à cette étape, j’étais prêt : les effets visuels me permettaient juste d’apporter de la véracité visible à la scène. Je porte par exemple souvent des griffes dans le film et les sentir, là au bout de mes doigts, rajoutait à la crédibilité de ce que je devais jouer. Le travail de l’équipe technique sur ces maquillages ou les prothèses est remarquable et il a été essentiel pour faire exister Emile et les autres créatures…

Le Règne Animal n’est évidemment pas qu’un film de genre puisque vous l’avez dit il aborde aussi le thème de la relation père-fils au cœur d’une production importante à l’échelle du cinéma français. Comment parleriez-vous du travail de réalisateur de Thomas Cailley ?

Thomas a su transmettre à ses acteurs et à son équipe sa vision de l’histoire qu’il souhaitait raconter. C’est un univers fantastique et intime qu’il a totalement inventé et nous en avons beaucoup discuté car j’avais évidemment mon propre point de vue sur le récit… Thomas est un réalisateur précis, minutieux sur un tournage mais, tout en étant toujours direct, il est extrêmement doux, calme dans son rapport aux autres. Je l’ai beaucoup observé travailler avec son frère David qui est chef opérateur sur ses films. Leur entente réelle est palpable et ça nous a donné beaucoup de force… J’ajoute que nous vivions tous ensemble en dehors du plateau et Thomas a essayé de passer le plus de temps possible avec Romain et moi, quand son emploi du temps surchargé le lui permettait, dans ce Sud-Ouest qu’il connait si bien…. 

Thomas a su transmettre à ses acteurs et à son équipe sa vision de l’histoire qu’il souhaitait raconter. C’est un univers fantastique et intime qu’il a totalement inventé et nous en avons beaucoup discuté car j’avais évidemment mon propre point de vue sur le récit… 

Ce qui est très impressionnant avec Romain, c’est qu’il arrive avec cette énorme expérience, un bagage incroyable mais aussi avec une vraie fraîcheur ! C’est un comédien et un être humain très inspirant. A chacune de nos scènes, il me demandait comment je voyais les choses, de quelle manière je souhaitais les jouer. J’ai le sentiment que Romain s’est vraiment investi dans notre relation, même en dehors du tournage. J’ai énormément appris à son contact mais il n’a jamais été dans un rapport didactique avec moi. Le Règne Animal est aussi un film de duo et j’ai beaucoup aimé vivre cette expérience avec Romain. Que ce soit sur le plateau ou en dehors, ce que nous avons partagé a servi le film de Thomas.

Drame, Aventure Fantastique de Thomas Cailley. Propos reccueilli par André-Paul Ricci, Tony Arnoux. 4,1 étoiles Allociné.

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