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Je ne suis pas un héros


Louis c'est ce mec super gentil. Et dans son cabinet d'avocat, ce n'est pas un compliment. Le jour où son médecin lui diagnostique par erreur une maladie grave, le regard des autres change : on fait attention à lui, on lui pose des questions et on écoute les réponses, Louis existe enfin ! Alors bien évidemment, il hésite à dire qu'il va très bien. 

 

Entretien avec le réalisateur Rudy Milstein 

Racontez-nous la genèse du film.

J’avais envie d’écrire sur l’apparence, comment parfois on peut mettre de côté nos principes pour séduire, se faire accepter d’un groupe, progresser socialement, faire plaisir à ses parents. Jusqu’à quel point nous sommes capables de mettre nos convictions de côté, notre morale, et oublier nos propres questionnements pour arriver à notre but. Le personnage de Louis, qu’interprète Vincent Dedienne, incarne un jeune avocat pris dans la tornade d’une affaire de pesticides présumés responsables de cancers. C’est un garçon gentil, naïf, plutôt mignon. Pourtant, tout au long du film, il commet des choses immorales. Et on l’accepte parce que, précisément, c’est un gentil. Est ce que des bonnes intentions pardonnent tout ? Sous couvert d’intentions louables, peut-on se permettre de mal agir par moment ? Ou alors au contraire, les actions définissent-elles ce que l’on est ? Voilà, c’est un peu toutes ces questions qui m’ont animées pendant l’écriture du scénario. Je voulais qu’il n’y ait ni gentils ni méchants. 

« Je ne suis pas un héros » est une comédie dont le fil rouge est le cancer ; un sujet grave dont vous réussissez à nous faire rire tout en nous émouvant…

J’ai perdu ma grand-mère de cette maladie, je l’ai accompagnée les dernières années de sa vie je vivais avec elle, j’ai vu ce quotidien. Un pote aussi en est décédé, très jeune, un garçon très beau, solaire, qui adorait organiser des fêtes, il s’appelait Julien. Le cancer est naturellement venu se greffer au scénario. Il me permet d’incarner la métaphore pour traiter de ma problématique sur l’apparence : Louis est prêt à se faire passer pour un malade du cancer pour faire plaisir aux autres. Pour autant, il n’a jamais été question de pathos : je voulais garder un ton nerveux, joyeux et lumineux. Toute mon enfance, j’ai entendu mes grands-parents, qui ont vécu la Shoah, faire régulièrement des blagues à ce sujet. Mon père, tout jeune médecin durant les années Sida, a pris le relais. J’ai grandi dans cette ambiance où, plus les événements sont dramatiques et plus on s’exhorte à en rire. Face à certains désespoirs, il ne reste plus que l’humour. 

Vous-même, interprétez un rôle important dans le film : celui de Bruno, le voisin de Louis. Victime d’un AVC, il est devenu incapable d’éprouver la moindre émotion.

Le rôle m’amusait. Qui plus est, il était tellement particulier que j’ai pensé que je gagnerai du temps à ne pas devoir expliquer qui il était. Bruno est tellement atypique : à une nuance près, il pouvait devenir antipathique, psychopathe ou juste bête. Je savais comment l’imbriquer dans le film. On a tourné toutes mes séquences à la fin du tournage, donc c’était étonnant de rejoindre les autres acteurs dans un rapport différent. Réaliser et jouer en même temps est une expérience particulière car les deux métiers nécessitent des compétences contradictoires : pour réaliser il faut être dans le contrôle de tout, pour jouer il faut être dans un lâcher prise total. Un de mes meilleurs amis, Arthur Fenwick (qui joue également dans le film) surveillait que je ne partais pas dans tous les sens. Merci à lui !

Comment avez- vous préparé le film en amont avec vos comédiens ?

On a fait des lectures en tête à tête. Je leur donnais beaucoup d’indications sur les sous-textes. Et puis, sur le plateau on oubliait tout ça, je faisais en sorte d’instaurer une atmosphère légère, d’amusement et de liberté. La comédie ne peut pas naître dans la tension. Il faut des comédiens détendus et en confiance pour qu’ils puissent s’amuser et créer. Si un comédien se sent jugé, ou pas en confiance, c’est foutu ! 

Un mot sur la musique ?

C’est mon frère, Dov, qui l’a composée. Je le connais très bien dans le travail, il faisait déjà la musique de mes pièces. On a beaucoup parlé du scénario. Je lui avais demandé de travailler dessus avant le tournage pour avoir certaines musiques en tête pendant. Je lui ai envoyé les rushes pour qu’il continue de réfléchir. On a testé plein de chemins différents. Nous sommes d’abord partis sur un thème très électro puis sur des percussions pour finalement s’accorder sur du piano qui me paraissait plus proche de l’humeur du personnage de Louis et de la mélancolie du film, tout en gardant quelques passages d’électro pour mettre des touches de modernité. Je n’aime pas, dans les films, quand la musique est omniprésente, et qu’elle indique au spectateur ce qu’il doit penser. J’aime quand elle accompagne discrètement. 

Comédie de Rudy Milstein. Propos reccueilli par Laurent Renard. 3,5 étoiles Allociné.

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