Mieux comprendre la manière dont les bactéries acquièrent des résistances aux antibiotiques est un enjeu de recherche pour répondre à la problématique majeure de santé publique qu’est l’antibiorésistance.
Le principal mécanisme de dissémination de ces résistances est appelé « transfert d’ADN par conjugaison bactérienne ». Jusqu’ici, on pensait qu’il ne pouvait se faire qu’entre bactéries en contact direct l’une avec l’autre. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’université Claude-Bernard Lyon 1, au sein du laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale, ont mis en lumière un nouveau mode de transfert de résistances entre bactéries, en démontrant pour la première fois, grâce à des techniques innovantes de microscopie, qu’un transfert d’ADN entre des cellules physiquement distantes est en fait possible.
Les antibiotiques ont permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du xxe siècle et ont donc constitué une avancée majeure dans le domaine de la médecine. Cependant, depuis plusieurs années, le problème de l’antibiorésistance gagne du terrain. En France, on comptabilise environ 5 500 décès liés à ce phénomène chaque année. De nombreuses équipes de recherche s’intéressent donc désormais au sujet, ce qui a permis d’accroître considérablement nos connaissances sur l’origine des résistances aux antibiotiques.
Dans ce second cas, le transfert d’ADN de la bactérie résistante « donneuse » à la bactérie « receveuse » peut se faire selon plusieurs mécanismes, le principal étant connu sous le nom de « conjugaison bactérienne ». Il est au cœur des travaux de recherche menés par Christian Lesterlin, directeur de recherche Inserm, et son équipe de l’unité Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (CNRS/Université Claude-Bernard – Lyon 1).
Pendant longtemps, la conjugaison bactérienne a été décrite comme un transfert d’ADN qui ne pouvait se faire que lorsque la bactérie donneuse était en contact physique direct avec la bactérie receveuse. L’établissement de ce contact implique un « pilus de conjugaison », un petit appendice tubulaire présent à la surface des bactéries donneuses qui permet la fixation à une bactérie receveuse.
Jusqu’à récemment en effet, il n’existait pas de technique de visualisation permettant d’observer directement le transfert d’ADN entre bactéries. Avec ses collègues, le généticien à l’Inserm a donc décidé d’utiliser des approches de microscopie à fluorescence innovantes, développées au sein de son laboratoire, pour visualiser directement la conjugaison entre cellules vivantes. Ce type d’approche avait déjà porté ses fruits une première fois en 2019, quand l’équipe avait observé en direct l’acquisition de résistances aux antibiotiques par une bactérie E.
Ces travaux favorisent ainsi une meilleure compréhension des mécanismes de dissémination de l’antibiorésistance. En effet, le fait de savoir que deux bactéries physiquement distantes peuvent échanger leur ADN permet d’envisager que des transferts de résistance puissent avoir lieu dans différents environnements où le contact direct entre bactéries est rendu plus difficile par la complexité ou la viscosité du milieu, comme au sein de l’intestin par exemple.
Enfin, en mettant en lumière un mode de transfert de l’ADN jusqu’alors mal caractérisé, ce travail pourrait aussi à plus long terme ouvrir la voie au développement d’outils thérapeutiques visant à cibler et à inhiber ces mécanismes de transmission de la résistance aux antibiotiques entre bactéries.
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Source : inserm. Photo : Flutie8211. Pixabay.