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Le management brutal est une faute grave


Dans un arrêt récent, la Cour de cassation rappelle qu'un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de subordonnés est constitutif d'une faute grave rendant impossible le maintien dans l’entreprise de l'auteur, et ce quelle que soit son ancienneté.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 8 février 2023. Pourvoi n° 21-11.535

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2020), M. [V] a été engagé le 6 décembre 2010 en qualité de directeur général par l'association Interlogement 93.

2. L'intéressé a été licencié pour faute grave le 30 juin 2016.

3. Contestant le bien-fondé de cette mesure disciplinaire, le salarié a saisi le 8 décembre 2016 la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches. Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ que le fait pour un dirigeant de se livrer à un management de nature à nuire à la santé de ses subordonnées constitue une faute grave ; qu'en retenant que la faute grave n'était pas établie après avoir relevé que les pièces produites "font état d'un management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés : critiques vives et méprisantes, déchirer le travail d'un salarié en public au motif qu'il n'est pas satisfaisant, ordres et contre ordres peu respectueux du travail des salarié", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales des constatations a violé l'article L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que le seul fait que le salarié bénéficie d'une certaine ancienneté n'est pas de nature à écarter la gravité de sa faute ; qu'en se bornant à relever que M. [V] était en fonction depuis cinq ans pour considérer qu'il n'était pas établi que les fautes de ce dernier aient rendu impossible la poursuite de son contrat de travail pendant la durée du préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, le dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Il résulte de ces textes que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le mode de management trop brutal et méprisant reproché au salarié, matériellement démontré, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire mais écarte la faute grave alléguée par l'employeur, considérant qu'il n'est pas établi que cette situation était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis, alors que ce directeur était en fonction depuis plus de cinq ans.

7. En statuant ainsi par un motif tiré de l'ancienneté insuffisant à lui seul à écarter la qualification de faute grave alors qu'il résultait de ses constatations la pratique par le salarié d'un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce dont il résultait que l'intéressé avait commis une faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Interlogement 93 à payer à M. [V] les sommes de 42 338,57 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 45 608,20 euros à titre d'indemnité de préavis et de 4560,82 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 28 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

Photo : Elesin Aleksandr - Fotolia.

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