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Quand tu seras grand


Yannick est aide-soignant dans une maison de retraite. Entre pression permanente et restrictions budgétaires, il fait face aux manques de moyens avec une bonne humeur contagieuse. Mais lorsqu’on lui impose de partager le réfectoire avec une classe d’enfants, la situation se complique. Leur arrivée ainsi que celle de son animatrice, Aude, va bousculer le quotidien de tous et surtout des résidents…

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Entretien avec les réalisateurs, Andréa Bescond et Eric Métayer

D’où est née l’idée du film ? 
Andréa Bescond : Il y a quelques années, ma grand-mère a été placée en EHPAD. Quand nous sommes venus la voir avec nos enfants, nous avons remarqué à quel point leur présence faisait réagir les personnes âgées. Tout à coup, elles pétillaient de nouveau. Cela nous a beaucoup émus. 

Eric Métayer : Voir se rallumer une étincelle dans leurs yeux grâce à la présence d’enfants, a sans doute créé un déclic en nous.

Vous montrez l’enfance et la vieillesse comme les deux maillons oubliés de la société.
A.B. : Elles constituent deux parties de la vie qu’on ignore un peu. Ces gens qui remplissent les EHPAD ont eu un métier, ils ont une vie, une histoire, ce ne sont pas simplement des vieux qu’on ramène dans leur chambre ! Et c’est la même chose pour les enfants.

 E.M. : Brieuc, le petit héros du film, n’est pas victime d’un grave traumatisme: c’est juste un gamin délaissé affectivement. Il en existe des milliers comme lui. 

En tournant dans un EHPAD, vous n’évitez pas le sujet brûlant des conditions de travail des soignants et leurs répercussions sur la vie des résidents.
E.M. :
Nous ne voulions ni faire un film politique, qui aurait peut-être été plus proche de la réalité, ni tomber dans la mièvrerie. On a choisi une voie médiane : la vérité nous semblait être dans ce juste milieu. 

A.B. : Il ne s’agissait évidemment pas d’éluder l’aspect business de ces institutions – le manque de moyens, le cynisme parfois. Le film fait souvent allusion aux carences du système mais l’implication des soignants l’emporte.

On ne sort presque jamais de l’EHPAD…
A.B. : Il s’agissait d’épouser le point de vue des résidents qui ne s’en échappent pour ainsi dire jamais. Quand tu seras grand traite de l’humain mais aussi du travail. Les soignants vivent leurs chagrins à l’EHPAD, y expriment leurs failles, leurs névroses, leurs joies, leurs difficultés, dont certaines sont directement liées à leur emploi. Nous avons aussi beaucoup pensé aux films de Ken Loach en réalisant ce film. Les travailleurs sont mis en avant.

E.M. : Tous ces personnages se rapprochent de toutes ces personnes actives durant le confine - ment : présentes au quotidien, coûte que coûte…

Gigi et Yvon, le couple de forains auquel s’attache le petit Brieuc, affichent leur amour de façon inattendue dans ce type d’institution.

E.M. : Ils ont vécu leur vie d’adulte avec la libération sexuelle. On n’est plus dans l’après-guerre où la sexualité était planquée. Gigi et Yvon sont très tendres l’un envers l’autre, ils revendiquent leurs liens très forts.  

A.B. : On tenait beaucoup à démarrer le film sur ce baiser qu’ils s’échangent: un long baiser amoureux, un baiser d’adolescents, un baiser de vie, quoi !

Comment travaille-t-on en amont avec une équipe d’acteurs aussi importante ? Et de façon plus générale, comment travaille-t-on à quatre mains ?
A.B. :
On découpe énormément – sur ce film particulièrement. Il y avait beaucoup d’enjeux et d’ambitions techniques avec Quand tu seras grand : beaucoup d’engagements d’images, beaucoup de plans séquences, beaucoup de figurants – et des figurants âgés -, des enfants qui ne pouvaient pas tourner plus de quatre heures. 

E.M. : Nous avons travaillé dur avec Emmanuel Soyer, notre chef opérateur et Florian Kuhn, notre premier assistant, pour être efficaces en peu de temps et ainsi, respecter le temps de travail d’un enfant et d’une personne âgée. A.B. : C’est de l’organisation ! L’étape de la préparation est essentielle ! Et il faut communiquer avec son équipe. Travailler collectivement.

Parlez-nous de la préparation des enfants. 
E.M. :
Kristen, qui interprète Brieuc, n’avait aucune expérience, il a évidemment bénéficié d’un traitement particulier par le biais d’ateliers d’improvisation. Il a aussi beaucoup appris avec sa coach, Yasmina Pastural. Les six personnages enfants ont vécu ensemble le temps du tournage, de manière à ce qu’ils se connaissent et finissent par former une sorte de troupe.  

A.B. : Quant aux résidents, ils étaient tellement motivés qu’ils s’indignaient même parfois lorsqu’un ou une vrai(e) comédien(ne) butait sur son texte. « C’est quand même pas compliqué ! »…

Quelle place occupez-vous l’un et l’autre sur le plateau ? 
E.M. :
On est toujours ensemble sur la technique et la direction d’acteur. Après, selon le feeling qu’on a avec Tel ou Telle, on se répartit les rôles. 

A.B. : De façon générale, nous sommes ouverts aux propositions mais quand même plutôt directifs. On est attentif au rythme, au dynamisme, à l’urgence... On vient du théâtre. La notion de troupe est importante pour nous. Enfants, acteurs figurants, techniciens, on est tous sur le même bateau.  

E.M. : On arrive souvent sur le plateau en chantant. Et on rit beaucoup.

Comédie dramatique d'Andréa Bescond et de Eric Metayer. 3,1 étoiles sur AlloCiné.

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