Haoui.com

La famille Asada


Dans la famille Asada, chacun a un rêve secret : le père aurait aimé être pompier, le grand-frère pilote de formule 1 et la mère se serait bien imaginée en épouse de yakuza ! Masashi, lui, a réalisé le sien : devenir photographe. Grâce à son travail, il va permettre à chacun de réaliser que le bonheur est à portée de main.

Repertoire Image

Entretien avec le réalisateur, Ryôta Nakano

Qu’est-ce qui vous a attiré dans les photos de Masashi Asada ?
Au départ, c'est mon producteur, Shinji Ogawa, qui m'a fait découvrir l'album de photos Asadake. Dès les premières pages, j'ai éclaté de rire et en même temps cela m'a fait chaud au cœur. Pour faire ces photos uniques en leur genre, il avait forcément fallu une confiance aveugle et une coopération totale de la famille du photographe, et je me suis dit que cela cachait sûrement une belle histoire familiale. Pour moi qui ai toujours réalisé des films autour de la famille, je dois avouer que ces photos ont eu un effet irrésistible sur moi dès la première vision. De plus, au fil de mes recherches préparatoires, je me suis pris d'intérêt pour la véritable famille Asada au-delà des photos, et je me suis de plus en plus attaché à eux.

Quel est votre rapport à la photographie ?
À titre personnel, je pratique un peu la photo comme un passe-temps, mais je suis surtout issu d'une génération où enfant et adolescent, on conservait tous les clichés en les tirant sur papier glacé. Donc il se peut que physiquement, je sois plus sensible à la chaleur d'une photo que l'on a développée que la génération actuelle. Ce que j'ai ressenti en assistant aux shootings de Masashi Asada, c'est qu'il met un point d'honneur à déceler le charme et les qualités de chacun de ses sujets, et qu'il s'amuse avec eux pour réussir à les révéler à travers la séance. Nous ne travaillons pas exactement de la même manière, mais le processus selon lequel je privilégie avant tout les qualités d'un rôle ou d'un acteur pour ensuite les mettre au maximum en valeur sur le plateau est assez similaire. Notre envie de rendre à la fois l'équipe et le public heureux à travers nos œuvres est probablement exactement la même.

La famille est au cœur de votre travail (y compris dans vos précédents longs métrages,A Long Goodbye et Her Love Boils  Bathwater). Pourquoi ce thème a-t-il une résonnance particulière en vous ? 
J'ai perdu mon père à l'âge de 6 ans, et c'est ma mère qui nous a élevés mon frère aîné et moi. J'ai aussi deux cousines qui ont perdu leurs parents et avec qui j'ai quasiment grandi donc je pense que depuis toujours, je me suis demandé : "C'est quoi, une famille ?" Aujourd'hui, je n'ai toujours pas la réponse à cette question. J'ai l'impression que je ne la trouverai d'ailleurs jamais. Et c'est parce qu'aucun sujet n'est aussi complexe et passionnant que je continue à filmer la famille.

Lorsqu’on voit les acteurs interagir entre eux, on a l’impression d’observer une vraie famille. Comment êtes-vous parvenu à donner une telle authenticité à leurs relations ?
Dans la mesure où ils allaient devoir interpréter des personnages réels, j'ai demandé aux acteurs d'aller rencontrer la vraie famille Asada là où ils vivent, dans la préfecture de Mie. Je voulais qu'ils voient la maison dans laquelle ils vivent, qu'ils découvrent la ville et qu'ils puissent échanger avec ceux qu'ils allaient incarner, et je pense que cela a été un moment très précieux pour eux aussi. Sur le plateau, nous avons d'abord commencé par tourner les séquences des séances photos de l'album Asadake. Je voulais qu'à travers ces shootings mettant en scène cette famille si originale, ils deviennent eux-mêmes naturellement une famille à part entière. D'ailleurs, même si ça n'a pas toujours été facile, cela a donné lieu à un travail collectif toujours empli de joie et de rires, et au terme de ces séances photos, je pense que les acteurs étaient véritablement devenus une famille.

Au début du film, l’histoire et le personnage de Masashi sont introduits par la voix off de son frère, mais le film se termine sur la voix de Masashi. Que signifie cette évolution ? 
L'histoire est structurée de telle sorte qu'on assiste à l'évolution du personnage de Masashi qui, au début du film, ne trouve pas de sens à sa vie et compte en permanence sur sa famille (et en particulier son frère aîné) pour le sortir d'affaire et qui, à la fin, s'accomplit en devenant photographe. Pour exprimer ce changement chez Masashi, je voulais commencer par le décrire et le raconter à travers la voix objective de son frère jusqu'à le faire se raconter lui-même, avec ses propres mots, à la fin du film.

Le film commence de manière légère, presque comme une comédie, puis l’irruption du séisme de 2011 amène une dimension plus dramatique au film. Comment avez-vous articulé ces tonalités ?
Après avoir vécu, depuis Tokyo, le grand séisme du Tôhoku en 2011, je me suis dit qu'en tant que créateur, je devrai un jour le traiter à travers la fiction. Mais je ne savais pas comment m'en emparer, vule style de mon travail. J'avais l’impression de ne pas être la bonne personne pour transformer un drame réel en fiction, et j'étais bloqué. C'est à ce moment-là que j'ai découvert le très original album de photos Asadake, et en apprenant que Masashi Asada avait été bénévole en zone sinistrée au poste de nettoyage de photos, je me suis dit pour la première fois qu'à travers lui, je réussirais peut-être à parler des événements. La première chose, c'est que je ne voulais surtout pas faire un film sur ce grand séisme qui serait glauque et triste. En racontant toute l'histoire sans dévier des axes que je m'étais fixés, à savoir "l'évolution du photographe Masashi Asada" et la notion de "famille", je savais que je pourrais parvenir à passer de l'humour au drame sans que cela ne pose de problèmes. La première partie autour de la famille est drôle et chaleureuse, et c'est grâce à cela que dans la seconde partie, la perte de la famille en devient d'autant plus significative, j'en suis convaincu.

L’histoire de Riko, qui a perdu son père dans le tsunami, a une place majeure dans le film. Pourtant, elle est l’un des seuls personnages qui ne soit pas inspiré d’une personne réelle. Pourquoi ce personnage était-il nécessaire ? 
En effet, Riko ne s'inspire pas d'un personnage réel. Mais je pense que c'est un personnage qui est né de tous les entretiens que j'ai menés avec des victimes de la catastrophe. Elle incarne le désir de tous ceux qui ont perdu leur famille et qui cherchent à les retrouver à travers les photos. De ceux qui m'ont dit que "même si leur maison avait été emportée, tant qu'ils étaient en vie, ils pourraient toujours se relever". Puis j'ai réalisé que sur la plupart des photos de famille, le père ou la mère est absent car caché(e)derrière l'objectif. C’est là que le personnage de Riko m'est vraiment apparu.

Comédie de Ryôta Nakano. 3,9 étoiles sur AlloCiné.

">