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Soudain seuls


En couple depuis 5 ans, Ben et Laura ont décidé de faire le tour du monde en bateau. Avant d'atteindre l'Amérique du Sud, ils font un détour vers une île sauvage, près des côtes antarctiques. En pleine exploration, une tempête s'abat sur eux et leur bateau disparaît. Éloignés du monde, soudain seuls face au danger et à l'hiver qui approche, ils vont devoir lutter pour leur survie et celle de leur couple.

 


Entretien avec le réalisateur Thomas Bidegain

Quelle est la genèse de soudain seuls ? 

Je crois que chaque film génère l'idée du suivant. En finissant Les Cowboys qui était un film avec énormément de décors, de personnages, j’avais envie de traiter du sujet de l’intimité. Je cherchais une histoire qui se déroulerait dans un lieu unique avec un seul personnage ou peut-être deux. J'étais fasciné par le design des bases scientifiques de l'Antarctique. Et puis en écoutant un podcast de l’émission «Le Masque et La Plume» où il était question du livre d’Isabelle Autissier, Soudain, Seuls quelque chose m’a frappé. J'ai été tout de suite séduit par la grande clarté de sa proposition : l'histoire d'un couple pris au piège sur une île déserte. Une proposition qui permettait d'envisager un film à la fois très intime et très large. J'avais envie de raconter, comme toujours je crois, le destin de personnages ordinaires qu'on va lancer dans une aventure extraordinaire. À eux ensuite de se dépasser pour être à la hauteur de cette aventure. La lecture du livre d'Isabelle a confirmé cette intuition, ce désir de faire un film d'aventure, un film à grand spectacle, mais sur un couple, sur deux personnages plongés dans une intimité forcée et absolue. 

Soudain seuls est aussi un film de traces, les traces qu'on laisse, que les deux personnages impriment, mais aussi celles qu'ils recherchent dans l'espoir de s'en sortir. En quoi était-ce important ? 

Les traces qu’on laisse c’est notre histoire, celle des hommes qui nous ont précédés. Ce sont par exemple, dans le film, les ruines cette ancienne station baleinière, qui est aussi une usine de mort. Symboliquement les deux héros en débarquant dans ces ruines, se retrouvent vraiment au milieu des vestiges de notre monde. La nature reprend ses droits, comme on dit. Une nature qu’on a pillé. À un moment il y a eu de la vie sur cette île et de la mort aussi. Les traces que Laura et Ben vont laisser, tout ce qu’ils vont construire pour survivre sera également tôt ou tard voué à s’effacer. Il y a quelque chose de post apocalyptique là-dedans, comme si la fin du monde avait déjà eu lieu. C’est aussi le thème de SOUDAIN SEULS. Le couple face à la finitude du monde. Si le film devait avoir une morale ce serait celle-là : Le monde touche à sa fin et peut-être que l'amour peut nous sauver. 

Qu'apporte le contexte très particulier de traiter le couple, en dehors de tout le reste, la société ? 

L’idée que ce couple soit vraiment seul, débarrassé du regard des autres sur lui, qu’il n’existe plus aucune triangulation, ni technologie, ni écrans, donc absolument aucune influence humaine extérieure, provoque un réel face à face. Soudain, c’est l’aventure.

Le froid aussi c'est l'aventure, pourquoi le choix du froid ? 

Pour plusieurs raisons. D’abord dramatiquement parce que le froid réduit leurs ressources, ce qui tend considérablement les choses entre les deux protagonistes. L'hiver approche, il les emprisonne et les pousse à agir. Quand on va dans le froid, tout devient plus sérieux, plus mystérieux aussi à mesure que la faune et la flore disparaissent. Il y a aussi quelque chose de nu que provoque le froid. Une île froide, c’est pour moi une île nue, qui met à nu les deux héros. Il y a quelque chose d'insidieux dans le froid, il y a quelque chose de plus dramatique. Le froid, il vient nous empêcher d'agir.

Que vous a appris ce film ? 

J’ai appris à me comporter comme un réalisateur ! J’ai travaillé comme scénariste avec de nombreux cinéastes talentueux et j’ai développé des réflexes de conciliation permanente. Sur SOUDAIN SEULS, j’ai compris que je devais imposer mon point de vue, avoir une vision claire et ne pas en démordre.

Drame de Thomas Bidegain. Propos reccueilli par Dominique Segall. 3,2 étoiles Allociné.

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