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Les trois mousquetaires : d'Artagnan


Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.

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Entretien avec le réalisateur Martin Bourboulon

Y a-t-il une jubilation à s'emparer d'une œuvre aussi emblématique que les trois mousquetaires ? Que représente ce roman pour vous ?
Il y a une jubilation double de spectateur et de réalisateur qui s’enclenche simultanément. Vient ensuite cette question passionnante : comment réaliser un film de cape et d’épée en 2022 ? Il s’agissait ensuite de reprendre contact avec ces grands films d’aventure, où il est question à la fois de trajectoires individuelles et d'Histoire avec un grand H. On a tous en mémoire la trame des Trois Mousquetaires, le sens de l’honneur et de la fraternité qui s’y raconte, l’ample dimension des batailles. Quand je repense à ce que représentait ce roman quand j’étais enfant, c’est quelque chose de vaste qui me vient à l’esprit.

Dans quelle mesure cette histoire résonne-t-elle encore à notre époque selon vous ?Le film de cape et d’épée tel qu’on se l’imagine, fait appel à des films des années 1960 et 1970 qui nous ont fait rêver. Mais ce n’est pas un genre qu’on renouvelle si fréquemment. Il y avait donc une certaine responsabilité à le faire aujourd’hui. Certaines thématiques des Trois Mousquetaires, comme la camaraderie ou la trahison, sont totalement intemporelles. Mais je vois aussi ce film comme un grand film d’aventures.

Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière sont les scénaristes du film. Êtes-vous intervenu dans le processus d’écriture ?
L’écriture s’est faite en plusieurs étapes. Il y a d’abord eu une impulsion très forte des producteurs Dimitri Rassam, et du groupe Pathé, mené par Jérôme Seydoux et Ardavan Safaee, de se réemparer d’un certain patrimoine littéraire, comme l’ont fait en leur temps Claude Berri et d’autres grands producteurs. À l’heure, où la consommation des images est en pleine mutation avec la présence des plateformes, nous partagions tous cette envie forte de grands films pour la salle de cinéma. À partir de ce moment-là, Matthieu et Alexandre ont travaillé à l'adaptation de l’œuvre en la condensant. Très vite, est venue l’idée de scinder la narration en deux volets, D’Artagnan et Milady, et de lier les deux récits dans une temporalité. Je suis intervenu en rebondissant sur leur première version, nous sommes très complémentaires et nous nous connaissons bien, le dialogue est toujours fluide entre nous. C’est à ce moment là que nous avons pu confronter nos regards de sorte que leur écriture aille dans le sens du film que j’avais envie de mettre en scène.

Le rythme est soutenu : l’adversité y est permanente ; c’est aussi un condensé d’émotions contrastées.
C’est dû à l’œuvre de Dumas elle-même et à sa structure sérielle. Le conflit – émotionnel ou politique - avec l’obstacle sont des moteurs dramaturgiques formidables. Matthieu et Alexandre, dans leur écriture, ont su conserver le meilleur du roman, avec des ajouts astucieux. Cet ensemble donne la sensation d’un film qui ne s’arrête jamais, nous tenions tous à cela.

Votre film contient des plans-séquences, comme la première grande bataille dans la forêt, très chorégraphiée, qui donne la sensation de passer d’un personnage à l’autre avec fluidité.
Je tenais à ce que l’on soit toujours au « contact » des personnages, que l’on puisse toujours vivre les scènes d’action de leurs points de vue, toujours en immersivité maximum. Que le spectateur soit plus guidé par les émotions et les réactions des personnages que par l’action en elle-même. C’était un défi technique important, mais qui, à mon sens, permet d’apporter beaucoup de réalisme et de vérité à ces scènes.

Ce casting s’est-il imposé à vous ?
Le casting relève toujours un peu de la magie. J’ai été très gâté ! Pour les mousquetaires, François Civil, Vincent Cassel, Pio Marmaï et Romain Duris, tous l’incarnent immédiatement avec talent lorsqu’ils apparaissent à l’écran. J’étais aussi très heureux de travailler avec Eva Green, Vicky Krieps et Lyna Khoudri. C’est une chance de pouvoir réunir dans un même film ces trois actrices très talentueuses, d’horizons différents. Chacune d'elles apporte de la force à l’histoire. Quant à Louis Garrel, il a réussi à composer un roi magnifique ! Il y a aussi tous les autres rôles auxquels je tenais beaucoup. Le film compose un large casting, avec autant d’acteurs formidables comme Eric Ruf, Marc Barbé ou encore Patrick Mille. Nous avions besoin de raconter le XVIIe siècle, et pour croire à l’histoire, chaque acteur présent devait avoir une présence forte, et une « gueule » !

Vous faites exister de beaux personnages féminins. Ce sont elles qui font pivoter l’action. 
J’aime beaucoup ces trois personnages de femmes et les actrices qui les interprètent. Les femmes dans ce récit sont très importantes. Le destin de la France est lié à celui de la Reine. Milady de Winter est une espionne extraordinaire, indépendante et insaisissable. J’étais enchanté qu’Eva Green puisse l’incarner, car elle véhicule quelque chose de mystérieux et sa cinégénie est très puissante. Elle a assumé dans son jeu un côté un peu super-héros, intéressant pour jouer cette femme à part. Pour le rôle de Constance, j’étais heureux de diriger Lyna Khoudri, que j’avais déjà remarquée dans plusieurs films. Il fallait que l’on s’attache à son histoire avec d’Artagnan, qui fait aussi le lien avec le deuxième volet. Quant à Vicky Krieps, c’est une grande actrice, que j’avais adoré découvrir dans Phantom Thread. Son jeu m’a beaucoup impressionné ; elle est capable de faire comprendre qu’elle est amoureuse du Duc de Buckingham et vit un dilemme sentimental terrible, par un simple geste des mains lorsqu’elle touche une lettre.

Vous avez tourné en décors réels.
La France est dotée d’un patrimoine exceptionnel et nous ne pouvions imaginer faire ce film ailleurs. Nous avons tourné en Île-de-France, en Bretagne, dans les Hauts-de-France, en Normandie pour le premier volet, en Bourgogne, dans le Grand Est et dans la région Auvergne-Rhônes-Alpes pour le second volet. Il nous a semblé avec les producteurs, que tourner en décors naturels dans des sites très impressionnants, aux Invalides, dans la cour du Louvre, dans la cathédrale de Meaux, au Château de Chantilly, à Fontainebleau et Compiègne, même si cela était plus compliqué, participerait au réalisme du film. 

Comment avez-vous travaillé le son et la musique de votre film ?
Le son est fondamental pour apporter l'immersivité que je souhaitais pour ce film. Le son des coups de feu à poudre a été par exemple très délicat à trouver. Il fallait qu’il soit baroque et ait du charme pour le spectateur, mais aussi qu’il « sonne » avec les codes sonores d’aujourd’hui. Pour la musique, la rencontre avec Guillaume Roussel, qui a tout de suite trouvé le ton et les thèmes du film, a été déterminante. 

Et la lumière, que signe Nicolas Bolduc ? 
Lors de nos premières discussions avec Nicolas, nous avons cherché quelle serait la «  patine  » du film. Ce mot de cinéma bien particulier, qui a guidé notre préparation ! Aujourd’hui, nous sommes tous habitués à des images très définies et en haute résolution. Nous tenions à avoir une image plus imparfaite et plus abîmée que les standards actuels. Pour cela, nous avons essayé de « salir » l’image, avec de la poussière, de la fumée, autant d’artifices, qui aident à accepter le contrat particulier d’un film d’époque. Mais travailler une image, c’est aussi veiller aux choix des décors, au travail sur les costumes, au maquillage des acteurs… C’est tout un ensemble, et j’ai toujours tenu à ce que les différents chefs de département puissent être en dialogue constant.

Aventure, historique de Martin Bourboulon. 3,7 étoiles sur AlloCiné.

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