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Sur la branche


Mimi a presque trente ans et rêve toujours à ce qu’elle pourrait faire quand elle sera grande. Alors qu’elle se décide à chercher du travail, elle fait la connaissance de Paul, un avocat sur la touche. Ensemble ils vont tenter de défendre Christophe, un petit arnaqueur qui clame son innocence. Si Paul voit dans cette affaire un moyen de se refaire, Mimi y voit, elle, une mission, un chemin vers la justice et la vérité.

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Entretien avec la réalisatrice, Marie Garel-Weiss

Comme dans votre premier long-métrage, La fête est finie, et votre film pour Arte, Qu’est-ce qu’on va faire de Jacques ?, vos personnages naviguent en marge de la société, entre enfermement et liberté. D’où vous vient ce goût pour les outsiders et les duos ? 
Cela rejoint sans doute mon sentiment que tout le monde finalement avance en dehors des clous, tout le monde se sent « à part ». Mais en ce qui concerne les pathologies, les troubles, que ce soit chez les schizophrènes, les bipolaires, les dyslexiques ou tout autre profil que la société accueille difficilement ou pas du tout, je suis fascinée par leurs capacités compensatoires hors du commun, que je considère comme des dons. Imaginer que l’on puisse « faire famille », se trouver un compagnon de route me donne de l’espoir. Le groupe commence par deux personnes, d’où le duo : à deux, c’est mieux !

Comment est née Mimi, dont le caractère sans filtre, les facultés hors norme et l’inaptitude sociale lui confèrent des airs de super-héroïne ?
À la différence de La fête est finie, qui témoignait de ma propre expérience, j’avais envie avec Sur la branche d’aller vers la pure fiction, dans ce qu’elle autorise de jubilatoire et d’inventif. Avec mes scénaristes, nous avons voulu créer des personnages au sens plein du terme, et Mimi en est un. Le temps d’un film, elle va au bout de ses obsessions et est totalement acceptée pour ce qu’elle est, alors que dans la vie, elle serait sans doute vouée à être enfermée ou, du moins, contrôlée. C’était une gageure de faire exister Mimi sans qu’elle soit attendrissante, ou « mignonne » ; de la rendre à part tout en étant incarnée ; de la faire interagir avec les autres, qui, eux, sont plus soumis au réel. Mimi n’a pas vraiment d’ancrage, elle a compris qu’elle n’y arriverait pas de la même façon que les autres. Elle a soif d’absolu, de justice, ce qui n’est pas forcément vertueux, mais révèle une grande angoisse de la vie !

Comment avez-vous dessiné les personnages qui gravitent autour d’elle, à commencer par Paul, cet autre inadapté ? 
Dans ma tête, Mimi et Paul ont toujours existé ensemble. C’est la rencontre entre l’émerveillement et le fatalisme. Mimi offre à Paul la possibilité de repartir vers la vie. Nous lorgnions du côté des comédies policières. Cette mission, c’est la dernière chance de sauver leur peau pour Mimi et Paul. Autour d’eux gravite un petit arnaqueur mythomane, Christophe, mis à l’écart par une famille qu’il pressent être la sienne. Cet autre obsessionnel, qui se cogne à ces riches sans relâche par pure intuition, nous amusait. Ces personnages, qui marchent comme des crabes, s’attirent tels des aimants et finissent par former une constellation. Claire, l’ex-femme de Paul, tente, elle, de sauver son cabinet, mais la vie d’aventure qu’elle menait avec lui lui manque. Entre eux, c’est l’amour impossible, mais l’amour toujours.

Comment avez-vous choisi vos décors ?
Nous y cherchions aussi ce pas de côté. Pour le cabinet d’avocats, j’avais en tête un bocal en plein ciel, ce sentiment de pouvoir voler, mais d’être empêché par la vitre. L’idée était de s’éloigner de la représentation classique du cabinet d’avocats. Les décors du début du film racontent l’enfermement des personnages tout en donnant à voir la vie en dehors, celle dans laquelle ils voudraient s’ébattre, comme dans un dessin de Sempé ! Puis le film s’ouvre sur l’extérieur, vers de plus grands espaces, qu’on associe au sentiment de liberté, alors que nos personnages s’enferment eux-mêmes. C’est le paradoxe entre ce qu’on voit et ce qu’on ressent. Mon envie de cinéma était aussi d’oser, de flirter avec l’outrance, comme dans la séquence du repas avec la famille Dupré, où les mouettes se sont invitées !

Comment avez-vous écrit vos dialogues ? 
Les dialogues, c’est ce qui me vient souvent en premier. Avec Mimi, il a fallu se mettre dans sa peau, qu’elle ne soit pas dans l’effet, mais qu’on sente qu’elle est capable de fulgurances accompagnées de sorties décalées, tout en restant attachante et proche. Nous voulions que sa perspicacité et sa grande concentration s’expriment par la comédie, sans moquerie. Nous avons écrit par couches successives, les dialogues ont donné le ton immédiatement ; nos personnages ont un grand besoin de parler, de tout déballer, c’était joyeux à écrire.

Comment avez-vous travaillé à la bande originale du film ? 
J’ai travaillé avec Ferdinand Berville, mon compagnon, et Pierre Allio, qui sont tous deux compositeurs. Ils sont très complémentaires. Ils ont avancé sur un fil en résonance avec des orchestrations des années 1970, inspirés par celles de Lalo Schifrin, par Henry Mancini également, tout en restant axés sur la modernité des personnages. Tous les deux me faisaient penser au chef suédois du Muppet Show : ils mélangeaient des ingrédients avec audace et enthousiasme, ils repartaient et revenaient toujours avec de nouvelles propositions. Avec le romanesque et le lyrisme qui se dégagent de leurs compositions, ils ont su faire écho au souffle de Paul et Mimi, à leur cavalcade. Pour ce qui est des musiques additionnelles, quand j’ai émis le désir d’utiliser un titre interprété par Caetano Veloso, un dieu pour moi, j’osais à peine imaginer que ce soit possible et j’étais folle de joie que ça le devienne. L’impromptu de Schubert est comme un tube, il est tellement émouvant…Et puis, Ferdinand m’a fait découvrir cette chanson de Christophe, une véritable pépite qui résonne à la fin du film.

Comédie de Marie Garel-Weiss. 2 nominations au Festival du Cinéma et Musique de Film de la Baule 2023 (édition 9). 3,3 étoiles sur AlloCiné.

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