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Le détournement de clientèle par un employé est une faute lourde

Un assistant comptable est licencié pour avoir détourné la clientèle de son employeur. Pour la Cour d’appel, l’employé a commis une faute grave mais pour la Cour de cassation, il s’agit d’une faute lourde car l’intention de nuire est caractérisée par le détournement de clientèle…

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 6 avril 2022. Pourvoi n° 20-20.128

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2020), M. [M] a été engagé par la société Conseil comptabilité gestion des entreprises (CCGE) à compter du 19 janvier 1994, en qualité de comptable puis d'assistant comptable. Son contrat de travail a été transféré à la société CCGE du Sud en juillet 2005.

2. Le 15 novembre 2007, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail, de paiement de certaines sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. L'employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute lourde le 6 décembre 2007.

Examen du moyen. Sur le moyen, pris en sa première branche. Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave et non sur une faute lourde et de le débouter de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, alors « que la faute lourde se caractérise par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le salarié, alors qu'il exerçait les fonctions de comptable pour le compte de la société CCGE du Sud, avait, à compter de l'année 2006, en cessant de traiter informatiquement certains dossiers de clients sur un poste relié au réseau de l'entreprise, conservé par devers lui ces dossiers et ainsi privé son employeur de tout accès aux écritures comptables de ses propres clients, et qu'il avait dans le même temps cessé de facturer pour le compte de son employeur les prestations effectuées en matière sociale ; que la cour d'appel a encore relevé qu'il avait au cours de l'année 2007 adressé sa candidature à une société concurrente, le cabinet [W], en lui remettant une liste de seize clients de son employeur tout en prétendant qu'il s'agissait de sa propre clientèle, qu'il était en cours de préavis de démission et que la société CCGE du Sud était informée, ce qui avait conduit cette société concurrente à contacter la société CCGE du Sud en vue de la reprise du suivi de la comptabilité de ces clients ; que la cour d'appel en a déduit ‘'son intention claire et non équivoque de s'approprier la clientèle de la société CCGE du Sud'‘ ; qu'en jugeant néanmoins que M. [M] n'avait pas commis une faute lourde, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 233-14 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 1er mai 2008 :

4. La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

5. Pour dire que le licenciement du salarié repose sur une faute grave et non sur une faute lourde, l'arrêt retient, d'une part, que le salarié, qui a remis au soutien de sa candidature à un emploi de collaborateur comptable une liste de seize clients de son employeur en prétendant qu'il s'agissait de sa propre clientèle, a eu l'intention claire et non équivoque de s'approprier la clientèle de la société CCGE du Sud, que d'autre part, il a cessé d'utiliser un poste informatique relié au réseau de l'entreprise pour traiter les prestations des clients du bureau de [Localité 4] en sorte que l'employeur ne possédait plus aucune écriture comptable depuis près d'un an et se trouvait dans l'impossibilité d'établir les bilans et comptes de résultats et qu'enfin, le salarié ne justifie pas avoir transmis la liste des dossiers concernés par l'absence de facturation des prestations en matière sociale qui lui était impérativement réclamée. Il ajoute que ces faits sont constitutifs d'une faute grave mais non d'une faute lourde, la preuve de l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise n'étant pas rapportée.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait détourné la clientèle de son employeur, en sorte que l'intention de nuire était caractérisée, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement repose sur une faute grave et non sur une faute lourde et en ce qu'il déboute la société Conseil comptabilité gestion des entreprises de sa demande en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

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