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Droit de grève et protestation


Des salariés sont licenciés après avoir cessé collectivement le travail pour protester contre le licenciement d’un collègue. La Cour d’appel puis la Cour de cassation donnent tort aux salariés : l’arrêt de leur travail n’étant pas fondé sur une revendication professionnelle, il ne pouvait être considéré comme une grève.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 6 avril 2022. Pourvois n° 20-21.586, 20-21.587, et 20-22.525

[…]

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 20-21.586, C 20-21.587 et X 20-22.525, sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 29 mai 2019), la société Iteremia (la société), filiale du groupe SNCF, est une entreprise de prestation de services spécialisée dans l'accueil, l'assistance et l'accompagnement de voyageurs.

3. Suite au licenciement pour faute grave d'un salarié de cette société par lettre qu'il a reçue le samedi 25 octobre 2014, un certain nombre de ses collègues, dont MM. [I] et [N], responsables d'équipe, et M. [F], agent de service, ont, le 27 octobre 2014, indiqué par lettre annexée à un courriel de l'un des délégués du personnel qu'ils contestaient ce licenciement et cessaient le travail, sollicitant la réintégration de leur collègue.

4. La cessation collective concertée du travail s'est déroulée du 27 au 31 octobre 2014 inclus.

5. Convoqués par lettre recommandée avec accusé réception du 31 octobre 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire, après mises en demeure de reprendre le travail, MM. [I], [N] et [F] ont été licenciés pour faute grave par lettre recommandée avec accusé réception du 20 novembre 2014, datée par erreur du 20 octobre visant notamment leur absence injustifiée pendant tout ou partie de la période en cause.

6. Les salariés ont saisi le 28 avril 2015 la juridiction prud'homale en annulation de leur licenciement et réintégration, subsidiairement en contestation de son bien-fondé.

Examen des moyens. 

[...]

Sur le moyen de chacun des dossiers, pris en ses première et deuxième branches. Enoncé du moyen

8. Les salariés font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes tendant au prononcé de la nullité de leur licenciement, à leur réintégration et au paiement d'un rappel de salaire et de retenir que leur licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que dès lors qu'il est, au moins partiellement, justifié par des revendications professionnelles, l'arrêt de travail collectif des salariés constitue un mouvement de grève ; qu'en retenant que le mouvement de grève était illicite tout en constatant que les salariés dénonçaient les méthodes répressives de l'employeur et contraires aux préconisations du cabinet d'expertise intervenue dans le but d'améliorer les conditions de travail des salariés, ce dont il s'évinçait que, si même le mouvement avait été déclenché par le licenciement d'un salarié, ce mouvement était justifié par des revendications professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le courrier du 27 octobre 2017 soulignait que les méthodes utilisées par l'employeur "nous laissent perplexe et donnent à penser que ces mesures (bordant de près le harcèlement moral qui a souvent conduit nos collègues en dépressions) se poursuivent au sein du groupe Iteremia" ce dont il résultait que le mouvement était justifiée par une inquiétude collective des salariés face au comportement de l'employeur ; qu'en décidant que le mouvement qu'il résultait de ce courrier que le mouvement avait pour unique objet de défendre un salarié licencié, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 27 octobre 2017. »

Réponse de la Cour

9. Ayant retenu, hors toute dénaturation, que la lettre transmise à l'employeur le 27 octobre 2014, qui doit seule être prise en considération pour apprécier les revendications préalablement portées à la connaissance de l'employeur, a pour seul objet la contestation de la décision de licenciement d'un salarié que les salariés estimaient abusive et déloyale, que si, dans cette lettre, les salariés considèrent que les adjoints ayant contrôlé le salarié le 18 septembre ont accompli un rôle « d'espionnage » et que leurs méthodes sont qualifiées de « répressives », ils se contentent de contester point par point les fautes imputées à ce salarié et la décision de l'employeur de le licencier, et que le licenciement a été prononcé pour des faits strictement personnels, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la cessation du travail n'était pas fondée sur une revendication professionnelle et que, dès lors, l'arrêt de travail ne constituait pas l'exercice du droit de grève.

10. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne MM. [I], [F] et [N] aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

Photo : Pixabay.

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