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Années 80 : l'affaire des écoutes de l'Elysée


L'affaire des écoutes de l'Élysée est une affaire française d'écoutes téléphoniques illégales qui s'est déroulée de 1983 à 1986 sous le premier septennat de François Mitterrand.

Elle s'est terminée par le jugement du 9 novembre 2005 du tribunal correctionnel de Paris, avec la condamnation de sept anciens collaborateurs du président de la République, François Mitterrand, décédé en 1996.

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Contexte

Origines

À la fin du premier trimestre de l'année 1982, au lendemain de l'attentat de la rue des Rosiers, les proches du président Mitterrand, François de Grossouvre et Charles Hernu, approchent le directeur de la DGSE, Pierre Marion, pour qu'il mette au service de l’Élysée les technologies d'interception de communications de la DGSE. Considérant que l'espionnage de citoyens français sur le territoire national ne relève pas des compétences de son service, Marion refuse.

À la même époque, le Président s'inquiète de la sécurité de sa fille cachée, Mazarine Pingeot, car il pense le journaliste Jean-Edern Hallier, qui a écrit un brûlot non-publié où il révèle l'existence de Mazarine, en relation avec des groupes terroristes susceptibles de la kidnapper pour faire pression sur lui. Marion refuse que la DGSE s'occupe de la sécurité de Mazarine, considérant que ce rôle n'est pas dans la mission du service.

Prenant acte de ces deux refus, François Mitterrand crée une cellule de sécurité ad hoc à l'Élysée dirigée par Christian Prouteau, qui est installée au 2, rue de l'Élysée. Le Président obtient d'Hernu de transférer à l’Élysée 20 lignes d'interceptions téléphoniques prélevées sur le contingent de la DGSE. La cellule repose essentiellement sur deux ordinateurs PCXT de la marque IBM, reliés à une imprimante Epson pour l'un et une imprimante IBM 4201 pour l'autre ; 1 000 magnétophones environ sont mobilisés. Deux logiciels sont utilisés : « Filing » et « Reporting ». Le premier de ces deux logiciels permet de créer des fiches d'écoutes, chaque fiche étant d'un maximum de 31 pages, et comportant des rubriques, des mots-clés, et la retranscription des conversations. La cellule reçoit l'ordre d'écouter différentes personnes, dont des citoyens français, pour parer à toute attaque terroriste et à toute tentative d'enlèvement ou de chantage dans la famille du Président.

La répartition des tâches est ainsi définie : Jean-Louis Esquivié gère la banque de données de la cellule, Pierre-Yves Gilleron est chargé de l'exploitation du renseignement, et Pierre-Yves Guézou, de la gestion au jour le jour des écoutes.

Ce ne furent pas les premières écoutes téléphoniques effectuées par les services de la République. Ainsi, Constantin Melnik, qui coordonna les services secrets entre 1959 et 1962 confirma que durant la guerre d'Algérie, des écoutes téléphoniques étaient déjà pratiquées.

Toute écoute téléphonique n'est cependant pas illégale. Les deux tiers de ces écoutes sont faites à la demande de la DST et des RG, dans des conditions qui ont par la suite été plus sévèrement encadrées juridiquement, essentiellement dans le cadre d'activités d'espionnage, de contre-espionnage ou de lutte contre le terrorisme. En 2007, la France dispose à l'UCLAT (Unité de coordination de la lutte antiterroriste), d'un système d'écoute pouvant traiter 20 000 requêtes par an.

La cellule antiterroriste de l'Élysée est mise en demi-sommeil pendant la première cohabitation et est dissoute en 1988.

Personnalités écoutées

La cellule de l'Élysée est mise en place avec l'objectif double de lutter contre le terrorisme, et de protéger le Président de tentatives de chantage. Jean-Edern Hallier se retrouve ainsi mis sur écoute : il avait annoncé en mars 1984 la publication d'un brûlot intitulé L'Honneur perdu de François Mitterrand, lequel au départ devait d'ailleurs s'appeler Mitterrand et Mazarine, dans lequel il révélait l’existence de Mazarine Pingeot, la fille naturelle, cachée à l’époque, du président. L'écoute aurait permis à la cellule d'être mise au courant des dates de publication des livres, et aurait envoyé des agents les récupérer afin de les détruire.

Le président Mitterrand confie à Roland Dumas « Vous savez, il ne peut aller nulle part sans que je sache où il est ». Répondant que ce n'est pas de son niveau de s'occuper de ces choses-là, le président répond : « Il a menacé d’enlever ma fille. Il a déclaré que la fille du péché allait être enlevée […] Mais enfin, Roland, on menacerait votre fille, vous ne feriez pas ce que je fais ? ».

Christian Prouteau essaie également de détecter des taupes ou des menaces potentielles dans l'entourage-même du Président. Il en est ainsi d'un couple d'amis d'Anne Pingeot, régulièrement invité à passer la fin de semaine à Souzy-la-Briche chez la famille, qui intrigue le groupe de sécurité du Président par ses propos peu amènes sur Mitterrand et un comportement sans gêne. Le branchement du couple dure peu de temps, car la cellule se rend compte que ces « amis » sont simplement indélicats, et ne sont en rien une menace.

L'avocat Antoine Comte fait partie des écoutés car bien que la cellule n'avait rien de concret contre lui, elle s'intéressait à ses voyages à Beyrouth, en Irlande et à ses clients, parmi lesquels Anis Naccache et les militants du groupe terroriste Action directe.

Des personnalités de la culture sont mises sur écoute. Ainsi des écrivains Jean-Pierre Thiollet et Paul-Loup Sulitzer, du réalisateur Jean-Pierre Rassam, ainsi que sa compagne Carole Bouquet. Selon les auteurs de La Décennie Mitterrand, ce n'était pas Bouquet elle-même qui était écoutée, mais l'un de ses amis de l'époque, du fait de ses relations avec le Proche-Orient. Selon Prouteau, Rassam avait des liens avec Mouammar Kadhafi et Bouquet ne fut plus écoutée après la mort de son mari en 1985.

Le journaliste Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde, fut écouté à partir de 1985. Selon le dossier d’accusation, Edwy Plenel aurait été une cible des écoutes parce que le Président avait demandé à la cellule de découvrir qui avait informé le journaliste des dessous de l'affaire Farewell, diplomate soviétique qui avait livré d'importants secrets à la Direction de la Surveillance du territoire. La cellule de l'Élysée soupçonnait alors le patron de la DST, Yves Bonnet, d'avoir joué un jeu peu clair avec les services de renseignement américains et Plenel d'avoir été l'instrument de cette opération. Plenel reste écouté, ce qui permet à la cellule d'en apprendre beaucoup sur la manière dont l'affaire du Rainbow Warrior, quelques mois plus tard, vient à être révélée au grand public.

Ont également été mis sur écoute les journalistes Hervé Brusini, Jacques Merlino, Michel Cardoze et Jean-Marie Bourget pour, selon Prouteau, traquer les auteurs de fuites dans l'affaire Greenpeace ; ou encore des quidams comme le gendarme Jean-Michel Beau.

À quelques rares exceptions près, le personnel politique n'a pas été mis sur écoute. Il est cependant arrivé que les conversations de certains députés ou ministres soient écoutées lors de communications émises par des personnes écoutées. Des conseillers en marge du personnel politique de premier plan, comme Joël Galipapa (à partir du 30 mai 1985), proche de Charles Pasqua, François Froment-Meurice, secrétaire général adjoint du Centre des démocrates sociaux, ont été écoutés.

Les avocats Jacques Vergès et Francis Szpiner ont été écoutés.

Près de 3 000 conversations concernant 150 personnes, dont 7 pour des raisons qui ont été jugées illégales, ont été enregistrées entre janvier 1983 et mars 1986. Les écoutes, que les initiés appellent les « bretelles du président », ont cessé en 1986. Elles ont directement concerné plus d'un millier de personnes. Selon Pierre Favier et Michel Martin-Roland, les archives de l'Élysée montrent que 10 à 12 % des interceptions ne sont pas justifiables par les intérêts de sécurité nationale, de contre-terrorisme ou de contre-espionnage, mais ce sont ces 12 % qui ont été révélées en premier.

Procès

Il a fallu près de vingt ans pour que l'affaire soit jugée. Cela est dû en premier lieu au fait que les révélations, en grande partie anonymes, ont été tardives. Ensuite, le juge instructeur, Jean-Paul Vallat s’est heurté pendant longtemps au secret défense. C’est seulement en décembre 1999 que la Commission consultative du secret de la défense nationale a donné un avis favorable à une déclassification partielle du dossier. Enfin, bien qu’il ait bouclé son dossier en 2000, il a dû attendre quatre ans pour que le procès soit ouvert.

Le procès de l'affaire s'est ouvert le 15 novembre 2004 devant la 16 chambre du tribunal correctionnel de Paris. Dans son jugement du 9 novembre 2005, il a exposé les motivations de sa décision judiciaire.

Le tribunal a ainsi relevé que le président François Mitterrand s'était montré soucieux de protéger divers éléments de sa vie personnelle, notamment l'existence de sa fille naturelle Mazarine Pingeot. Selon le tribunal, François Mitterrand a été « l'inspirateur et le décideur de l'essentiel ». Le dossier a montré que le président avait ordonné lui-même certaines écoutes et avait laissé faire pour d'autres.

Le tribunal a néanmoins souligné que les autres écoutes administratives réalisées par les services secrets et la police n'avaient pas plus de cadre illégal que celles de la cellule antiterroriste.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici Photo : Pixabay - NakNakNak.

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