La folle histoire de Louise qui se retrouve un beau matin, prise au piège dans sa propre voiture, terrassée par une attaque de panique dès qu’elle veut en sortir, et de Paul qui vole la voiture et du coup la kidnappe. Les voilà tous les deux embarqués dans un road-movie mouvementé !
D’où vient l’idée de En roue libre ?
J’adore les huis-clos, la comédie, mais aussi les paysages. En combinant ces envies, quelque chose a surgi : l’idée d’un huis-clos en mouvement, un personnage en voiture qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive mais qui va découvrir que sa vie ne ressemble pas à grand-chose. Cela résonnait avec ce que j’entendais autour de moi : des amis en proie à une crise de milieu de vie. Il leur semblait que tout allait bien et puis, en réfléchissant, leur vie n’était pas si rose que ça. J’ai inventé le personnage de Louise. Mon court-métrage a aussi comme personnage principal une femme un peu en perdition. J’ai plus de facilité à écrire un personnage de femme, cela résonne moins directement en moi... J’ai mis ce personnage dans une voiture et je l’ai faite rouler.
Quelles ont été les étapes de l’écriture ?
Il fallait que ça tienne la route, si j’ose dire, que ça ne soit pas qu’un concept. Avec Marie Deshaires, on a commencé à accumuler des éléments réalistes sur la vie de Louise. Puisqu’on partait d’une idée un peu absurde, il fallait donner du concret au personnage. J’étais sûr que la pathologie que j’avais imaginée n’existait pas, jusqu’à ce qu’une amie, chef de service dans un hôpital psychiatrique, me dise qu’elle avait eu une patiente qui était restée coincée dans sa voiture, mais moins longtemps, quelques heures seulement. Elle s’était garée sur le bord de la route, sur le chemin de son travail, elle n’arrivait pas à en sortir. Il se trouve qu’elle subissait un harcèlement dans sa vie professionnelle.
Vous avez vite rajouté le personnage de Paul ?
On est partis sur le personnage de Louise, mais on a tout de suite compris qu’il lui fallait un interlocuteur, et deux histoires qui se confrontent. Un autre personnage pouvait la faire évoluer, l’aider à résoudre sa situation. Lui-même aurait sa propre problématique qu’elle aiderait à résoudre. Une suite de rencontres, même cocasses, ne suffisait pas. Deux personnages qui n’ont a priori rien à faire ensemble sont réunis par des circonstances qui les rapprochent. Louise est comme effondrée sur elle-même, lui est plutôt dans une situation d’explosion. Ce sont deux personnes qui ont en commun d’avoir perdu quelqu’un, il y a entre eux quelque chose d’indicible qui se noue. La différence d’âge s’est imposée rapidement ; je n’avais pas envie d’une histoire d’amour au sens strict. C’est un couple qui n’est pas un couple.
Comment avez-vous choisi Marina Foïs ?
Il fallait quelqu’un qui ait de l’humour sans pour autant perdre le côté sombre du personnage et de la situation qui est la sienne. Marina a cette capacité-là. Elle sait passer du comique à quelque chose de plus intense. Elle possède une grande drôlerie mais aussi un naturel très fort, qui apporte de la vérité et qui lui permet de donner une pleine incarnation à un personnage risquant d’être théorique. Elle s’est prêtée au jeu de façon formidable. On devait la filmer frontalement : Louise est quelqu’un qui sort de chez elle un matin, pas maquillée. Jamais Marina n’a demandé un retour vidéo, jamais elle n’a cherché à se protéger. Il y a eu un travail très précis sur son maquillage. On part de quasiment rien et, au fur et à mesure, on lui remet des couleurs. Le fait qu’elle aille mieux se voit sur sa figure et pas sur ses habits. Dans le film, Louise évolue, elle devient peu à peu plus solaire.
Et Benjamin Voisin ?
Il sortait du film de Benjamin Parent, Un vrai bonhomme. Il n’avait pas encore tourné Été 85. Pour ce rôle-là, on a vu beaucoup de bons acteurs de cet âge-là. Mais au moment où j’ai vu Benjamin devant la caméra, quelque chose s’est passé. C’est amusant, ce sont des choses que je lisais dans les interviews de réalisateurs et auxquelles je ne croyais pas. Mais là, il y a eu comme une évidence. Benjamin me fait penser à une sorte de Belmondo jeune, il a lui aussi quelque chose de très naturel. Il avait quelque chose de plus léger que d’autres, qui auraient bien incarné le môme violent. Avec lui, on comprend que sa violence est feinte. On a fait des lectures, auxquelles on a intégré assez vite Jean-Charles Clichet qui joue le psy.
Comment avez-vous choisi la voiture ?
Pour moi depuis le début c’était un troisième personnage et son choix avait une grande importance. Par souci de réalisme, j’ai d’abord pensé à une petite voiture : une infirmière en province circulerait plutôt dans une Twingo ou une Clio que dans une Volvo. Mais je me suis dit aussitôt que je n’avais aucune envie de tourner à l’intérieur d’une Twingo...
Alors, cherchons une belle voiture, une voiture assez grande, vintage, photogénique et pas chère, en l’occurrence une Volvo 240 break. On avait écrit que c’était la voiture de son père. Pour Louise, qui est tournée vers le passé, la voiture incarne la continuité de son père, et la musique celle de sa mère. J’ai traité la voiture comme un décor : je l’ai fait repeindre couleur moutarde. J’ai fait refaire les intérieurs, la couleur des sièges, choisi des matières, fait peindre le plafond de la voiture en gris foncé pour donner du contraste aux visages. Exactement comme si j’allais filmer deux personnages dans une cuisine ou une pièce d’appartement. Cette voiture est devenue plus qu’un décor, elle est passée d’une prison pour Louise à un refuge, un univers réconfortant. Avec le monteur son on a travaillé sur le bruit qu’elle faisait. Elle ne fait pas toujours le même bruit selon les scènes. Parfois elle est quasiment silencieuse comme un tapis roulant pour laisser place à la tension, parfois elle est bruyante, vivante comme si elle voulait participer à la conversation.
Comédie de Didier Barcelo. 3,4 étoiles sur AlloCiné.