Haoui.com

Un salarié ne peut être licencié au motif qu'il a attaqué en justice son employeur


Un salarié reçoit un avertissement qu’il conteste devant les prud’hommes demandant son annulation. Quelques jours plus tard, il est convoqué à un entretien préalable, mis à pied et licencié pour cause réelle et sérieuse. Le salarié saisit à nouveau la juridiction prud’homale considérant son licenciement nul car motivé, selon lui, par l’action en justice précédente à l’encontre de son employeur. La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent raison.

Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 29 septembre 2021. Pourvoi n° 19-24.956 19-24.993.

[…]

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 septembre 2019), M. [N] a été engagé le 17 mars 2003 par la société Bombardier transport France en qualité de dessinateur projeteur. Il a fait l'objet d'un avertissement le 17 février 2014. Le 31 mars 2014, il a saisi le conseil de prud'hommes de demandes tendant notamment à l'annulation de cette sanction. Convoqué le 18 avril 2014 à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié, le 26 mai 2014, pour une cause qualifiée par l'employeur de réelle et sérieuse.

Examen des moyens

[…]

Sur le moyen du pourvoi de l'employeur, pris en ses cinquième et sixième branches. Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul, d'ordonner la réintégration du salarié, de le condamner à lui verser une indemnité de 179 520,49 euros pour la période du 29 août 2014 au prononcé de l'arrêt et une somme de 2 821,54 euros par mois pour la période allant du prononcé de l'arrêt jusqu'à la réintégration effective, outre 2 468,85 euros à chaque mois de novembre, alors :

« 5° / que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit interdit ainsi au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice effectivement subi et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'en l'absence de disposition légale l'y autorisant expressément, le juge ne saurait déroger au principe de la réparation intégrale du préjudice pour allouer des dommages-intérêts punitifs ; qu'il en résulte qu'en cas de nullité d'un licenciement, quelle que soit la cause de cette nullité, le juge ne peut accorder au salarié qui sollicite sa réintégration dans l'entreprise qu'une indemnité correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi pendant la période d'éviction, dans la limite du montant des salaires dont il a effectivement été privé, de sorte que doivent être déduits de cette indemnité toutes les sommes et revenus de remplacement éventuellement perçus par le salarié pendant ladite période d'éviction ; que la société exposante contestait tant le bien fondé de la demande de réintégration que le caractère déraisonnable de la demande indemnitaire formulées par le salarié en faisant notamment valoir que ce dernier avait perçu des revenus de remplacement, notamment des indemnités journalières de sécurité sociale et des indemnités de prévoyance au cours la période ayant suivi son licenciement ; que la cour d'appel a néanmoins expressément exclu toute "déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période" pour condamner la société Bombardier Transport à verser au salarié une somme de 179 520,49 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul sur la période allant du 29 août 2014 au 27 septembre 2019 ; qu'en s'abstenant ainsi de déduire de l'indemnité allouée les revenus de remplacement perçus par le salarié pendant sa période d'éviction, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

6°/ que le principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction civile ayant le caractère d'une punition ; qu'il en découle que la sanction de la nullité d'un licenciement prononcée par le juge civil doit être proportionnée tant au manquement de l'employeur qu'au préjudice subi par le salarié ; qu'il en résulte qu'en cas de nullité d'un licenciement, quelle que soit la cause de cette nullité, le juge ne peut accorder au salarié qui sollicite sa réintégration dans l'entreprise qu'une indemnité correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi pendant la période d'éviction, dans la limite du montant des salaires dont il a effectivement été privé, de sorte que doivent être déduits de cette indemnité toutes les sommes et revenus de remplacement éventuellement perçus par le salarié pendant ladite période d'éviction ; qu'au cas présent, la société exposante contestait tant le bien fondé de la demande de réintégration que le caractère déraisonnable de la demande indemnitaire formulée par le salarié en faisant notamment valoir que ce dernier avait perçu des revenus de remplacement, notamment des indemnités journalières de sécurité sociale et des indemnités de prévoyance au cours la période ayant suivi son licenciement ; que la cour d'appel a néanmoins expressément exclu toute "déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période" pour condamner la société Bombardier Transport à verser au salarié une somme de 179 520,49 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul sur la période allant du 29 août 2014 au 27 septembre 2019 ; qu'en s'abstenant ainsi de déduire de l'indemnité allouée au salarié, à titre de sanction civile de l'employeur, les revenus perçus par le salarié pendant sa période d'éviction, la cour d'appel a violé le principe à valeur constitutionnelle de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur.

6. Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.

7. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir prononcé la nullité du licenciement pour atteinte au droit d'agir en justice et ordonné la réintégration du salarié dans l'entreprise, a condamné l'employeur à lui payer une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé en l'audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un. [...]

Photo : Elesin Aleksandr - Fotolia.

Pour vous accompagner juridiquement, des avocats :

75001 - MAÎTRE DE BOISSIEU OLIVIER https://www.droit-penal-des-affaires-paris.com
75008 - HEBE AVOCATS A LA COUR https://www.avocat-droit-fiscal-paris.com
75116 - MAITRE ALEXIA DECAMPS https://www.alexia-decamps-avocat.fr
78000 - BVK VERSAILLES 78 AVOCATS ASSOCIES AVOCAT https://www.bvk-avocats-versailles.com